En voiture, la comm'!

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Période du Salon de l'Auto oblige, elles ont toutes donné un coup d'accélérateur à leur communication. D'ailleurs ces dernières semaines, les marques automobiles ont plus que squatté la presse, les affiches, les spots radio ou télévision, les boîtes aux lettres,... de manière plus ou moins heureuse. Arrêt sur la publicité à quatre roues.
En voiture, la comm - intro beeld - pub2-2014
«Il y a deux choses qui sont toujours vraies à propos de l'automobile: une voiture, c'est le deuxième achat le plus important dans la vie du consommateur, après son habitation. Puis, c'est sans doute le seul produit au monde pour lequel la charge émotionnelle est aussi importante que la charge rationnelle,» rappelle Louis Gendebien, président de Serviceplan. «Le tout est donc de suivre les évolutions, tout en respectant l'équilibre entre le bénéfice utilitaire et l'aspect émotionnel.»

Aujourd'hui, plus aucune voiture n'est considérée comme mauvaise. Tout ce qui touche au moteur est devenu un acquis pour le consommateur. Alors les marques essayent de se distinguer à partir d'autre chose, à savoir les options et innovations technologiques comme le véhicule connecté. «Mais j'ai l'impression que cela aussi se banalise parce qu'on est arrivé à un bon stade de développement,» poursuit notre interlocuteur. «Le GPS ou une réduction d'émission de CO2, par exemple, sont quasiment devenus des standards. Même les véhicules les plus basiques intègrent des systèmes qui étaient encore optionnels il n'y a pas si longtemps.»
Certaines marques misent pourtant beaucoup sur leurs idées originales – de l'assistance de parking à la lecture orale de sms – les plaçant ainsi au cœur de leurs messages publicitaires. «Je ne pense pas que ceci devrait être le premier argument de vente parce que le consommateur ne choisit pas une voiture sur base de ses accessoires. Cela reste très superficiel. Il y a déjà eu de nombreuses propositions très malines, mais elles n'ont jamais suffit à faire la différence. D'autant plus que dès qu'une marque lance une nouveauté, les autres suivent très rapidement.»

UNE OPTION N'EST PAS UN ARGUMENT DE VENTE. Louis Gendebien

Inge Vervliet, brand communication manager de BMW Belux, ne dit pas autre chose. «Communiquer à propos de nos diverses technologies, comme 'BMW ConnectedDrive', ce n'est pas évident parce que c'est une panoplie de technologies différentes. C'est l'ensemble qui facilite la vie du consommateur. Il est cependant nécessaire que les consommateurs découvrent que certaines nouveautés existent. L'idée est alors de les inciter à aller chercher des informations sur notre site ou auprès des concessionnaires. Là, nos 'product genius' peuvent leur expliquer en long et en large les avantages qu'offrent ces nouvelles technologies.»

LE POTENTIEL DE L'ELECTRIQUE
Communiquer uniquement sur des options n'aurait donc pas beaucoup de sens... A moins que: «S'il y a une différenciation en laquelle je crois beaucoup actuellement, c'est la voiture électrique,» nous confie Louis Gendebien. «Parce que ce sont des véhicules totalement réinventés, conçus de A à Z, avec un véritable apport au secteur.» Si ces automobiles particulières ne se vendent pas encore bien, ce serait surtout à cause du manque de stations de recharge, des batteries qui doivent encore évoluer, des a priori dont le public doit encore se débarrasser,... «L'atout premier de l'électrique, c'est que c'est une dimension qui correspond totalement à la balance rationnel/émotionnel.» Le rationnel au point de vue de la consommation et des économies que cela représente; l'émotionnel pour l'image que ces automobiles transportent, parce qu'en optant pour un véhicule électrique, le conducteur montre combien il a un comportement responsable. «C'est ce qui explique le succès de la Toyota Prius et de sa communication. En plus de rouler, elle sert à transmettre un message sur la personnalité de celui qui est à l'intérieur.» L'aspect écologique ne compterait-il donc pas? «Ne nous mentons pas: les vrais écolos roulent à vélo! Par contre, l'argument de l'écologie sert certainement à justifier un choix avant tout économique. On allie donc le rationnel avec du 'show off', l'expression de soi et de ses valeurs.»
Dans un autre genre, Dacia Duster et sa campagne «Scandaleusement accessible» («On ne va quand même pas dépenser si peu») répond au même principe: se mettre derrière son volant, c'est affirmer qu'on ne se la «pète» pas, qu'on en a que faire du bling-bling tape-à-l'œil. «C'est sur cet équilibre que la publicité automobile doit jouer.»

