CIM ou pas CIM, telle est la question

audience TV CIM

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audience TV CIM
Telenet travaille à une nouvelle plateforme qui permettra de mesurer le comportement des téléspectateurs avec précision. « Avec toutes les informations dont elle dispose sur les clients des chaînes de télévision numérique, Telenet bénéficie d’une vue d’ensemble sans précédent, bien meilleure que les mesures réalisées par le CIM depuis des années, » déclarait son CEO John Porter en juin dernier au journal De Morgen. (Encore) un pavé dans la mare ?
Selon John Porter, directeur de Telenet, le CIM mesure la télévision de la même façon depuis 10 ans. Il veut dès lors développer une plateforme qui produira des données sophistiquées, pouvant ensuite être utilisées pour des publicités ciblées – ou même des bons de réduction digitaux. Il n’exclut aucune collaboration, peut-être parce qu’il est conscient qu’un opérateur ne pourra jamais produire les données pour tout le secteur à lui seul. Nous n’avons pas réussi à obtenir davantage de détails sur cette idée auprès de Telenet – vacances d’été ou secret bien gardé ? Nous nous sommes donc penchés sur les réactions des autres acteurs du domaine. Chez Medialaan, Sara Vercauteren répond simplement : « Nous disposons d’une méthode solide avec le CIM, qui nous permet d’obtenir des chiffres d’audience qualitatifs pour l’ensemble du secteur – chaînes, agences média et annonceurs. Cette méthode et les données obtenues sont utilisées par tout le secteur. Si Telenet, mais également d’autres distributeurs tels que Proximus, disposent d’autres données, ce serait, selon nous, une bonne chose qu’ils se concertent avec le CIM afin d’enrichir les chiffres actuels. Dans tous les cas, il est important qu’une instance indépendante puisse contrôler les mesures, les chiffres et les analyses. »

Au plus, au mieux

Stef Peeters - CIM

Stef Peeters - CIM


Stef Peeters, general manager du CIM, est le premier à reconnaître qu’il y a d’autres possibilités que ce que fait le CIM actuellement. « Ce que nous faisons est fiable pour la télévision classique et pour les grandes chaînes, celles avec des offres publicitaires étendues, » expose-t-il. « Je vous le dis tout de suite, ce qui manque, c’est ce qu’on qualifie de ‘nouveaux écrans’ : pc, tablettes, smartphones… Nous avons bien sûr notre étude internet, où l’on peut trouver des informations sur le visionnage de contenu télévisé sur d’autres canaux, mais nous ne savons par exemple pas ce qui se passe avec des applications TV telles que Stievie, Yelo TV ou TV Partout. »
Pour Stef Peeters, il est logique d’avoir des mesures hybrides des médias et l’étude internet est, en soi, déjà hybride, puisqu’elle combine des mesures passives et l’établissement de profils sur base d’un panel internet. « L’époque des solutions simples est révolue, » annonce Stef Peeters. La mesure des applications télé représente peut-être une première victoire facile, mais l’analyse de leurs historiques requiert une collaboration entre les chaînes et les opérateurs. Il y a également la question du streaming vidéo sur les nouveaux écrans. Cet aspect est déjà partiellement mesuré grâce à l’étude internet, à condition que les chaînes participent et tagguent les vidéos correctement. Un élargissement progressif des mesures classiques de télévision est possible si et seulement si les chaînes et les opérateurs travaillent ensemble.

Qu’en sera-t-il dans cinq ans ?

Selon Stef Peeters, on n’en restera pas là : « Notre People Meter est solide, mais qu’en sera-t-il dans cinq ans ? Pourra-t-on utiliser les informations des décodeurs TV à des fins de mesure ? Certains pays combinent les données de ces boxes avec les panels télévisés pour obtenir de meilleures mesures des plus petites chaînes – soit la longue traîne ou long tail : on stabilise la portée du visionnage et on l’adapte au profil de l’audience. Ce type de mesure pourra-t-il remplacer les panels d’aujourd’hui ? Les spécialistes des big data ne comprennent pas que nous travaillions encore avec des panels. Les opérateurs ne savent-ils pas ce qui est diffusé ? Si, mais il n’y a pas encore de profils pour ça. Si John Porter parle de mesures, il a raison pour les volumes de Telenet, mais pas pour ceux de Proximus et VOO. Et pour passer des boxes à une mesure de portée, des algorithmes complexes sont nécessaires, ainsi que des sondages complémentaires. Cela n’empêche pas le CIM de dialoguer avec les opérateurs. Il y a deux ans, c’était encore impossible, mais je pense qu’aujourd’hui, les opérateurs sont disposés à examiner ce que nous pouvons faire ensemble. Veulent-ils rester les ‘rois des données’, ou veulent-ils examiner quelles données peuvent être partagée avec un tiers ? »

« Les spécialistes des "big data" ne comprennent pas que nous travaillions encore avec des panels. » (Stef Peeters)

