Se serrer les coudes
Pour la seconde fois, le CIM publie son étude pour la presse en version 2.0. Cette approche est censée refléter davantage la réalité, une réalité particulièrement dure pour certains titres de presse quotidienne: le papier encaisse particulièrement du côté francophone et le digital ne solutionne pas tout. Cela n'empêche pas les éditeurs de se montrer tant rassurés que rassurants, et de croire plus que jamais dans la force du total brand, la fameuse « currency 3 ».
Malgré les bons points récoltés pour ses efforts côté digital, le CIM (Centre d'Information sur les Médias) ne semble pas au bout de ses peines pour trouver un modèle qui satisfasse tout le monde. Sa plus grande faiblesse? Sa capacité à suivre la vitesse d'évolution des titres de presse. Interviews croisées de trois acteurs du secteur: Bernard Marchant, ceo de Rossel, Bart Decoster, corporate director chez Mediahuis Connect et Koen Verwee, chief commercial officer chez De Persgroep.
Quel est votre sentiment à la lecture des résultats de ce dernier CIM Presse?
Bernard Marchant: Comme toujours dans une étude, il faut analyser le pourquoi du comment du détail des tendances, mais certaines orientations sont assez logiques. Sudpresse consolide: il faisait moins de web il y a deux ans. Maintenant que ce dernier commence à peser, cela se voit dans les chiffres. Le Soir, par contre, fait du web depuis très longtemps et est donc à plus ou moins 200.000 visiteurs uniques... depuis déjà quatre ans! Même chose pour L'Echo. Quand on regarde l'audience totale du Soir, 500.000, c'est beaucoup quand on sait qu'un tel support compte plus de 50% d'audience sur des classes 1 et 2 et que l'âge a baissé d'un peu près sept ans (la moyenne est de 44 ans aujourd'hui). Je ne vais pas dire qu'on est contents de ce chiffre parce que cela ne nous arrange pas de devoir gérer ça, mais si on se rappelle des chiffres du Soir quand internet n'existait pas, il y a 15-20 ans, on faisait 400.000-420.000. Donc l'audience totale de la marque Soir a progressé structurellement au fil des ans. Ce qui veut bien dire que la mutation vers le digital nous ouvre des perspectives. Cependant, internet permet au journal de rester dans sa communauté de lecteurs. Il ne faut pas croire, à moins que le média adapte complètement son contenu, que son audience ne va jamais cesser de croitre. J'aimerais évidemment bien que Le Soir fasse 750.000, mais le profil éditorial du support n'est pas fait pour cela.
On voit également que la lecture régulière du journal dans son support papier diminue pas mal. Par contre, le nombre de lecteurs total du journal reste bon. Ce que l'étude met en exergue, c'est que les gens disent que s'ils lisent tous les jours, c'est sur internet. C'est pour cela que c'est la mesure d'audience du print sur la dernière période qui est fortement affectée. L'audience totale non-régulière, elle, ne connait pas une telle diminution.
Koen Verwee: L'audience de nos marques est soit stable, soit en augmentation, donc on ne peut être que satisfaits. Ce qui est aussi important au-delà de ces résultats, c'est que notre lectorat se rajeunit: aussi bien pour De Morgen que pour Het Laatste Nieuws (moins de 43 ans, même pour l'édition papier). Ce phénomène est dû au digital qui attire davantage des gens plus jeunes, surtout sur le mobile, où l'âge moyen tourne autour des 32-33 ans! Si on considère le « total brand », l'audience n'a jamais été aussi haute. Une audience qui grimpe et qui se rajeunit... c'est l'idéal, je pense! Cela veut dire que nous sommes sur la bonne voie et que nos marques ont réellement un futur. D'autant plus qu'il y en encore beaucoup de possibilités. Pour nos vidéos par exemple, on rassemble une audience de 1,6 million par jour. Il n'y a pas beaucoup de médias qui peuvent se targuer de tels résultats.
Bart Decoster: Pour le moment, le digital ne compense pas totalement le papier, c'est vrai, mais il faut voir cela sur des tendances de plus longue durée. Nous observons aussi un rajeunissement de plusieurs cibles. Chez Mediahuis, c'est mêmeDe Standaard qui a le profil le plus jeune, malgré que ce soit un titre upscale, plutôt économique et financier. C'est l'afflux d'internautes qui stimule le rajeunissement de la consommation d'information. Cela renouvelle l'audience... et pousse les « news brands » vers le haut. Si on observe les tendances sur les dix dernières années, on voit que celles-ci ont augmenté de 15,6%. Avec elles, quand on considère les performances des différents médias, c'est clairement une nouvelle vie qui arrive. Dorénavant, ce sont bien des marques qu'on commercialise et non plus des médias ou des supports.