PAS DE PROMO SANS IMAGE
Sur le plan strictement communicationnel, Louis Gendebien trouve que la créativité dans le secteur des quatre roues se maintient. «Même si le centre de notre communication, c'est avant tout le produit, il y a toujours un peu de place pour la créativité,» illustre Inge Vervliet. «La question est davantage: comment rester cohérent dans tous les médias, optimiser tous les canaux disponibles.» Louis Gendebien éclaircit: «Créatif, ça ne veut pas nécessairement dire différent; ça veut dire que ça touche les gens et que c'est cohérent. Un film dans lequel on fait simplement rouler une voiture peut avoir du sens... Si et seulement si on sait ce qu'on veut raconter aux gens – parler de l'agrément de conduite par exemple. Or, de nombreux spots oublient de transmettre un message!» Ou s'en tiennent au rationnel, alignant des chiffres de promos qui – surtout en la période d'affluence qu'est celle du Salon de l'Auto – noient complètement le consommateur. «Même quand une marque a l'air d'être installée, il faut continuer à faire de l'image. Il n'y a rien qui se déconstruit plus vite qu'une image de marque. Regardez Honda: c'est une belle marque partout dans le monde sauf en Europe où elle a négligé sa communication. Elle n'a peut-être pas perdu son image mais bien son public, qui ne sait même plus qu'elle existe. S'en tenir uniquement au promotionnel est une erreur.»

LA COMM' TACTIQUE, C'EST SEULEMENT À QUELQUES MOMENTS-CLÉS. Inge Vervliet

«Le brand awareness sert à rester dans le top of mind du consommateur, à l'aider au moment où il considère acheter une voiture» continue Inge Vervliet. «Ce que nous faisons, c'est mettre en avant les valeurs-clés de la marque – esthétisme, dynamise, innovation – afin de bien se positionner sur ce qui décide les gens. Ensuite, nous faisons aussi de la communication tactique, à certaines périodes-clés de l'année. Mais il faut que celle-ci soit également en adéquation avec la marque, sans rupture.» Une stratégie qui semble marcher puisque BMW est une des rares enseignes à avoir vu ses ventes continuer de progresser au beau milieu de la crise. C'est également la marque qui plaît le plus aux entreprises, juste devant... Fiat et sa petite 500.

CA ROULE POUR LE DM
Bien évidemment, comme tous les secteurs, l'industrie automobile peut compter sur de nouveaux touch points pour se rapprocher du consommateur. Une tendance lourde, c'est l'individualisation de la relation avec le consommateur, soit le CRM. Mais alors qu'ailleurs, ce sont plutôt les réseaux sociaux qui font mouche, les voitures empruntent une autre voie, celle... du mailing, tant papier que digital qui fonctionnent selon les mêmes principes. Louis Gendebien explique: «Avant 2010, le direct marketing était terriblement décrié par les publicitaires, sous prétexte qu'on ne va pas à Cannes avec du DM. Mais la déferlante interactive a entraîné dans son sillage une résurrection du DM papier.» Une technique qui colle plutôt bien à l'automobile. «Le DM permet de donner naissance à la relation avec le client qui, par essence, est assez durable quand on parle de voitures. Il permet de faire le lien avec le site, de lui donner envie d'y aller et d'y retourner en lui communiquant des informations qui le concerne spécialement lui et son véhicule.»

