Anvers, hotspot créatif?
La mode et le design font d’Anvers l’un des hotspots créatifs les plus en vue. Est-ce également le cas pour la communication ? Deux nouvelles agences du sud d’Anvers et un directeur de projets auprès de l’économie créative de la ville d’Anvers témoignent.
L’histoire n’est pas nouvelle : il y a trois ans paraissait pour la première fois le magazine digital Antwerp Powered by Creatives (APBC). On pouvait y lire que, dans la ville, une entreprise sur six tombait dans la catégorie des « créatives ». APBC entendait promouvoir un réseau de créatifs en tout genre. Où en sommes-nous en 2015 ? « Tout d’abord, il faut préciser que APBC est devenu le nom de notre plateforme régionale de design, aussi bien pour les produits que pour les services, » commence Kris Achten, directeur de projet de l’économie créative de la ville d’Anvers. « Mais la politique lancée sous ce nom existe encore. La ville travaille ‘à la carte’ avec les meilleures entreprises créatives dont les points de vue nourrissent à leur tour la politique structurelle. Anvers entend ainsi renforcer sa position de ville créative. Elle semble être l’écosystème idéal pour expérimenter, tester et ajuster de nouveaux concepts. La ville dispose en effet du bon public, d’un cadre économique favorable et d’excellentes possibilités de networking. Le public anversois est critique et n’a pas peur de se lancer dans quelque chose de nouveau. Voyez la mode. On y trouve les ‘early adopters’, le public test idéal. De plus il s’agit d’une ‘ville mondiale en format poche’ grâce à son port, ses diamantaires et son tourisme. Son cadre économique se veut ouvert et tolérant. Il est par exemple facile d’y ouvrir un commerce. La ville est bien située et abordable par rapport à Londres ou Paris. Un autre avantage est qu’il y est facile d’entrer directement en contact avec le public, ce qui vous permet de voir rapidement si un nouveau concept fonctionne vraiment. Enfin, il est facile d’y rencontrer les gens et vous les croisez constamment. »
La ville compte désormais 18.000 entrepreneurs créatifs répartis dans quelques 8.000 entreprises nous explique Kris Achten. Rien de plus simple que de créer des collaborations. Il remarque également de plus en plus de pollinisation croisée entre les différents secteurs créatifs, une évolution des plus positives.
Born in Antwerp
« Born in Antwerp, Harbour of Creativity », tel est le slogan du projet ambitieux par lequel la ville entend s’affirmer comme havre de créativité en 2016. L’accent sera mis sur les créations et les idées innovantes qui sont véritablement nées et développées à Anvers. Le signal de départ sera donné lors du festival Eurobest, qui prendra place trois jours début décembre 2015. Pendant ce festival, de jeunes créatifs ont l’opportunité de développer des campagnes qu’Anvers réalisera vraiment. « Nous voulons envoyer un message très clair et montrer que les créatifs sont les bienvenus à Anvers non seulement pour étudier, mais qu’ils peuvent aussi y travailler, » invite Kris Achten. Les campagnes lauréates seront ensuite exposées dans le centre de design De Winkelhaak pour montrer au grand public ce que font les meilleurs créatifs européens. Kris Achten conclut : « La créativité se trouve vraiment dans l’ADN de la ville » Et il en est un exemple vivant. Kris Achten est germaniste de formation, musicien, gestionnaire culturel, voyageur aguerri et sportif de l’extrême. Qui retrouve-t-on en tête de son classement personnel de la communication créative ? Prophets, pour leur approche multidisciplinaire alliant TIC et design ; Pinkeye, pour l’identité visuelle et l’aménagement d’espaces ; MirrorMirror, pour la communication visuelle ; Rizon Parein pour le graphisme numérique ; Frederik Heyman pour les films de mode et les ‘crossovers’ entre les disciplines artistiques et enfin, Monkeyshot pour la conception de user experience.