C'est le « total brand » – la currency 3 – qui est le plus important pour vous?
Bernard Marchant: Nous prenons en compte uniquement le « total brand », surtout pour les médias qui sont déjà passés à l'ère numérique depuis un bout de temps, comme L'Echo, De Tijd, Le Soir. Le « brand », c'est là où on investit.
Koen Verwee: Personnellement, je ne considère plus que le « total brand » et c'est ce qu'on promeut auprès des annonceurs. Pourquoi se limiterions-nous à vendre l'audience d'un journal alors que la marque de celui-ci touche un champ beaucoup plus large? Le digital n'est pas seulement important auprès des plus jeunes, mais aussi auprès des groupes sociaux 1 et 2. Mais je conserverais les mesures « print » encore quelques années parce que le papier présente d'autres possibilités que le digital, pour le branding notamment. Il est donc encore intéressant d'obtenir ces chiffres, peut-être plus dans deux-trois ans.
Bart Decoster: On ne regarde plus le papier seul. On demande d'ailleurs à supprimer cette currency 1 de l'étude car elle n'a plus aucune valeur pour nous. Qu'on lise sur un écran ou sur le papier, c'est pareil. Les annonces publicitaires sont d'ailleurs d'office mises sur les deux. Heureusement en Belgique, les éditeurs news n'ont pas cédé leurs plateformes online. C'est donc une voie de croissance pour nous. J'imagine que cela commence à faire peur aux radios et télés qui ont, du coup, pas trop envie que les normes qui sont utilisées dans le CIM évoluent.
UN CIM À LA TRAINE
C'est la deuxième édition du CIM sous cette forme. Satisfaits?
Bernard Marchant: Il y avait par le passé des audiences qui étaient sans doute surestimées à un certain égard et d'autres qui l'étaient un peu moins... L'outil s'affine. Alors, même si c'est parfois désagréable de voir les tendances, ça fait partie de cet outil qui devient plus précis, en tout cas sur la question du digital. Le « total brand » reflète plutôt la réalité de nos médias et fait l'objet maintenant d'une certaine maturité par rapport à ce qu'on a connu. On va dans le bon sens...
Koen Verwee: Je voudrais bien que le CIM aille dans la direction qu'on a déjà tous empruntée, mais il est un peu à la traîne. Cette étude, c'est bien, mais nous aurions besoin de chiffres chaque jour, comme la télévision.
Bart Decoster: On parle de l'importance du « brand »... Le nom de l'étude – « presse » – ne tient plus la route! La nouvelle réalité, c'est « brand+digital+online ». Il n'y a plus moyen de faire marche arrière: soit on s'adapte, soit on rate le train. Et c'est ce à quoi le CIM doit veiller: ne pas rater le train! Car on est en train de proposer des pistes de réflexion pour le CIM « 2020 »... Si on doit attendre 2020... Le CIM doit se remettre en question et se demander si sa structure est capable de suivre la vitesse à laquelle le secteur est en train de changer. Je ne dis pas que c'est facile. Mais comment dans le paysage médiatique actuel peut-on encore combiner les désidératas de la presse quotidienne, magazine et les toute-boites dans une seule et même étude, avec trois currencies?! Cela devient quasiment impossible. Il faut que cela soit rediscuté, envisagé diverses approches accentuées selon la spécialisation des médias. Je plaide également pour qu'on commence à parler de parts de marché, comme la radio le fait.