L'OPTION DE SES RÊVES
La route commence au printemps 2013. Alors qu'Opel cherche à offrir des réductions sur ses options, son agence LDV United lui propose de travailler son image de marque en donnant la parole aux consommateurs. «Les meilleures options ne sont pas celles qui sont inventées en laboratoire, mais plutôt celles conçues en observant la vie,» justifie Bart Gielen, creative director de LDV United. «Nous avons donc voulu demander au public quelles sont les options dont il rêve pour sa voiture.» La plateforme « Opel Smart Options » est alors mise en ligne. Via ce site, les internautes peuvent envoyer leurs idées. Si l'une de celles-ci est retenue, alors la marque s'engage à la réaliser dans le véhicule de son inventeur. «Le risque, c'était de nous retrouver avec des projets saugrenus, comme une voiture-jacuzzi ou une auto-boîte de nuit. Voilà pourquoi nous avons construit un site de qualité, qui démontrait tout le sérieux de notre démarche. Nous ne voulions pas donner l'image d'un concours uniquement destiné à faire du buzz.»

Pari réussi. En trois semaines, la campagne récolte 1.347 propositions, pour la plupart particulièrement astucieuses. Une lampe sous le capot pour éclairer le moteur quand on doit y plonger les mains; un store intégré au pare-brise pour le protéger du givre ou de la chaleur; des rainures tracées dans le toit de la carrosserie qui récupèrent l'eau de pluie pour alimenter les essuies-glace et aider au refroidissement; un pare-brise qui s’obscurcit automatiquement lorsque le soleil est aveuglant; un «thank you» sign qui servirait à remercier les autres conducteurs de leur courtoisie; un siège pivotant pour faciliter l'embarquement des personnes âgées ou moins valides,... Chaque jour, une équipe sélectionne les cinq meilleures idées, mais surtout les dessinent et renvoient les schémas à leurs concepteurs. «Les participants étaient surpris et ravis de voir leur idée sur papier alors qu'ils ne nous l'avaient souvent décrite qu'en quelques lignes, » détaille Bart Gielen. «C'est à partir de leurs partages que la campagne a commencé à prendre vie sur les réseaux sociaux.»

UN PEU D'OPEL DANS TOUTES LES AUTOS
L'action clôturée, le jury composé de Bart Gielen, d'Eline van den Mooter, marketing manager d'Opel Belgium, de Jurgen Oskamp, co-fondateur d'Achilles Design, de Jan Seurinck, creativity evangelist pour Flanders District of Creativity, et Stan Maes, product designer pour MAD Faculty, établit une shortlist de 70 propositions. Et l'une d'elle sort rapidement du lot: le «Safety Air» de Kenny Devlieger, un papa magasinier en Flandre Occidentale. Son option est destinée à prévenir les risques de surchauffe des enfants laissés dans une voiture à l’arrêt, en rafraichissant automatiquement l'habitacle jusqu'à ce que celui-ci retrouve une température intérieure normale. Il faut dire qu'un an auparavant, l'histoire d'un bébé décédé dans le véhicule de son père sur le parking de l'Otan avait fait grand bruit dans les médias. «On est pressé, pris par les soucis du quotidien, notre enfant dort silencieusement à l'arrière,... Tous les parents savent à quel point ce genre d'accident peut vite arriver,» commente Bart Gielen. «En moyenne, vingt enfants meurent tous les ans en Europe des suites d'un coup de chaleur en voiture.»
Une seconde aventure démarre alors: la réalisation de l'idée. En tout, il a fallu sept mois pour que le prototype voit le jour. «Des délais auxquels nous ne sommes pas habitués dans la publicité!» remarque Bart Gielen. «Mais cela était très enrichissant, d'autant plus que nous étions associés de près avec le concepteur du produit et les équipes de design.» Gabriel – du nom de l'ange gardien – consiste en un porte-clés design connecté sans fil à un tapis sensible à la pression. Ce petit tapis se pose dans n'importe quel siège-auto. Lorsque le conducteur quitte la voiture alors qu’un enfant est encore installé dans le siège-auto, un premier signal retentit sur le porte-clés. À partir de ce moment, le tapis mesure en permanence la température dans la voiture. Si la température dépasse les 28 degrés, l’alerte «chaleur» du porte-clés retentit, et rappelle le parent à sa voiture. Si l'idée de base a été quelque peu transformée, «c'est parce que nous voulions qu'elle puisse s'adapter à tous les véhicules. Elle peut être utile à tout le monde; nous ne pouvions pas la réserver aux seuls utilisateurs d'Opel.» Ce petit tapis et son porte-clés clairement siglés « Gabriel by Opel » peuvent donc se retrouver dans toutes les voitures... de toutes les marques!