Pertinence
L’agence de communication viaVictor a vu le jour en 2009, lorsque Thomas Van Geel, informaticien, Ben Van Gils, informaticien et project manager, Wout Neys, graphiste, et Kurt Peeters, marketeur, ont décidé d’allier leurs forces. « Nous avions de l’expérience en TIC, web et média numérique, » explique Kurt Peeters. « viaVictor est une agence full service qui est née du online. » Ils se sont d’abord concentrés sur les indépendants et les PME. Au fil des années, l’agence a grandit organiquement. Désormais, viaVictor travaille pour de plus grandes organisations telles que la ville d’Anvers et l’Agentschap Wegen en Verkeer (l’Agence des routes et de la circulation). « À l’occasion du ‘Dimanche sans voiture’, nous avons développé pour la ville d’Anvers une application qui permet de mesurer votre empreinte environnementale, » détaille Thomas Van Geel. « Grâce à l’application, vous calculez votre note verte en fonction de votre mobilité et de votre consommation énergétique. On trouve cette appli sur le site de la ville et de la Maison Eco. » Ont succédé à cela des campagnes pour du wifi gratuit dans la ville et, en ce moment, c’est une campagne sur les réseaux sociaux pour la Tall Ships Race 2016 qui se prépare. La ville d’Anvers souhaite mobiliser de la sorte un très large public pour la grande course de voiliers qui y aura lieu l’année prochaine. Pour l’Agence des routes et de la circulation, ils ont créé les posters ainsi que les spots radios de la campagne de sensibilisation « Éviter les travaux routiers commence par respecter les travaux routiers » et « Ne faites pas des travaux routiers votre destination finale ».
Deux rues plus loin, sur Scheldekaaien, se situe Linkman, fondée début 2011 et dont le nom n’est pas le fruit du hasard : l’agence entend créer des liens entre les gens et les marques grâce à l’activation numérique et la création de contenu. Lander Janssens, directeur du service client de Linkman et ‘sparring-partner’ du fondateur Philippe De Puydt, raconte: « Nous activons les gens en ligne, créons du contenu pertinent, les encourageons à s’inscrire, télécharger et partager. » Lander Janssens a fait ses premiers pas en tant que graphiste chez LG&F, a ensuite lancé The Farm chez BBDO avant d’être strategic planner et client lead chez DuvalGuillaume, TBWA et TheseDays Y&R. « Chez Linkman, tout part du contenu, » explique-t-il. « Nous cherchons ce qui est pertinent pour une marque. Qui est le public cible ? Quelles sont ses affinités avec la marque ? Comment vit-il? Quel rôle joue la marque pour lui ? »
Pragmatisme
viaVictor exploite la flexibilité d’une petite agence au maximum. « Nous composons une équipe de projet selon des compétences spécifiques, » affirme Ben Van Gils. Nous prenons une position neutre et examinons avec le client ce qui pourrait être la meilleure solution pour répondre à sa demande. Il n’y a aucun a priori dans ce domaine. Toute l’agence est impliquée. » Ben Van Gils assure le contact avec les clients et briefe les équipes de projet. Outre sa propre équipe, des freelances expérimentés sont engagés. viaVictor a le profil d’un ‘challenger’. Les quatre associés gardent les pieds sur terre. L’agence est flexible, peut s’activer très vite et s’oriente beaucoup sur les résultats. L’organisation simple minimise les ‘overheads’, ce qui permet à l’agence de pratiquer des prix démocratiques. La priorité est-elle donnée à la création ou à la stratégie ? « Nous cherchons d’abord de chouettes idées qui sont réalisables, » répond Thomas Van Gee. « Si nécessaire, nous tenons également compte du style de la maison ou du style préexistant. De plus, nous fournissons un travail sur mesure adapté au budget de chacun. »
« Le public anversois est critique et n’a pas peur de se lancer dans quelque chose de nouveau. » – Kris Achten
