Au-delà du statu quo

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La date est fixée : fin mai, nous nous rendrons en masse aux urnes. Mais d'ici là, le Premier ministre Charles Michel et ses collègues ministres continuent d'avoir à faire avec les manifestants pour le climat, les gilets jaunes et d'autres causes d'agitation sociale. PUB a discuté de cette période tumultueuse pour la politique avec Dave Sinardet, professeur de sciences politiques à la Vrije Universiteit Brussel, où il enseigne entre autres la communication politique. - Jeroen Verschakelen

Dave Sinardet « De nombreux électeurs se sentent frustrés et votent contre l'establishment »

Dave Sinardet « De nombreux électeurs se sentent frustrés et votent contre l'establishment »


Dave Sinardet confirme ce que tout le monde constate : les partis attachent énormément d'importance au marketing politique. « Surtout en période d'élections : ils essaient, dans une certaine mesure, d'adapter leur image ou de montrer différents visages aux différents types d'électeurs », explique le professeur de la VUB. Pour lui, la N-VA reste en substance un parti nationaliste flamand qui, certes, se présente sur le marché comme un parti dirigeant belge. Comme il a investi dans la sécurité et la défense dans le gouvernement fédéral, il a même involontairement renforcé l'État-nation belge. Jan Jambon est le visage plutôt professionnel de la « gestion responsable » qui vise notamment à séduire les électeurs de centre-droit de l'Open VLD et du CD&V, mais d'un autre côté, la N-VA se profile également comme parti radicalement contre l’establishment. En ce qui concerne l'immigration, le parti s'adresse avant tout aux électeurs du Vlaams Belang avec des personnalités telles que Theo Francken. Et maintenant qu'il a quitté le gouvernement fédéral, l'aspect communautaire revient également à la surface.
 

Dave Sinardet (VUB) : « Les libéraux misent davantage sur l'écologie, tandis que les verts s'adresseront aussi aux entrepreneurs »

 
D'autres partis ont aussi essayé de se réinventer, estime notre interlocuteur : dans le gouvernement Michel de centre-droit, le CD&V a tenté de se profiler davantage comme un parti de centre-gauche en proposant un contrepoids à l'agenda de la N-VA et de l'Open VLD. En tant qu'ancien membre de l'UNIZO, Kris Peeters était extrêmement populaire auprès des entreprises, mais il est actuellement considéré comme une sorte de représentant syndical au sein du gouvernement. Par conséquent, il doit se livrer à un exercice de contorsionniste, car la gauche ne lui fait pas encore tout à fait confiance. Au fil des ans, les sociaux-démocrates ont perdu de nombreux électeurs : leur traditionnelle base de travailleurs se compose principalement de personnes peu qualifiées et a par ailleurs fortement diminué. Grâce à une communication plus « ferme » sur la migration, le sp.a espère récupérer des électeurs. Il ressort en outre de certaines études que des citoyens hésitent entre Groen et l'Open VLD : sur la base de ces informations, les libéraux vont davantage miser sur l'écologie, tandis que Groen essaiera d'aussi s'adresser aux entrepreneurs, d'après les prévisions de Dave Sinardet.
 

Dave Sinardet (VUB) : « Vous pouvez gagner des voix en montrant que vous écoutez ceux qui se sentent incompris »

 
Les partis à gauche du spectre politique sont-ils à la traîne en matière de communication ?

Meryem Almaci © Luc Hilderson

Meryem Almaci © Luc Hilderson


« Pas tout à fait : le parti marxiste PVDA, par exemple, se penche sur la question, notamment avec un communicateur fort tel que Raoul Hedebouw. Non, ce sont plutôt les partis traditionnels comme les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates qui ont un temps de retard, car les radicaux ont le vent en poupe, en tout cas à droite. Tout est question de contexte : aujourd'hui, l'immigration est un thème important pour une grande partie des électeurs, mais au temps de la révolution industrielle, les socialistes avaient plus de facilités à mobiliser beaucoup de monde. En revanche, il est presque toujours plus facile de plaider pour une baisse des impôts. À un moment, aux États-Unis, les Républicains ont inventé le terme de « tax relief », qui évoque une sorte de soulagement, de libération. Les démocrates ont ensuite repris ce langage, faisant ainsi le jeu de leurs adversaires. Un bel exemple de cadrage, où les hommes politiques essaient, à l'aide d'une terminologie partisane, de faire réfléchir les gens selon leurs termes idéologiques. En Belgique, Bart De Wever a inventé l'expression « coalition de Marrakech » pour qualifier les parties qui avaient soutenu la signature du Pacte migratoire de l'ONU. Il a poussé tous les autres contre un mur et a présenté son propre parti comme le seul étant contre l'immigration effrénée, ce qui a fonctionné à merveille, puisque certains journalistes ont même commencé à copier son langage. »
 

« Ce sont plutôt les partis traditionnels qui ont un temps de retard » – Dave Sinardet

 
Aujourd'hui, jusqu'où va encore l'influence de la politique ?

Wouter Beke (c) Luc Hilderson

Wouter Beke (c) Luc Hilderson


« Aujourd'hui, les politiques nationaux ont relativement peu d'influence : l'économie est mondialisée, l'Union européenne prend de plus en plus d'importance... Par conséquent, de nombreux électeurs se sentent frustrés et votent contre « l'establishment ». En France, Emmanuel Macron s'est également posé en candidat de ce camp lors de sa campagne, même si aujourd'hui, les Gilets jaunes lui reprochent justement d'appartenir à l'élite. Avec le « débat national », il essaie de montrer qu'il veut écouter ceux qui se sentent incompris. L'empathie recèle donc de véritables opportunités pour les hommes politiques, car ils donnent l'impression à une portion des électeurs qu'ils écoutent leurs problèmes. Le Vlaams Blok savait à l'époque s'adresser aux gens en leur donnant l'impression qu'il comprenait à quoi ressemblait la vie dans un quartier à problèmes avec de nombreux immigrants, tandis que les autres partis taxaient ces électeurs de racistes. De même, Groen a identifié une niche sur le marché en mettant en lumière toute une série de thèmes environnementaux à laquelle ils sentaient qu'une part de plus en plus grande de la population était attachée. »
Notre conclusion ? Quiconque veut rester pertinent à la rue de la Loi doit constamment se renouveler. Même en communication...