GABRIEL: RATIONNEL ET ÉMOTIONNEL
C'est donc un produit à part entière, autonome d'un véhicule, que la marque automobile lance désormais. Parce que Gabriel serait en bonne voie pour être distribué à grande échelle. Présenté au Salon de l'Auto, il a très vite fait parler de lui dans la presse nationale et internationale. Si bien que même la Commission Européenne s'est montrée intéressée. Bart Gielen fait le bilan de la campagne: «Je pense que ce qui a fait notre succès, c'est le podium que nous avons offert aux gens: on les a écoutés et pris en considération. Pour moi, le processus dépasse la co-création parce qu'on concrétise réellement l'idée, ce n'est pas qu'une promesse. Quant à Gabriel, il possède une charge émotionnelle forte parce qu'on parle de sauver des vies, celles d'enfants qui plus est. Il concerne aussi toute la société, tous les parents. Ce qui est en totale cohérence avec Opel, une enseigne qui s'adresse principalement aux familles.» Une option de rêve donc, tant pour le consommateur... que pour la marque et sa communication!

L’achat d’une voiture passe par le magazine

Produpress, le groupe qui édite des revues spécialisées auto telles que le Moniteur Automobile et Auto Wereld, a mené avec Profacts une étude sur le comportement des acheteurs de voitures (les « New car buyers ») et le processus de décision. Logique, quand on sait que les lecteurs de revues spécialisées sont en moyenne 4 sur 10 en phase d’achat. A partir d’un questionnaire à remplir en ligne, 1.389 lecteurs ont répondu à des questions qualitatives se basant sur leur perception. Les réponses ont été ensuite croisées pour déterminer quel pourcentage de sondés savaient quelle modèle acheter en fonction de leur phase d’achat.
L'enquête « New car buyers journey » révèle ainsi que le processus d’achat comprend quatre phases: la naissance de l’idée, la recherche d’info, la comparaison des offres et financements et en fin de compte, l’achat concret. Une première étude avait été menée en 2013 sur les touchpoints, c’est-à-dire les sources d’infos qui influencent le choix final de l’acheteur. L’élément-clé de l’analyse était que l’acheteur reste influençable tout le long du processus, même si son choix s’est déjà arrêté sur un modèle ou un type de voiture. «Si l’acheteur souhaite acquérir une citadine, il va rester en éveil pour connaître les nouveautés dans le secteur de l’automobile citadine, même s’il a fait son choix sur un modèle précis,» affirme Thierry Hottat, responsable marketing de Produpress. L'on sait désormais, grâce à la seconde étude, que ce processus est finalement relativement court. En effet, le cheminement idée/achat prend en moyenne moins d’un mois pour 42% des acheteurs de nouvelles voitures, et ils sont 79% à mettre moins de trois mois pour passer de la phase une à la 4.
Quant à la fiabilité des sources, les magazines spécialisés prennent la tête du classement à 83%, grâce aux avis des journalistes sur lesquelles ses revues s’appuient. Vient ensuite la visite chez le concessionnaire et, pour finir, les sites internet spécialisés. «Les réseaux sociaux et forums viennent en dernier lieu parmi les sources fiables,» ajoute Thierry Hottat.
Si l’on croise ces deux études, on peut observer une évolution des types de recherches entre la phase de naissance de l’idée et l’achat final. La phase 1 est propice aux recherches d’infos générales sur les marques, les constructeurs et le secteur automobile, sur base de photos et vidéos. Puis, les acheteurs se tournent vers des essais détaillés, des avis de professionnels ou des essais comparatifs. Lorsque leur choix est arrêté, leurs préoccupations deviennent plus pratiques, avec les primes, les avantages, packs, ristournes et bien sûr, les prix.

Mathilde Joris