Journalistes et désinformation : un défi de confiance

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Au fil du temps, la désinformation s’est vue accélérée et amplifiée avec Internet. Les fake news circulent sans passer par le filtre des journalistes, ce qui rend la vérification plus complexe. Résultat : la confiance envers les journalistes est parfois fragilisée et les médias doivent montrer la valeur de leur travail pour reconquérir le public.

C’était tout l’enjeu de la conférence « Pourquoi encore faire confiance aux journalistes ? », organisée le 7 mai 2025 par Le Soir à Bruxelles. Parmi les intervenants : Frédéric Métézeau (rédacteur en chef de Forbidden Stories), François Debras (politologue, professeur à l’Université de Liège), Xavier Counasse (rédacteur en chef du Soir), Béatrice Delvaux (éditorialiste en chef), Louis Collart (chef du pôle enquête) et Pauline Hofmann (cheffe du pôle international). Pour compléter ces échanges, j’ai recueilli le témoignage de Marie Genries, journaliste spécialisée en fact-checking, qui a travaillé pour France 24 et l’AFP, notamment sur des émissions dédiées à la vérification des faits.

La désinformation amplifiée par les réseaux sociaux

Si la désinformation existe depuis toujours, Internet l’a rendue plus rapide et massive. Frédéric Métézeau la qualifie de « maladie auto-immune des nouvelles technologies et de l’information et une façon de faire de la politique. » C’est la gratuité de l’information en ligne qui attire les internautes vers les réseaux sociaux. Pourtant, produire une info fiable et vérifiée a un coût. Il faut du temps et des journalistes compétents. La désinformation, à l’inverse, s’apparente à de la « malbouffe » : facile à consommer mais souvent trompeuse et nuisible selon Frédéric Métézeau. La pandémie de Covid-19 a illustré ces dérives avec la prolifération des théories complotistes sur les vaccins.

Le fact-checking face aux fake news

Le fact-checking ou vérification des faits, est un outil crucial pour lutter contre les fake news. Marie Genries raconte : « Je suis arrivée pile-poil au moment du Covid. Et donc là, c'est le moment où il y avait une sorte d'explosion des fake news sur les réseaux sociaux à propos du Covid et à propos du vaccin. »  Elle souligne la difficulté à suivre le rythme : « En effet, les fausses informations se propagent dix fois plus vite que le temps que ça met pour les vérifier. Quand j'étais à l'AFP, je disais tout le temps que j'avais l'impression de vider la mer avec une petite cuillère. » Marie évoque aussi les limites du fact-checking, notamment lorsqu’il faut restreindre la visibilité (« striker ») des contenus partiellement faux sur les réseaux : « C’était délicat, car parfois les questions posées étaient légitimes ou les propos relevaient d’interprétations. Il fallait décider quand basculer entre alerte et censure. »

Des défis pour les journalistes

Les réseaux sociaux ont tendance à uniformiser la visibilité des contenus, ce qui favorise la polarisation. Marie pointe un autre enjeu : « Les utilisateurs vont avoir tendance à considérer de la même façon une information donnée par un média que par un citoyen lambda, alors que ce n'est pas la même méthode de travail derrière. » Xavier Counasse l’appuie en ajoutant que certains acteurs imitent les codes journalistiques (le style, la forme) sans en respecter la rigueur ni la déontologie. Frédéric Métézeau évoque également l’« ultra-crépidarianisme », ce phénomène où des personnes sans expertise s’expriment sur des sujets complexes, ce qui amplifie la désinformation.

Un contexte international différent

À l’international, la désinformation prend parfois une dimension plus préoccupante. Pour Pauline Hofmann, elle ne se limite pas à polariser ou à semer la confusion. Elle s’inscrit dans des stratégies de manipulation à grande échelle. Elle peut diviser des communautés, affaiblir des groupes sociaux ou influencer des équilibres politiques fragiles, notamment dans les régimes autoritaires ou en transition.

Comment reconnaître les fake news ?

François Debras propose des pistes simples pour détecter les fake news :

  • Vérifier la source : est-elle reconnue et fiable ?
  • Contrôler la date et le contexte des images ou vidéos.
  • Se méfier des contenus très émotionnels et lire les commentaires qui peuvent pointer des erreurs ou offrir des corrections.

Il conseille aussi de s’inspirer de la méthode des « trois passants de Socrate » avant de partager une information :

  • Est-ce vrai ? L’information repose-t-elle sur des faits solides, ou s’appuie-t-elle surtout sur des rumeurs ou des émotions ?
  • Est-ce bienveillant ? Le message évite-t-il les attaques et les divisions, sans chercher à polariser ?
  • Est-ce utile ?

Si la réponse est négative à l’une de ces questions, il vaut mieux s’abstenir de partager.

La mission des journalistes face à la désinformation

La lutte contre la désinformation repose sur la vigilance, la rigueur et la transparence. Les journalistes jouent donc un rôle essentiel. Ils rétablissent la vérité, enquêtent, révèlent les dysfonctionnements, offrent des clés de compréhension et confrontent les points de vue. En bref, ils nous aident à mieux appréhender les enjeux actuels même lorsque la vérité dérange.

 

Un article rédigé par Sophie Dradon (étudiante de l'IHECS en résidence chez PUB )