2013... La nouvelle épopée de la radio

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Radio / Carte blanche sur laradio numérique

Francis Goffin, directeur général des radios de la RTBF, président des Radios Francophones Publiques et membre du Comité Radio de l'UER, nous livre ici sa vision de la radio de demain. Le DAB+ est à nos portes. Un rendez-vous à ne pas manquer pour l'ensemble des stations, les auditeurs et les annonceurs.
·        2013 la Belgique sur les traces de l'Allemagne et la Suisse avec le DAB+.
·        Hache de guerre enterrée entre radios privées et de service public

Le Bilan Radio du CSA publié en décembre dernier souligne très bien l'extrême vivacité du média radio en Belgique francophone: un média solide, crédible et très populaire (le deuxième le plus utilisé, tout juste après la télévision), très diversifié (une offre de près de 100 radios de tous types, des grandes radios publiques et privées aux petites radios locales associatives), constituant une source d'une incroyable richesse d'information, de musique, de divertissement, de culture et d'expression, accessible partout et gratuitement par tout le monde sans abonnement ni raccordement. Un média « local » omniprésent dans nos vie, qui créé avec le public un lien de proximité et une émotion très forte, à nul autre pareilles, que les réseaux sociaux expriment très bien (il suffit pour s'en convaincre de voir les réactions d'attachement incroyable des auditeurs lorsqu'une station change ou supprime une émission!).
Si on ajoute à ce beau constat une santé économique à l'épreuve des crises, en croissance constante, bien souvent à 2 chiffres, depuis une dizaine d'année malgré un léger tassement en 2009, l'on obtient un média qui représente de l’ordre de 15% du total des dépenses publicitaires réalisées en Fédération Wallonie-Bruxelles, soit la meilleure pénétration du média radio en Europe! Qui dit mieux?
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, grâce au dynamisme combiné des secteurs public et privé ayant développé au fil des 20 dernières années une offre compétitive et complémentaire sur différentes cibles, structurée par de bonnes régies, on réalise des miracles dans notre petit marché radiophonique. Pourtant, curieusement, la consommation de ce fabuleux média passe encore et toujours principalement par une plateforme analogique - la dernière (?) la FM - qui n'a plus connu de nouveauté technologique depuis les années 80 et l'arrivée du RDS. Un peu comme si en télé, on était resté à la télévision cathodique raccordée aux bonnes veilles antennes ou au câble analogiques! Or on sait combien la télé doit sa bonne santé à son incroyable évolution technologique au cours des 10 dernières années, avec l'arrivée successive des téléviseurs à écrans plats, HD ready, HD puis 3D, de la distribution numérique et maintenant de la télévision connectée. Où serait la radio si elle avait également fait cette révolution!

Une révolution
Et au fait une telle révolution est-elle aussi possible en radio? Oui, elle est maintenant tout à fait possible et la radio, média quasi centenaire, extrêmement vivace se prépare à une grande révolution qui va lui donner une nouvelle jeunesse. Un peu comme l'a été, il y a une cinquantaine d’années en Europe, l'arrivée de la FM (on vient de fêter en octobre dernier les 50 ans de la première radio FM de chez nous, Musiq’3, appelée 3e programme à l’époque) qui a permis à la radio de mieux segmenter son offre et de connaître quelques années plus tard l'essor incroyable qu’on connait. C’était aussi à un moment où un nouveau média arrivait, la télévision, que certains voyaient, à l'époque, sonner la fin de la radio, comme aujourd’hui on pourrait se poser - à tort - la question avec le développement d’internet. Alors, quelle est cette révolution en marche? Elle est protéiforme, et l’on connait déjà certains aspects – secondaires - de cette révolution numérique (car il s'agit bien de cela), comme l'écoute délinéarisée - le podcast par exemple - ou l'écoute en streaming (les web radios), tandis que les deux grands piliers de cette révolution commence seulement à se déployer en Europe, en Asie et en Océanie. Il s'agit d'une part du remplacement de la FM par une distribution hertzienne, le broadcast numérique (utilisant la technologie DAB+) qu’on appelle en français la radio numérique terrestre ou RNT, par analogie avec la TNT pour télévision numérique terrestre très répandue en France et d'autre part son accouplement à internet pour ce qu'on appelle la radio hybride ou la radio connectée. Et oui, cela existe aussi en radio!

