Agences tous risques

Les As du volant, Noosphere

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Le Grand-Duché du Luxembourg a beau être un petit pays, du point de vue du marketing et de la communication, il a tout d’une grande nation. À l’ombre des pays voisins, les agences ont pu tirer leur épingle du jeu dans un marché multilingue et ultra compétitif. Et plutôt que de se laisser écraser, elles n’hésitent pas à traverser les frontières pour aller chercher des budgets. Mais gare à la concurrence des agences frontalières, qui bénéficient souvent d’une meilleure visibilité.

Marc Haas, Binsfeld

Marc Haas exerce le poste d'Account Director au sein de l'agence Binsfeld

C’est au son de l’accent indéniablement français de la réceptionniste que le visiteur est accueilli au sein de l’agence Blinsfeld. Pas étonnant, quand on sait que le secteur du marketing et de la communication luxembourgeois bénéficie d’une grande mobilité.
Ainsi, « le paysage marketing et publicitaire luxembourgeois est caractérisé par un important overflow des stratégies et campagnes internationales, surtout belges, allemandes et françaises. Une prise en compte de cet élément dans l’élaboration des campagnes nationales est indispensable » explique Marc Haas, Account Director chez Binsfeld. Forte d’une expérience de plus de trente ans, cette agence de communication a pu s’adapter à l’évolution du métier et se constituer un portefeuille de clients (inter)nationaux, notamment en rejoignant l’IPRN, le réseau international de relations publiques.
Une expansion à l’international qui se vit plus comme une nécessite que comme une marque d’ambition dans le milieu luxembourgeois de la communication. Quand on sait que le Grand-Duché compte pas moins de 400 acteurs en communication, allant de la société unipersonnelle à l’agence, on comprend que le désir de grandir soit grand.
Pour David Gavroy, le ceo et propriétaire de l’agence Noosphere, « le paysage publicitaire luxembourgeois est un petit marché dynamique et ultra concurrentiel. La complexité du pays vient du fait que le Luxembourg double sa population en journée avec les travailleurs frontaliers. Ajoutez à cela le fait que les langues principales sont le français, l’allemand, le luxembourgeois et… le portugais car un cinquième de la population résidente est d’origine portugaise. Cela offre un panorama publicitaire relativement vaste… Mieux vaut donc bien maitriser les subtilités du pays lorsqu’il s’agit d’établir une stratégie média, car les budgets sont toujours limités ».

David Gavroy, Noosphere

David Gavroy, le CEO de Noosphere, a des vues sur la Belgique

David contre Goliath : le Grand-Duché face à la Grand Région

Des subtilités que l’agence a pu assimiler, s’il faut en croire les récents succès dont elle peut se vanter. Développement et mise en ligne des catalogues vins et whiskies pour Delhaize Luxembourg, conception de bornes interactives pour Mr. Bricolage… Et dans la chasse aux budgets, pas de frontières : après avoir imaginé un concours pour promouvoir les modèles sports Audi aux 24h du Mans, l’agence a lancé « Les As du volant », une application entièrement destinée aux courtiers belges et à leurs clients. Des virées à l’international d’autant plus admirables qu’elles restent encore trop rares. Comme le souligne Marc Haas, « si quelques exemples d’agences se développant avec succès vers la Grand Région existent, le phénomène inverse est beaucoup plus fréquent ».
Une réalité que regrette David Gavroy : « les agences luxembourgeoises n’ont pas beaucoup leur mot à dire dans les pays frontaliers, l’inverse n’étant pas vrai. Au grand dam des régionales de l’étape, il n’est en effet pas rare de voir des projets développés pas des agences belges ou allemandes. Nous sommes souvent déconsidérés en venant d’un petit pays comme le Luxembourg, parfois même par des annonceurs luxembourgeois ! Ce qui est dommage, car le pays regorge de talents. Toutefois, en ce qui nous concerne, nous sommes très compétitifs lorsque nous nous orientons sur le marché belge. Nos références sont là et elles contribuent considérablement à notre succès sur le marché. Sans compter que nous sommes compétitifs du point de vue tarifaire ».
Et David Gavroy d’ajouter : « nous n’avons rien à envier aux agences belges ».

