Is brand evident ?

Jean CornetJeune product manager chez Unilever, j’ai assisté à un séminaire donné par une gloire de la pub londonienne, David Bernstein, qui se présentait en disant « I’m as old as Mickey Mouse ». Traduction : né en 1928. Durant 2 jours, David nous bombarda de pubs TV, radio, affiches, annonces presse en les plaçant dans leur contexte puis en nous demandant de les évaluer. Bien sûr, il partagea un paquet d’anecdotes mais aussi d’insights sur la relation annonceur – agence, sur le poids des egos, etc. Puis, tout à la fin, il nous dit : « Si vous ne devez retenir qu’une seule chose de ces 2 jours, la voici : chaque fois que vous devrez évaluer une publicité, quel que soit le support, posez-vous cette question : IS BRAND EVIDENT ? Et si la réponse n’est pas un 'oui, absolument', go back to work ! »
J’ai souvent appliqué cette règle toute simple, elle m’a évité quelques loupés monumentaux (mais, je dois le confesser, pas tous). Et j’y repense souvent, en particulier face à des affiches qui imposent, plus que tout autre canal de communication, un branding clair, évident, et une idée simple. Une campagne récente me proposant de profiter du soleil à l’anglaise me paraît être un contre-exemple malheureux. Is brand evident ? Non. Au contraire, elle est pratiquement inexistante. Y a-t-il, à la place, un symbole, à la « swoosh » de Nike, qui la remplacerait ? Non. Le style visuel est-il à ce point connu et reconnu qu’une présence forte de la marque en deviendrait superflue ? Non plus. Le graphisme utilisé n’a rien d’exclusif ni d’immédiatement identifiable. Le headline, alors, est-il tellement interpellant, provocateur, que l’on aurait absolument envie de savoir quelle est la marque derrière cette affiche si audacieuse, si drôle, si originale ? Encore moins. Le slogan « profitez du soleil à l’anglaise » apporte plutôt la confusion, vu que le soleil n’est, de loin, pas le premier mot qu’on associe spontanément à l’Angleterre… Pour aggraver les choses, l’ouvrier en charge de coller l’affiche avait cochonné son travail, et la marque (que j’ai fini par découvrir après avoir garé ma voiture et m’être approché à moins de 5 mètres, comportement bien sûr typique de l’automobiliste moyen), avait été amputée de deux lettres.
A l’heure où le Return On Marketing Investments est de plus en plus mis en doute, dans les réunions de comités de direction ou ailleurs, où de nombreux gourous, souvent auto-proclamés, pérorent sur la disparition des règles traditionnelles du marketing, un petit rappel de la question élémentaire « is brand evident » ne peut pas faire de tort. Je dédierai donc cette colonne à David Berstein, dinosaure peut-être, mais que cette phrase (par ailleurs anagramme de son nom) protège de l’extinction.