{Interview} Mosaert, laboratoire créatif bruxellois derrière Stromae, réinvente la Belgitude

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Mosaert, la "maison créative" dirigée par Luc Van Haver et Coralie Barbier, aux côtés de Paul Van Haver (Stromae), se distingue par son approche singulière du processus créatif. Au-delà du projet Stromae, dont Paul est la figure de proue, Mosaert se définit par des valeurs fondamentales : la recherche de projets stimulants, la fidélité aux demandes des clients, un engagement jusqu'au-boutiste, la créativité, la singularité et, avant tout, l'ambition de raconter une histoire. L'équipe, composée de six personnes (dont un administrateur), cherche à surprendre par des collaborations. Elle s'immerge pleinement dans l'univers de chaque entité partenaire, considérant l'apprentissage comme une source essentielle de vitalité pour tout projet. Cette philosophie pousse Mosaert à explorer des domaines variés, allant du sport à l'industrie, tout en proposant une synergie entre le vêtement, le visuel et la musique.

Quels sont les projets récents et marquants sur lesquels Mosaert a œuvré ?

Luc : Les projets les plus récents incluent la direction artistique pour la saison 2025-2026 d'Anderlecht. Un autre projet marquant est Arcane, un morceau composé en fin d'année passée dont l'impact a été énorme et inattendu. Nous suivons la philosophie de lancer un projet et d'observer sa réception, évitant le "teasing". Il arrive parfois que des projets ne se concrétisent pas entièrement, les contraintes réduisant l'idée initiale à un "quart du tiers" de son potentiel.

Coralie : Il y a également eu un morceau de Paul (Stromae) sorti sur l'album de Paul Kalkbrenner. Les projets comme Anderlecht et Le Bon Marché sont des exemples de collaborations "hors Stromae" que nous souhaitons poursuivre, car ils animent toute l'équipe. Ils nous confrontent à de nouveaux mondes, comme celui du football, ce qui est très stimulant. Nous aimons nous immerger dans ces cultures, comprendre les maillots, les supporters, ce sont des aspects que nous apprécions beaucoup. Nous cherchons à réaliser des projets là où l'on ne nous attend pas, et nous prospectons activement dans ce sens.

Dans quelle mesure Paul (Stromae) s'investit-il dans des projets Mosaert n'étant pas directement liés à sa carrière de chanteur, comme le projet Anderlecht ?

Coralie : Le projet avec le RSCA est une parfaite illustration de ce que Mosaert propose. Nous sommes conscients que le nom de Stromae est un levier puissant. Cependant, pour l'hymne d'Anderlecht, il a été conçu à deux, et Paul n'a pas posé sa voix. La demande initiale concernait les maillots, mais nous avons toujours besoin de musique pour nos propositions, et Paul adore en créer, cela le stimule. Le vêtement, le visuel et la musique font partie intégrante de notre offre.

Luc : Le projet Anderlecht aurait pu être réalisé sans la musique de Paul. Nous sommes des "touche-à-tout" et la musique est notre matériau de base. La proposition initiale d'Anderlecht n'incluait pas de musique ; c'est nous qui, en cherchant à créer quelque chose de différent et surprenant, avons suggéré le remix de "Grand Jojo". Ce n'était pas une collaboration "Stromae" à proprement parler, mais plutôt l'utilisation d'une de nos "cordes à notre arc" pour créer quelque chose de pertinent pour les fans et d'inattendu. L'idée du remix a évolué à partir d'une plaisanterie de Paul, travaillée ensuite par Luc, et Coralie a connecté l'idée à l'esthétique des années 80 pour les maillots et un clip surprenant. Paul a souhaité participer car la musique est au cœur de nos propositions. Le "projet Stromae" est un des projets de Mosaert, où Paul est aussi directeur artistique, mais il est sous les projecteurs. Pour d'autres projets, il peut être derrière la caméra, tout en étant très actif, parfois même plus que sur ses propres clips, comme ce fut le cas pour la réalisation du film d'Anderlecht. Mosaert est une "maison créative" avec plusieurs projets, le projet Stromae étant sa tête de proue, et nous fonctionnons de la même manière pour tous.

Quel est l'avenir du projet RSCA avec Mosaert, notamment pour la saison 2025-2026 ?

Coralie : La demande incluait les maillots et leur présentation. Nous avons enrichi le projet avec la musique. Mosaert a pris la direction artistique sur l'année, couvrant le graphisme, la typographie et toute la narration. Nous avons géré les photos et la DA de tous ces éléments, car le club communique beaucoup. Nous ferons également la DA pour un événement à venir concernant la sortie des maillots. L'équipe d'Anderlecht est très créative et nous a fait une grande confiance, ce qui nous a permis de proposer des choses audacieuses. Malgré l'ampleur du club, il n'y a eu aucune frustration créative, seulement un travail de compréhension mutuelle. C'est un grand projet, mais sa réalisation créative fut aisée et le résultat est à notre image, ce dont nous sommes fiers.

Luc : Notre rôle consistait à assurer la direction artistique pour les "assets" principaux du lancement de la nouvelle saison. Le reste de notre implication est presque du consulting pour garantir la cohérence tout au long de l'année, tant pour les fans que pour le public plus large. Cette mission de conseil sur le long terme était une nouveauté pour nous.