L’Eldorado belge

Jérôme Rudoni, Adada.lu

Jérôme Rudoni de Adada.lu

De fait, s’il faut en croire Jérôme Rudoni, entre les agences belges et luxembourgeoises, ce serait plutôt l’entente cordiale. D’origine lorraine, ce diplômé en communication a quitté le soleil des Antilles pour les vallons du Luxembourg où il travaille depuis 7 ans dans le milieu de la communication. En 2010, il a décidé de lancer adada.lu, un site dédié à l’actualité publicitaire du Grand-Duché. Avec un constat : la Belgique attire les professionnels de la communication luxembourgeoise. « De plus en plus d’agences luxembourgeoises viennent frapper à la porte des annonceurs voisins et tentent ainsi d’étendre leur clientèle au-delà des frontières luxembourgeoises. C’est le cas pour l’agence Vous, qui a ouvert un bureau en Belgique et qui accompagne le déploiement de l’opérateur luxembourgeois Join sur le territoire belge, ou encore de Noosphere, qui a récemment décroché le budget Mr Bricolage pour toute la Wallonie. L’agence de Maison Moderne, de son côté, s’est rapprochée de l’ACC Belgium en devenant membre de Custo. Seul luxembourgeois de la bande, l’éditeur souhaite ainsi exporter son savoir-faire dans le domaine du corporate publishing et du content marketing en dehors du Grand-Duché ».
Une stratégie interfrontalière qui est facilitée par le caractère ultra connecté du milieu de la communication luxembourgeois.
« Nous avons l’avantage d’opérer dans un marché très connecté. Nous devons constamment développer des campagnes créatives et originales pour qu’elles soient les plus efficaces possibles. Lorsque nous avons les budgets adéquats, nos relations étroites avec les régies nous permettent de développer des projets qui sortent de l’ordinaire. Évidemment, il existe encore des acteurs traditionnels qui ne comprennent pas réellement les besoins ni les enjeux d’aujourd’hui. Puis, il y a ceux qui vivent avec leur temps et qui bousculent les codes ! Nous ne sommes pas en retard sur le petit marché luxembourgeois, bien au contraire. Le pays étant hyper connecté, nous développons régulièrement des projets qui inspirent nos clients pour le marché belge » s’enthousiasme David Gavroy.

Les As du volant, Noosphere

Les As du volant, une app ludique imaginée par Noosphere pour les courtiers belges

Une digitalisation du secteur qui n’est pas propre au Luxembourg, mais face à laquelle celui-ci est toutefois plus désœuvré que ses voisins selon Jérôme Rudoni. « Le principal défi des agences est bien sûr, comme dans de nombreux autres secteurs, la digitalisation. Et avec elle, le défi du recrutement de jeunes talents qui maîtrisent les nouvelles technologies et les nouveaux médias. Ce n’est bien entendu pas un défi propre au Luxembourg. Mais il est accentué ici par l’absence d’école spécialisée. Nos étudiants partent en France, en Belgique ou ailleurs encore, et sont souvent recrutés dans ces mêmes pays. Paris, Londres, Bruxelles, Berlin, Amsterdam ont une belle réputation dans le monde de la publicité, qui attire les jeunes talents. Sur ce point, Luxembourg ne peut pas vraiment rivaliser… ».

Brasserie Battin, Binsfeld

Le credo de Binsfeld- le marketing mixte. Ici, une réalisation pour la Brasserie Battin

Il faut bien reconnaître que Luxembourg-ville fait pâle figure face à ses voisines européennes, tentaculaires et étourdissantes, bastions étincelants d’une génération Z plus en quête que jamais d’ailleurs et de changement. La capitale du Grand-Duché souffrirait-elle d’un déficit d’attractivité ?
David Gavroy aurait tendance à le confirmer : « la considération à notre égard, agence luxembourgeoise, est souvent moindre, comparée à une agence à Bruxelles ou Paris par exemple. Pourtant, les compétences sont là. Un acteur bruxellois peut très bien rayonner sur le marché luxembourgeois mais l’inverse est plus compliqué. Toutefois, lorsque nous avons la possibilité de démontrer notre savoir faire sur le marché belge, il n’est pas rare que nous l’emportions. L’effet de surprise probablement… ». Une vision quelque peu pessimiste que ne partage pas Marc Haas.

Poll On Ice, Adada

Adada , un zoom sur l’actualité publicitaire luxembourgeoise

« Être un petit pays est sans aucun doute une force en ce qui concerne le Luxembourg, car il s’agit d’un grand pays en ce qui concerne son ouverture et son dynamisme. Luxembourg-ville compte plus de 130 nationalités pour une population d’environ 120.000 habitants, ce qui offre une incroyable richesse et une grande diversité ». Toujours une ardeur d’avance…