CAT, Axa... Communication de crise: l'avis des experts

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CATFermetures d'entreprises, licenciements collectifs, entrée en scène de la "Loi Renault"... Voilà autant de mots qui résonnent méchamment à nos oreilles. Les dossiers Caterpillar et Axa sont très éloignés, même si tous deux sont générateurs de drames. Face à ce genre de situations, quel rôle peut jouer la communication de crise? PUB a posé la question à deux experts: Thierry Bouckaert, Managing Partner d'Akkanto et Emmanuel Goedseels, Managing Partner - Whyte Corporate Affairs, président de BPRCA.

ON HIS MIND_Thierry Bouckaert

Thierry Bouckaert

Emmanuel Goedseels

Emmanuel Goedseels

Concernant CAT, la taille du séisme ne rend-elle pas obsolète toute communication de crise au bénéfice de l’entreprise concernée?

Thierry Bouckaert: "La communication n’est jamais inutile dans ce type de crise, mais elle est extrêmement réglementée. Même dans le cas d’une intention de fermeture, comme chez Caterpillar, la communication est indispensable pour accompagner le personnel dont le sort ne sera connu qu’au terme de la procédure « Renault ». Une bonne communication permet au personnel d’être soutenu tout au long des différentes phases qu’il subit avant de rentrer dans un processus de reconstruction : le choc, le déni, la colère, la dépression… Autant d’états que traverse toute personne qui subit un traumatisme. Le contenu de l’annonce peut être brutal et anxiogène. Par contre, la communication doit aider au dialogue et faciliter à rapprocher les différents protagonistes. Elle est réellement indispensable."

Emmanuel Goedseels: "La communication reste obligatoire car il faut informer les parties prenantes. Si l’entreprise ne le fait pas, la presse et les syndicats s’en chargeront. Maintenant, dans le cas de figure de Caterpillar, le pouvoir de la communication est en effet très limité. C’est un projet de fermeture dans un secteur B2B, il ne faut pas rassurer le personnel qui pourrait rester car il ne devrait pas rester, et les clients ne sont pas des consommateurs individuels mais des entreprises, qui opèrent souvent hors de la Belgique. Donc de manière cruelle comme il n’y a plus grand-chose à protéger ou à sauver, la communication est juste nécessaire pour informer, elle n’a pas d’autre rôle sinon calmer la situation si cela dérape. Ce serait très différent si l’entreprise était en B2C car là, les consommateurs pourraient réagir, s’insurger et influer négativement sur les ventes."

Dans le cadre de licenciements collectifs, peut-on travailler en amont avec l’entreprise cliente et ceci dans quelle mesure?

Thierry Bouckaert: "Oui, mais en respectant le cadre – très strict – de la légalité. La loi « Renault » précise que le Conseil d’entreprise doit avoir la primeur de l’information et qu’il ne peut s’agir que d’une intention. Quand les politiques, dont certains (Premier) ministres fédéraux poussent des cris d'orfraie parce qu’ils n’auraient pas été informés au préalable, ils sont en quelque sorte « hors-la-loi ». Par contre, il est tout à fait normal que des communicateurs ou des avocats soient impliqués, en signant bien évidemment de solides clauses de confidentialité et en respectant leurs codes de déontologie pour aider l’entreprise à respecter la loi et à communiquer de manière professionnelle. Il est difficile de travailler en amont dans ce genre de situations vu que la communication suit les décisions. Les consultants doivent donc souvent mettre les bouchées doubles et travailler dans l’urgence. Dans certains cas, mais ceci n’est pas valable dans le cadre de licenciements collectifs, les entreprises anticipent et se préparent à toute éventualité en faisant régulièrement des exercices de crise. Ces exercices leur permettent d’analyser l’efficacité de leurs canaux de communication."

Emmanuel Goedseels: "Il est capital de travailler en amont. Surtout si les enjeux sont importants comme dans le cas d’une restructuration dans le secteur B2C : il y a les collaborateurs dont certains vont rester, les clients, les intermédiaires de vente comme les magasins ou les courtiers en assurance. L’entreprise se trouve dans un réel challenge communicationnel : annoncer qu’elle entend licencier pour des motifs financiers ou stratégiques tout expliquant qu’elle souhaite rester forte sur le marché, rassurer une partie de son personnel, les clients et les intermédiaires. Ce rajoute en plus, une lecture différente par les syndicats, les journalistes, les observateurs et experts, avec une couche de médias sociaux.
Arriver non préparé dans ce type d’annonce, c’est la catastrophe assurée. Nous sommes souvent impliqués 3 à 6 mois à l’avance, il faut au moins cela. Par contre, il faut travailler dans des contraintes juridiques strictes car si le sujet est déjà confidentiel en soi, la loi Renault exige que les représentants du personnel soit exclusivement les premiers informés. Une fuite est donc sans pardon."