Analyse de la désinfluence : "non" devient le nouveau "oui" du marketing

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Nadia Steils, professeur associée en marketing et Mathilde Bwenge, chercheuse en stage de recherche en marketing ce semestre à HEC Liège-ULiège, proposent une analyse de la désinfluence, un phénomène et une pratique sur les réseaux sociaux qui vise à encourager une consommation plus consciente en dissuadant l’achat impulsif ou inutile, en réaction à la surconsommation.

« Vous ouvrez TikTok et la première vidéo vous dit de ne pas acheter le nouveau mascara dont tout le monde parle. Bienvenue dans le monde de la désinfluence. »

Sur TikTok, YouTube ou Instagram, nous voyons défiler d’innombrables vidéos d’influenceurs partageant leur mode de vie ou les derniers vêtements, voitures et produits de maquillage qu’ils ont achetés, incitant ainsi les spectateurs à se procurer les mêmes produits. Ces influenceurs ont le pouvoir de renforcer l’engagement des consommateurs et de façonner leurs comportements grâce à leur crédibilité ou leur expertise.

À une époque où la durabilité, le bien-être et les préoccupations environnementales prennent une place de plus en plus importante, différents acteurs s’engagent pour lutter contre la surconsommation et dissuader leur audience d’acheter des choses dont ils n’ont pas réellement besoin. Ces dernières années, divers mouvements ont émergé pour dénoncer la surconsommation.

Parmi eux, le « culture jamming », qui consiste à réutiliser de manière créative les codes de la publicité pour pousser les individus à questionner et à résister à la consommation non durable. Ce type de messages critique les marques en reprenant leurs méthodes de communication publicitaire, mais en les détournant pour les dénoncer. Par exemple, une marque pouvant vanter un t-shirt avec la phrase « Ce t-shirt est fabriqué à 100 % en coton »,sera détourné en « Ce t-shirt est fabriqué à 1000 % d’eau » afin de mettre en lumière son impact environnemental.

Dans le prolongement de ce mouvement, et dans une logique de lutte contre la surconsommation, deux nouveaux types d’influenceurs ont émergé sur les réseaux sociaux. D’un côté, les « greenfluencers » sont des influenceurs qui promeuvent un mode de vie durable et une conscience écologique. Parmi eux, on retrouve des figures comme Greta Thunberg (@gretathunberg), militante environnementale engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sur Instagram, sa portée dépasse 15 millions d’abonnés (2025). Valeria Hinojosa (@waterthruskin), quant à elle, promeut un style de vie éco-responsable et compte 438 000 abonnés (2025) sur Instagram.

De l’autre côté, un autre type de créateur de contenu et phénomène est apparu : la désinfluence. Celle-ci peut être définie comme une forme d’« influence orientée par une cause », ayant pour objectif de sensibiliser leur audience aux enjeux environnementaux et de bien-être, et d’orienter les comportements des consommateurs. Ce type de créateur de contenu se distingue par son ambition : il ne s’agit pas d’encourager à chercher des alternatives de produits, mais plutôt de limiter la surconsommation en n’achetant que ce qui est nécessaire afin de promouvoir un mode de vie durable.

Cependant, les désinfluenceurs partagent des similarités avec les créateurs de contenu traditionnels, notamment dans la manière dont ils utilisent différents formats pour capter et convaincre leur audience. On les retrouve souvent dans des vidéos courtes sur TikTok, YouTube ou Instagram, mais également dans des formats plus longs.

Pour maximiser leur portée et leur impact, plusieurs études académiques ont analysé le contenu des désinfluenceurs et identifié des caractéristiques clés. Une étude a montré que les consommateurs perçoivent les désinfluenceurs comme plus crédibles que les influenceurs traditionnels, ce qui est significatif puisque la crédibilité joue un rôle essentiel dans l’intention d’achat.

Leur authenticité les fait également apparaître plus altruistes, ce qui influence positivement le comportement des consommateurs. D’autres caractéristiques essentielles, telles que l’expertise démontrée, une communication sincère et une visibilité régulière renforcent leur pouvoir de persuasion. La congruence est un autre élément crucial.

Dans ce contexte, elle peut être définie comme le degré d’adéquation ou d’harmonie entre l’influenceur, le produit et le consommateur. Par exemple, un fort degré de congruence entre un influenceur et son audience, associé à une forte congruence entre l’influenceur et le produit, se traduit généralement par une forte congruence entre le consommateur et le produit. Comme les désinfluenceurs délivrent des messages différents des contenus promotionnels habituels, leur communication ressort davantage, la rendant à la fois plus mémorable et plus percutante.

La littérature scientifique indique également que, pour maximiser leur impact à long terme, il est essentiel que les désinfluenceurs soient eux-mêmes réellement engagés dans un mode de vie durable, car cela encourage leur audience à adopter des comportements similaires dans la durée. Sachant que le niveau d’engagement des consommateurs est plus élevé avec ce type de contenu (plus de vues, de « likes », de « dislikes » et de commentaires), il est clair que ce phénomène joue un rôle essentiel dans la sensibilisation du public.

Aujourd’hui, alors que les consommateurs accordent une attention croissante à la durabilité et au bien-être, la désinfluence offre aux entreprises une opportunité de repenser leur marketing et de se connecter de manière plus authentique avec leur audience.

- Nadia Steils, professeur associée en marketing et Mathilde Bwenge, chercheuse en stage de recherche en marketing, HEC Liège-ULiège.

Sources : 

You absolutely (don’t) need this!examining differences on customer engagement components for (anti)haul youtubers’ videos | Journal of Research in Interactive Marketing | Emerald Publishing

Culture jamming and Brandalism for the environment: The logic of appropriation: Popular Communication: Vol 15, No 4

Full article: The Importance of Influencer-Message Congruence When Employing Greenfluencers to Promote Pro-Environmental Behavior

“The emergence of cause-oriented influencers – conceptualizing de-influencing on TikTok” - ScienceDirect

Full article: From promotion to prevention: the influence of de-influencers on sustainable consumer behavioral intentions

Understanding influencer marketing: The role of congruence between influencers, products and consumers - ScienceDirect

Frontiers | The digital de-influencing wave: redefining trust in online communities