Comment Mosaert concilie-t-elle les exigences des clients avec sa propre originalité créative sur des projets tels que celui du RSCA ?

Luc : C'est là tout le "sel" de notre métier et le défi, comme l'évoquait Coralie. Il s'agit d'évaluer la fertilité du "terrain de base" pour déterminer si nous pouvons aller au-delà des habitudes du client et de nos propres. L'objectif est de trouver un équilibre sémantiquement fort et visuellement excitant ou surprenant. Dès les premières discussions, nous cherchons si une opportunité se présente, adoptant une approche de "discutons, voyons". Nous visons un "entre-deux" où tout le monde se retrouve. Nous arrivons très vite à identifier s'il y a matière à un projet intéressant.

Coralie : Si des clients nous sollicitent pour créer un "buzz", ce n'est jamais notre moteur. Notre objectif n'est pas d'être absolument les plus originaux ou surprenants. Nous cherchons plutôt à raconter une histoire, à créer quelque chose d'un peu inhabituel et esthétiquement beau. Il faut que cela corresponde à la demande et apporte une plus-value à la marque. Nous ne sommes pas obsédés par l'originalité à tout prix, et c'est peut-être ainsi que nous parvenons à nous surprendre nous-mêmes. Nous apprécions également les projets fédérateurs, qui touchent un large public et sont "populaires dans le bon et noble sens du terme". 

Luc : Se surprendre soi-même est essentiel, ce qui ne signifie pas forcément créer le buzz. Cela peut se manifester par une composition musicale intéressante ou simplement par un changement d'angle dans la communication habituelle d'une marque. Pour Anderlecht, par exemple, nous avons introduit l'humour et la dérision, ce qui a été très apprécié car cela leur a donné une légitimité à le faire. Ce fut surprenant et artistiquement pertinent par rapport à la figure du Grand Jojo et à la "belgitude". La vidéo "Formidable" sur TF1 n'a pas été conçue pour le buzz, mais parce que c'était, selon nous, la manière la plus juste artistiquement de véhiculer un message d'utilité publique contenu dans la chanson de Paul. L'idée première est toujours directement liée à ce que Paul a écrit.

Coralie : Paul apparaît souvent dans les journaux télévisés à son retour, et nous avons pensé que c'était la meilleure plateforme pour cela ; c'était sa deuxième apparition de ce type.

Pourquoi le bar "La Famille" à Bruxelles a-t-il été sélectionné comme décor principal pour le film d'Anderlecht ?

Coralie : Nous souhaitions tourner à Bruxelles, car Anderlecht est un club bruxellois. L'objectif était de célébrer les supporters, l'esprit de joie et la "belgitude". En réalité, c'est le réalisateur qui a fait ce choix.

Luc : Oui, et nous voulions absolument un endroit qui soit authentiquement belge.

Comment s'est organisée la collaboration avec Burna Boy pour le titre "Pardon" ?

Luc : Nous avons de bonnes relations avec l'équipe de Burna Boy, qui a également une gestion familiale (sa mère est sa manager, sa sœur est styliste et directrice créative). Je suis souvent en contact avec les managements d'artistes et suis parfois confondu avec le manager de Paul. Nous les avons rencontrés lors d'un festival et avons maintenu de bons liens. Burna Boy est un grand fan de Paul depuis longtemps. Nous avions des morceaux "qui traînaient un peu dans le coffre-fort" et nous avons décidé de collaborer. La collaboration s'est déroulée principalement à distance.

Comment Mosaert envisage-t-elle son évolution future, entre nouvelles surprises et fidélité à son identité ?

Coralie : Au-delà de chercher à surprendre, nous avons vraiment l'envie de surprendre par nos collaborations. Nous souhaitons être plus proactifs dans la recherche de partenaires, plutôt que de toujours attendre les demandes. Le projet Stromae nous ayant beaucoup pris de temps par le passé, nous avons maintenant plus de disponibilité pour cela. Notre objectif est de poursuivre des projets comme Anderlecht et Mini.

Luc :
Il s'agit de collaborer avec des entités intéressantes qui possèdent un univers propre dans lequel nous devons nous immerger totalement. Arcane en est un excellent exemple, car cela implique de plonger dans un "lore". L'apprentissage est un facteur essentiel qui insuffle une grande vitalité à un projet. En toute lucidité, si nous nous contentions de travailler "entre nous trois", nous tournerions en rond. C'est ce qui nous motive à rechercher des collaborations : apprendre et créer avec des personnes qui nous apportent de nouvelles connaissances. Avec MINI, par exemple, nous avons appris beaucoup de choses, découvrant les contraintes et les subtilités du monde industriel. C'est passionnant d'évoluer dans des métiers où l'on peut envisager de travailler l'année prochaine avec une marque high-tech ou dans le parfum. Pour être pertinent, il est indispensable de s'immerger dans l'univers de l'entité avec laquelle on collabore. C'est ce que nous voulons faire, ce pour quoi nous prospectons, et ce que nous ferons dans les prochaines années.

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Photo : Coralie et Luc ©JehanneMoll