Comment la politique vend-t-elle son histoire ?

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Ivan De Vadder (VRT)

Hommes et partis politiques développent leur marque. Tout tourne de plus en plus autour de la personne et la communication est confiée à des professionnels. Deux correspondants de choix témoignent. - Erik Verdonck

 Ne vous attendez pas à un classement des personnalités et partis politiques qui communiquent le mieux. Les talents se démarquent de toutes façons par eux-mêmes. « C’est une question de personnalité, » assure Ivan De Vadder, journaliste politique à la télévision VRT. « Bart De Wever en est un bel exemple. Il a un franc parler et réussi à paraître convaincant, honnête et naturel. Tout le monde n’a pas ce talent, même si beaucoup aimeraient bien. » Outre le talent de communicateur de la personnalité politique, la professionnalisation de la communication du parti joue aussi un rôle. Ce n’est pas par hasard que la NVA utilise de nouvelles formes de communication, telles que Facebook et Instagram en plus de l’affichage classique et de l’audiovisuel habituel. Ils peuvent y raconter des histoires, commenter l’actualité et se construire une image d’authenticité. A la surprise générale, même Bart De Wever a désormais un compte Facebook. C’est une professionnalisation que l’on observe dans toute la sphère politique. Ils ont une vision plus large et construisent leur marque. Les réseaux sociaux sont-ils seulement sans risque ? L’histoire ne risque-t-elle pas de leur échapper des mains ? « C’est justement la force des hommes politiques, » répond Ivan De Vadder. « Ils sont mieux préparés à réagir à la critique que les dirigeants d’entreprise. Les politiciens sont les rois de la communication de crise. Ils réagissent très vite. Souvent les réactions des entreprises mettent beaucoup plus de temps à arriver et empruntent de nombreux détours. »

Les réseaux sociaux ont souvent une fonction de signal. Ils annoncent des faits d’actualité avant qu’ils ne soient repris par les médias classiques. De cette façon, les hommes politiques sont au four et au moulin. Un autre avantage non négligeable c’est qu’ils permettent d’obtenir une grande portée pour très peu d’argent. Par contre, il faut les utiliser de façon professionnelle pour donner une impression d’authenticité. C’est ce que l’on voit chez les partis flamands Groen, Vlaams Belang, SPa, CD&V et NVA. Les partis se positionnent-ils donc surtout par le biais de leurs personnalités ? « Ne sous-estimons pas le rôle des présidents de parti, » souligne Ivan De Vadder. « Ce sont les figures de proue des partis, ils les incarnent, donnent un visage à leurs messages. Bart De Wever, Gwendoline Rutten, Meyrem Almaci ou John Crombez sont les ambassadeurs de leurs lignes politiques à l’extérieur. Ils ont une longue expérience dans le domaine de la communication. »

Les gens font la différence

Jan De Meulemeester de VTM Nieuws remarque une tendance généralisée de la personnalisation des figures politiques, comme Theo Francken (NVA), Kristof Calvo (Groen) ou Peter Mertens (PVDA). « Ils se vendent sur le marché des idées, » dit-il. « Tout est orchestré et pourtant on a l’impression que c’est naturel. Theo Francken maîtrise cet art à la perfection. Il semble parler spontanément, même s’il dit parfois des choses choquantes. » Un homme politique comme Bart De Wever est un peu au dessus, selon lui. Il s’est longtemps targué de ne pas avoir de compte Facebook, ça en devenait même son unique selling proposition. Le jeunes partis comme la NVA et Groen sont sur la balle. Ce sont des machines de communication bien huilées. Les partis plus ancrés culturellement et qui ont une longue histoire derrière eux sont moins habiles. Le CD&V est un parti de classes, très compartimenté, le SPa est en prise avec son passé au gouvernement. Groen profite de sa ‘virginité’ et parvient à se défaire de son image d’environnementaliste militant mais naïf. Ce parti professionnel mène désormais la charge au sein de l’opposition. Le PVDA aussi s’est transformé en machine de marketing. Regardez sa réaction face à la « Turteltaxe » (une taxe imposée en Flandre par l’ancienne ministre de l’énergie Annemie Turtelboom, ndt). Jan De Meulemeester reconnaît une tendance vers la personnalisation et la ‘particratie’. Les présidents de partis ne sont pas seulement des managers, ce sont aussi des ambassadeurs. Ils sont relookés pour plaire (likeability). Coiffure, tenues, style… Tout compte. L’impact des personnes se voit sur les résultats des têtes de liste. C’est ainsi que le Brabant flamand a été colorié en bleu à cause de Maggie De Block lors de la dernière élection provinciale. Si trop de stars du même parti se trouvent au même endroit, quelques une déménagent vite fait vers d’autres villes.

Fuites et marketing normal

Les partis dénoncent souvent des ‘fuites’. Les journalistes sont perplexes face à ce type d’information : « A chaque nouvel élément d’information politique, on se demande pourquoi il est rendu publique à ce moment précis, » dit Ivan De Vadder. « Il est évident que cela fait partie d’une stratégie. Ce n’est pas pour autant que l’information est inintéressante, mais en fin de compte, il s’agit de défendre ses intérêts et de renforcer sa position au détriment de l’adversaire. » D’ailleurs, nous entendons moins parler des spin doctors qui faisaient la pluie et le beau temps dans les médias il y a quelques années. Où sont les Noël Slangen de ce monde ? « Les temps ont changé, » répond Ivan De Vadder. « Je ne vois pas de nouveau Noël Slangen dans l’immédiat. Mais la professionnalisation de la communication des partis indique bien qu’il y a des talents de la communication dans les rangs des partis. Ils sont juste moins visibles qu’avant. »

Le marketing politique est-il différent du marketing ‘normal’ ? « Oui, quand même. Voyez l’utilisation des big data des entreprises, » répond Jan De Meulemeester. « La communication passe du one-to-many au one-to-one et est de plus en plus liée au contexte. Il est possible d’influencer le comportement électoral d’une commune, d’un quartier ou même d’une rue. En politique cependant, on ne voit pas encore de campagnes ciblées à ce point-là. » D’autre part, les hommes politiques peuvent donner quelques leçons aux entreprises pour ce qui est de la communication de crise. Ils ont l’habitude d’être dans l’œil du cyclone et de faire face de façon proactive. La démocratie, en fin de compte, c’est l’art de gérer les conflits.

 

 

fotobijschriften

 

Jan De Meulemeester (VTM Nieuws) : « Il est possible d’influencer le comportement électoral d’une commune, d’un quartier ou même d’une rue. En politique cependant, on ne voit pas (encore) de campagnes ciblées à ce point-là. »

Ivan De Vadder (VRT Televisie) : « Ne sous-estimons pas le rôle des présidents de parti. Ce sont les figures de proue des partis, ils les incarnent, donnent un visage à leurs messages. Ils ont une longue expérience dans la communication. »

 

quotes

 

« Les hommes politiques ont l’habitude d’être dans l’œil du cyclone. » - Jan De Meulemeester

« Les hommes politiques sont mieux préparés à réagir aux critiques que les dirigeants d’entreprise. » - Ivan De Vadder