LE MEDIA ID FACILITE L'ACHAT MAIS N'EST PAS UNE FIN EN SOI. Koen Verwee
Bernard Marchant: Quand on voit qu'au sud, La Libre Belgique, Le Soir et L'Echo, qui sont à la fois bruxellois et haut de gamme, souffrent, je me pose également des questions quant à la représentativité de l'échantillonnage. Je trouve qu'il n'est pas normal qu'on fasse le même nombre d'interviews à Bruxelles qu'en Flandre orientale (1.000 ) alors tout le monde sait combien la capitale est complètement explosée en termes de sociologie: des interviews à Molenbeek, à Uccle ou près des institutions européennes ne donneront pas la mêmes résultats. Si on veut véritablement mesurer l'impact de la presse belge francophone à Bruxelles, on devrait surpondérer certaines zones par rapport à d'autres. Ce n'est pas la première fois qu'on met cela en avant: depuis dix ans dans le CIM, les journaux bruxellois sont sans cesse « up and down », tantôt +15%, tantôt -15%, sans aucune stabilité. La situation dans le Brabant wallon aussi me chiffonne: cette province avec du pouvoir d'achat est celle où il y a le moins de lecteurs de presse quotidienne, à savoir 28,6%. On était déjà bas, on encaisse encore. Est-il vraiment possible qu'il n'y ait que 28,26% des Brabançons qui lisent la presse quotidienne alors qu'en Flandre orientale on en est à 54,4%?! En sachant que, sociologiquement, le Brabant wallon est la zone qui ressemble le plus à la Flandre? J'ai demandé à la Commission technique qu'ils fassent un petit focus là-dessus parce que je n'y crois pas.
LA CURRENCY 1, SOIT LE PRINT, N'A PLUS DE VALEUR POUR NOUS. Bart Decoster
Par ailleurs, le fait que l'étude soit semestrielle est une bonne chose. Mais nous voudrions économiser l'argent qu'on consacre à la diffusion – qui ne sert plus vraiment à personne – pour le réinvestir dans l'audience, audience qui deviendrait même quotidienne comme c'est le cas pour d'autres médias. On peut les avoir puisqu'on bascule de plus en plus vers le digital, et nous avons suffisamment de données pour réaliser un échantillonnage sur le papier.
CONVAINCRE LES LECTEURS DE PAYER
Quels sont les grands défis auxquels font face les éditeurs de presse aujourd'hui?
Bart Decoster: Point de vue consommation, je m'inquiète peu. J'ai l'impression qu'au contraire, tout le monde est devenu « news junkee ». Mais le plus dur, c'est de monétiser. Personne, ici ou ailleurs, n'a encore trouvé la façon idéale de jouer avec le paywall. L'idée, c'est de voir quand et jusqu'à quel point un lecteur est prêt à payer. Les choses se complexifient pour tout le monde, également pour les annonceurs ou les agences média. Regardez, on lance nos vidéos. Si on veut vendre une vidéo sur le site du Standaard, à quels départements s'adresse-t-on? Au print? Au news? À l'internet? À l'audiovisuel?
Koen Verwee: Au Nord, pour le moment, nos ventes sont quasiment stables. Mais beaucoup de lecteurs se tournent encore vers le gratuit. Il faut désormais s'affairer à convaincre les gens à payer et, pour ce faire, créer des produits convaincants. Or, comme c'est un problème du secteur tout entier, il vaut donc mieux chercher des solutions ensemble. Je crois qu'entre titres de presse, nous devons nous serrer les coudes. Etre en compétition n'apporte pas grand-chose. En revanche, nous pourrions récupérer des budgets de la télévision ou la radio qui nous échappent. Quand on voit l'audience totale dans Dailymetrie que nous totalisons ensemble avec Mediahuis, sur un jour, avec la combinaison de nos journaux et de notre digital, on obtient 80% de couverture. C'est génial! Il n'y a pas un média, ni TV ni radio, qui arrive à cela. Si on développe davantage de produits ensemble, nous pourrions tous devenir super efficaces.
Collaborer davantage... comme avec le projet Media ID?
Bernard marchant: Je pense qu'on a réussi à shifter nos audiences vers le digital: les audiences sont globalement consolidées. Le souci après, c'est de monétiser. Et on sait que pour monétiser sur internet, il faut faire du micro-achat. En fait, l'initiative de Media ID est une copie d'iTunes: pour y souscrire, l'internaute met un jour son code en ligne et puis achète sa musique de manière assez impulsive. C'est à cela qu'on essaye de répondre: « j'ai pas envie d'être abonné, j'ai pas envie d'acheter mon journal tous les jours, j'achète ce que je veux quand je veux. » Ce qui prend du temps maintenant, c'est la gestion des bases de données.
Koen Verwee: Media ID, c'est une meilleure expérience pour l'utilisateur. Mais ça ne va pas beaucoup plus loin que ça... Je crois dans le principe mais ça risque de prendre du temps. Pour être honnête, le login via Facebook ou LinkedIn est déjà tellement utilisé. Le Media ID est une troisième option, elle peut faciliter l'achat mais n'est pas une fin en soi.
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