Linkman mise sur un travail créatif pertinent et la rapidité de ses services. « Nous formons une équipe de généralistes autour du client et louons les spécialistes nécessaires, par exemple des mediabuyers ou des spécialistes du reporting, » explicite Lander Janssens. Pour Telenet Kickstart (IdeaLabs), l’agence a orchestré une campagne de recrutement pour start-ups innovantes, au moyen d’un journal de bord visuel – une sorte de documentaire – qui illustre la vie des starters. Pour le fabriquant d’interrupteurs Niko, Linkman a tout misé sur le ‘go to market’. Pour De Standaard, trois applications mobiles d’actualité ont été mises à disposition d’un large public. Avec De Smaak van België (le goût de la Belgique), Linkman a nouveau lancé un programme de contenu interactif pour Lacroix (Continental Foods) orienté vers les cuisiniers amateurs. Ici, c’est le goût qui crée le lien pertinent entre la marque et le public cible. Un test interactif détermine les différents profils gustatifs des Belges. Des recettes sont ensuite développées sur base des profils gustatifs en incorportant des produits Lacroix. « Nous ne partons pas des produits, mais de l’intérêt des amateurs de cuisine, » reprend Lander Janssens. « Cette approche repose un peu sur le PR, mais il s’agit toujours de créativité basée sur le contenu. »
Entre vieux et neuf
viaVictor vise une collaboration à long terme avec ses clients : « Nous regardons notre valeur ajoutée d’un œil critique, » dit Kurt Peeters. « Nous suivons les tendances de marché de très prés et surveillons les concurrents de nos clients. » L’agence surfe aussi sur la vague de l’e-commerce, des réseaux sociaux et du mobile. « Nous sommes des demi-digital natives, » plaisante Thomas Van Geel. « Mais nous sommes maintenant en compétition avec de vrais digital natives. L’avantage est que nous avons toujours un pied dans les médias traditionnels. » Quelles sont les ambitions de viaVictor ? « Nous voulons grandir et accompagner la croissance de nos clients, » expose Kurt Peeters. « Nous accumulons les bonnes références et les travaux. Grâce au bouche à oreille, nous arriverons jusqu’aux grands acteurs. Entre temps, nous nous profilons en tant que ‘all round’. Nous voulons ratisser large, avoir une perspective à 360°. Nous fournissons un travail sur mesure. Il n’y a pas de solution standard, tout dépend toujours de la situation du client. »
« La ville apporte un réservoir de clients. » – Ben Van Gils
Linkman se situe plutôt entre le marketing de contenu, la conception, le développement de produits et la communication marketing : « Nous proposons des compétences que l’on ne trouve pas facilement dans des agences classiques, » explique Lander. « Nous avons par exemple un réalisateur permanent et notre propre content team. » Linkman travaille surtout sur base de projets et construit une relation à long terme avec ses clients en excédant leurs attentes et en leur donnant des conseils stratégiques indépendants. Dans certains cas, Linkman travaille en étroite collaboration avec d’autres agences. C’est ainsi que Linkman vient en renfort à Mortierbrigade en matière de contenu numérique pour Lotto. Et pour Electrabel, l’agence anversoise collabore avec Famous.
Les lumières de l’Escaut
Pourquoi ces quatre agences ont-elles choisi Anvers ? « La ville apporte un réservoir de clients, » répond Ben Van Gils. « De plus, il y a beaucoup de talents créatifs à portée de main : développeurs d’applications, copywriters, graphistes, développeurs de jeux, concepteurs… Ils sont tous ici ! Cela permet une pollinisation croisée entre différentes disciplines créatives. » Il semblerait qu’Anvers adopte rapidement les tendances. Dès qu’une tendance fait son apparition, quelqu’un travaille dessus et cela a un effet boule de neige. La ‘vibe’ créative est également une motivation. Lander Janssens a longtemps vécu et travaillé à Bruxelles et s’est installé dans la ville de l’Escaut il y a maintenant cinq ans. « On établit beaucoup plus rapidement des contacts ici, les gens sont plus ouverts, » dit-il. « C’est peut-être lié à l’esprit commercial de la ville. Il y a aussi beaucoup d’entreprises créatives. Regardez les maisons de productions telles que Shelter (Benidorm Bastards) ou Twikit, qui donne accès aux objets 3D personnalisés grâce à Materialize. La créativité d’Anvers fait des étincelles de façon internationale, tout comme le faisaient les 6 d’Anvers dans la mode à l’époque. La ville stimule le talent créatif. Prenez par exemple AG Vespa, un moteur d’investissement de la ville qui construit de nouveaux bâtiments dans les quartiers sous-développés, ce qui les rend accessibles – et abordables – pour les jeunes créatifs. »