Une radio numérique et hybride
Tout le monde sera gagnant dans cette révolution qui se met en marche: les auditeurs tout d'abord, les annonceurs ensuite, mais aussi les radios en elles-mêmes et l'environnement comme la société en général. Les auditeurs pourront tout d’abord écouter leurs radios préférées avec un confort d'écoute nettement supérieur – surtout en déplacement –, mais ils auront aussi accès à une offre plus riche que la FM, avec plus de chaînes et des programmes innovants à écouter. Ensuite, cette offre de radio numérique sera également enrichie non seulement par des contenus illustratifs sur ce qui se passe à l’antenne (un « playing now » enrichi), mais aussi par des services complémentaires au programme écouté. Par exemple des alertes infos, de la météo, de l’info trafic des promotions... Des contenus additionnels faits de textes et d'images qu'ils pourront voir sur de nouveaux récepteurs dotés d'un écran. On ne dit pas regarder, car ce n'est pas de la télé! Leur radio pourra également leur offrir des nouvelles fonctionnalités comme celle de tagger un élément de programme pour y revenir plus tard, de l’enregistrer facilement et de le réécouter. Et tout cela, grâce au broadcast numérique, partout et gratuitement sans aucune connexion 3G ou Wi-Fi. Et si de plus ils ont une connexion, grâce à la radio hybride ils auront pour la première fois en radio une voie retour sur leur récepteur, qui leur permettra d’interagir directement avec leur station (I like, I vote, etc...), de partager ce qu'ils entendent avec d'autres ou encore, de cliquer pour en savoir plus sur le contenu de l’émission, le produit dont on parle ou dont on fait la pub à l'antenne, de recevoir de l'information spécifique en fonction de centres d'intérêts ou de l'endroit où ils se trouvent, etc...
Et pour les annonceurs, ce sera l'occasion d'avoir un média sonore omniprésent et puissant encore mieux segmenté, mais aussi visuel et interactif, avec des possibilités de compléter leurs campagnes par du texte, des logos, des photos, des images, des vidéos et des liens pour leurs produits, d'affiner leurs campagnes de manière ciblée et géolocalisée, d'enrichir leurs bases de données clients, etc... Bref, cette révolution numérique de la radio sera vraiment le couplage de la puissance de la radio avec les avantages d'internet. Une nouvelle force et une nouvelle jeunesse pour le média d'accompagnement par excellence.

Radios privées et de service public à l'unisson?
Chez nous, l’arrivée de cette nouvelle technologie est en préparation grâce à une récente convergence de vue stratégique entre les principaux acteurs de notre paysage audiovisuel, le soutien des autorités publiques (une résolution en faveur de la radio numérique a été adoptée à l’unanimité du parlement francophone en juillet dernier, tandis que le gouvernement et le CSA - qui a réalisé une consultation publique sur le sujet en automne dernier - s’impliquent dans le dossier) et un calendrier en cours d’élaboration. Tout ceci devrait permettre de voir vraisemblablement un démarrage massif de la promotion de ces nouvelles formes de radio en 2013, la Belgique rejoignant ainsi la douzaine de pays au monde (dont l'Allemagne et Hong-Kong l’an dernier) qui ont décidé de faire pénétrer la radio de plain-pied dans le numérique.
Avec le défi, pour réussir cette migration de la radio de l’analogique vers le numérique en quelques années (le moins longtemps possibles pour limiter les coûts durant la durée de double diffusion), de renouveler le parc des récepteurs radio. Un sacré défi que seules une franche coopération et une très bonne coordination marketing entre tous les acteurs concernés peut permettre: les radios publiques et privées alliées pour la circonstance, avec leur puissance de communication et de production d’une nouvelle offre, mais aussi les autorités publiques et de régulation, l’industrie internationale de fabrication des récepteurs (les appareils sont disponibles, reste à les importer de manière coordonnée) et enfin, maillon essentiel, la distribution.
Car cette migration numérique de la radio est aussi, comme avec la télévision numérique, une formidable opportunité économique et un beau relais de croissance pour la distribution (y compris automobile). En effet, on estime qu’il y a 5 à 7 récepteurs radio par ménage, soit plus de 10.000.000 de « postes » à changer en quelques années rien qu’à Bruxelles et en Wallonie, sans compter la vente d’adaptateurs de transition. Et pour y arriver, tout le secteur de la distribution devrait pouvoir compter sur la mise en œuvre par les radios (et les télés associées) d'un plan coordonné de promotion et de communication vers le public sans précédent, à la hauteur de ce qui a été réalisé au cours des dernières années pour installer les nouvelles technologies et de nouvelles habitudes de consommation dans la communication et les médias (comme en téléphonie mobile et en télévision numérique). Un succès possible, puisque la Suisse, qui a mis en place un inspirant modèle de coordination marketing avec la distribution via une plateforme centrale dédiée à la promotion de la radio numérique, affiche un million de récepteurs numériques vendus à fin 2011! Soit un taux d’équipement de près d’un tiers des ménages déjà atteint en seulement deux bonnes années. Avec cette nouvelle technologie du 21e siècle, introduite via une approche marketing coordonnée, on ne sera plus dans la futurologie numérique de la radio mais bien dans l'avènement d'un fabuleux nouvel "Eldoradio"!