Pour Stef Peeters, un autre défi persiste : « Aujourd’hui, tout le monde veut élargir les mesures pour la télévision. Mais la télévision classique, linéaire, est en danger. La question cruciale est de savoir si les jeunes vont transmettre leur comportement de téléspectateur sur nouveaux écrans à leurs enfants, lorsqu’ils fonderont une famille. La question du rôle du programmatic buying est tout aussi importante. D’aucuns pensent que la mesure classique de la télévision devient désuète, au profit des données individuelles en temps réel. Je pense que les besoins en données fiables et en modèles transparents ne vont faire qu’augmenter. Dans tous les cas, cela entraînera une collaboration entre les chaînes, les instituts et les opérateurs. Mais ce sera le marché qui décidera comment la publicité télévisée sera vendue à l’avenir et quel rôle le CIM jouera. »

L’approche globale souhaitée

L’Union Belge des Annonceurs (UBA) est d’ores et déjà demandeuse de mesures globales, dites consumer centric. « Nous nous attendons à ce que le comportement des consommateurs soit reflété dans les études, » prévient Simone Ruseler, Knowledge Center Manager de l’UBA. Elle plaide pour l’adoption de mesures passives et l’intégration des données des nouveaux acteurs pour les différents appareils. « L’aspect cross-média est très important, » dit-elle. « Nous sommes représentés au sein du conseil d’administration du CIM et dans le groupe de travail CIM 2020, justement pour nous assurer que les données et les recherches menées par le CIM correspondent aux besoins des annonceurs. » Pour l’UBA, il est clair que l’on ne mesure pas encore suffisamment les nouvelles façons de regarder la télévision, bien que les parties concernées manifestent leur volonté de le faire : « Les annonceurs souhaitent de bonnes mesures de leurs publicités et des médias employés. Il s’agit d’avoir des chiffres qui soient pertinents pour l’utilisateur final, l’annonceur ». À ce sujet, l’UBA trouve que les annonceurs paient déjà les médias par le biais de leurs investissements média et de façon indirecte, en contribuant au financement de la recherche sur les médias.

Luc Van Wichelen

Luc Van Wichelen - Mondelez & Commission Media de l'UBA


Luc Van Wichelen est président de la Commission média TV de l’UBA, mais en tant que media manager chez Mondelēz Belgium, il est aussi un annonceur important. Il est persuadé que Telenet dispose de données intéressantes. Pourtant, les données de Proximus et de VOO sont aussi nécessaires, et il faut ensuite les harmoniser et les valider – c’est là que le CIM doit pouvoir jouer un rôle. « Le bémol dans cette histoire, c’est que l’on a alors énormément d’informations sur les profils et les chiffres d’audience, mais seulement au niveau des foyers. En tant qu’annonceur, on recherche le retour sur investissement et on pense en termes de groupes cibles. C’est pour cela que nous sommes en faveur d’une approche globale. Pour la télévision et les canaux numériques, les opérateurs peuvent jouer un rôle, mais il y a d’autres touchpoints, comme le out-of-home ou la presse. Nous brassons nous-mêmes très larges, mais d’autres annonceurs, pour des aliments pour chiens, par exemple, vont être plutôt intéressés par des données qui concernent les familles qui ont un chien. »

Priorité à ses propres mesures ?

Les annonceurs sont demandeurs de mesures qui tiennent compte de l’ensemble du groupe cible. Est-il dès lors logique que les agences média leur proposent leurs propres mesures et estimations ? Ou arrivons-nous dans une jungle, une forêt impénétrable de mesures, chiffres et hypothèses ? Cela rend la disponibilité de chiffres transparents et valables pour tout le monde plus que souhaitable. Mais combien peut coûter ce consensus, maintenant que la ‘télévision’ revêt autant de formes différentes, y compris les vidéos et les sites internet ? Vincent Delmotte, general country manager chez Hi-Media, ne s’occupe que du monde numérique. Pourtant, il voit aussi l’intérêt d’une combinaison de chiffres de la télévision et du monde numérique. « Nous l’avons même essayé pour le gross rating point (GRP), mais c’est difficile. Il y a toujours des aspects méthodiques qui sont contestés par l’un ou l’autre, » indique-t-il. « Heureusement, nous travaillons surtout pour des pure players et ce n’est pas par hasard que nous travaillons aussi avec la RMB. Il est intéressant d’avoir de bons chiffres pour améliorer d’une bonne façon le reach auprès des jeunes, par exemple. À l’heure actuelle, chacun a sa propre méthode de travail et c’est loin d’être idéal. »

« En tant qu’annonceur, on recherche le retour sur investissement et on pense en termes de groupes cibles. » (Luc Van Wichelen)

La discussion sur l’avenir des chiffres (et du CIM) comprend donc des aspects techniques, politiques (pour l’entreprise) et commerciaux. Luc Van Wichelen y voit désormais un rôle à jouer pour les agences média. « L’interprétation des chiffres est surtout intéressante pour les spécialistes et ceux-ci se trouvent dans les agences média. Ils font aussi leurs propres mesures pour faire des liens entre les différentes études. Certains en font même leur propre unique selling proposition. Tout le monde sera-t-il content d’avoir accès aux résultats de l’étude parfaite ? Si tous les chiffres sont rassemblés de façon harmonisée et validée, cela fera probablement évoluer le rôle des agences média. Mais nous devons toujours offrir une valeur ajoutée, surtout lorsque la connaissance des médias est moins bonne du côté des annonceurs, car elle devient trop spécialisée. À un moment donné, il devrait pouvoir être possible que le CIM mette ses données à disposition et que les agences média les enrichissent avec leurs propres outils. »