Entretenir une conversation est un travail de longue haleine

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Wouters Boits et Stijn Vanspauwen

Wouters Boits et Stijn Vanspauwen


Wouter Boits est fondateur et CEO de « The Oval Office », une agence de live communication. Stijn Vanspauwen est responsable national box-office, sales & marketing du Kinepolis Group en Belgique. Ils ne se connaissent pas et se rencontrent pour la première fois chez Emmy’s, un restaurant et salon de thé branché à Gand, particulièrement apprécié des jeunes consommateurs. Ces derniers sont justement le groupe cible de Kinepolis et les clients de « The Oval Office ». Leur conversation sera axée sur le domaine de divertissement, l’expérience client et la relation entre les gens et les marques. À l’occasion de ce Your Turn, ils pourront se poser mutuellement des questions. - Evy Van Ruyskensvelde
Wouter Boits : Où en est Kinepolis ? Il figure parmi les plus grands groupes d’Europe, n’est-ce pas ?
Stijn Vanspauwen : En 2014, nous comptions 23 cinémas. Aujourd’hui, nous en avons près de 100 à travers le monde. Les Pays-Bas se sont rajoutés à la liste, ensuite cela a été le tour du Luxembourg et celui du Canada l’année dernière. Nous sommes donc actifs sur deux continents : l’Amérique et l’Europe. En Europe, nous faisons partie du top 5, juste après Cineworld qui possède plusieurs centaines de cinémas. En Belgique, nous occupons la première place, avec environ 45 % de part du marché. Pour l’instant, nous n’envisageons pas d’ouvrir de nouvelles salles en Belgique, mais nous pensons qu’il reste encore du potentiel. Et vous ?
Wouter Boits : Notre part de marché s’élève probablement à 0,2 % (rires). Nous essayons de faire vivre les marques. Les grandes agences créatives les construisent et les entretiennent, ensuite nous permettons aux clients de vivre ces marques, jour après jour. Nous avons plusieurs points de convergence avec vous, car le film passe « en live » et fait souvent l’objet d’une expérience partagée. Les normes techniques du cinéma ont fortement changé, mais je trouve que tout cela a affecté l’expérience que l’on y vit. Avant, j’allais au cinéma dans des salles iconiques. Aujourd’hui, les clients passent d’abord devant le popcorn et les sodas. Pourquoi avoir délaissé cette expérience ?
Stijn Vanspauwen : Les clients viennent afin de regarder un film. Le contenu reste central, nous voulons mettre l’accent sur ce qui se joue dans la salle. Mais l’expérience client ne se limite pas à cela. Ce qui se passe sur le parking ou dans le magasin contribue aussi à l’expérience complète.
Wouter Boits : En France, Netflix a mis en place un parcours d’expérience pour les films, qui permet d’adapter le lieu au film. N’est-ce pas une valeur ajoutée ?
Stijn Vanspauwen : Nous savons que nos clients viennent au cinéma pour vivre une expérience intense. Et nous la leur proposons, mais toujours au sein de nos murs. Peut-être qu’il s’agit effectivement d’un défi à relever. Au Royaume-Uni, des packages sont parfois proposés, avec un service de restaurant prévu, etc.
Wouter Boits : Les clients ne seraient-ils pas prêts à payer davantage pour vivre une expérience plus riche ? Vous devez quand même lutter contre des concurrents comme Netflix, n’est-ce pas ?
Stijn Vanspauwen : C’est l’éternelle discussion... savoir si le cinéma est trop cher ou non. Personnellement, je trouve que non.
Wouter Boits : Moi non plus !
Stijn Vanspauwen : Chez Kinepolis, nous misons beaucoup sur la « premium-isation ». Nous offrons des « extras » pour répondre aux souhaits des différents groupes cibles. De cette manière, les clients peuvent façonner eux-mêmes leur expérience.
Nous proposons, par exemple, des salles Imax et 4D, ainsi que des Cosy Seats, et nous remarquons que beaucoup de gens sont prêts à payer davantage pour une expérience supplémentaire. En ce qui concerne Netflix... Nous considérons une visite au cinéma comme une sortie, ce qui n’est pas le cas avec Netflix.
Pionnier
Wouter Boits : Est-il vrai que le cinéma se réinvente en permanence grâce à ses innovations techniques ? Et que vous devez toujours aller plus loin sur le plan technique pour vous différencier des offres dont les gens peuvent bénéficier chez eux ?
Stijn Vanspauwen : Il faut toujours être un pionnier sur le plan technique, mais il est aussi indispensable de prêter attention à la vitesse à laquelle nous pouvons approcher les clients. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de les contacter personnellement. Nous voulons interagir de manière numérique avec nos clients. Nous proposons un site web et une newsletter personnalisés. Toute cette organisation représente un travail de longue haleine.
Wouter Boits : Vous devez également faire attention au Règlement général de protection des données (RGPD) et aux règles de confidentialité ?
Stijn Vanspauwen : Oui, en tant que leader du marché, nous assumons une importante responsabilité en la matière. Nous devons être prêts. En soi, les principes fondateurs du RGPD ne sont pas « révolutionnaires », ce sont les valeurs que nous avons toujours privilégiées dans le traitement de nos données... Comment procédez-vous de votre côté ?
Wouter Boits : De deux manières. Nous agissons au niveau de notre entreprise, avec les informations que nous pouvons conserver, les données que nous gérons nous-mêmes. Ensuite, nous agissons à un deuxième niveau pour nos clients. Nous devons être en mesure de leur donner les bons conseils. C’est donc aussi un aspect important pour nous.
Stijn Vanspauwen : Qui sont vos clients principaux ?
Wouter Boits : Nous comptons beaucoup de clients publics, comme des départements de la ville d’Anvers, de la ville de Gand et de la ville de Bruxelles. Nous avons conclu un contrat-cadre avec le Gouvernement flamand qui nous a permis de progresser considérablement ces dernières années étant donné que nous proposons une combinaison de « live » et de communication. Par ailleurs, nous travaillons avec des marques automobiles, comme BMW. Nous assurons pour elles le lancement de nouveaux véhicules. Enfin, nous avons également deux clients « politiques », la CGSP et l’Open VLD.
Stijn Vanspauwen : Voyez-vous une différence entre les entreprises publiques et privées ?
Wouter Boits : La situation a évolué. Les autorités sont devenues plus dynamiques, je vois de moins en moins de différences. Auparavant, les entreprises privées définissaient des KPI plus clairs, mais aujourd’hui les pouvoirs publics déterminent de mieux en mieux leurs objectifs. La différence s’amenuise.
Une relation personnelle
Stijn Vanspauwen : Quelle évolution voyez-vous dans la manière de s’adresser aux consommateurs ?
Wouter Boits : Auparavant, beaucoup de contacts se déroulaient à sens unique, les spots publicitaires à la télévision ou dans le journal étaient très commerciaux. La communication était traditionnelle et axée sur les ventes. Aujourd’hui, cette époque est révolue. Les consommateurs dans le monde doivent comprendre votre produit. Ils doivent bien le percevoir et savoir pourquoi il existe. Le rapprochement ne se fait qu’après. Et c’est dans ce contexte que nous essayons d’accompagner au mieux les marques, car une rencontre « live » diffère toujours d’une présentation technique. Pour pouvoir parler de véritable relation, il faut aussi se regarder en face de temps en temps.
Stijn Vanspauwen : Comment entrevoyez-vous l’avenir dans ce cas ?
Wouter Boits : Chaque contribution gagnera en importance. Les consommateurs participeront à la définition du Kinepolis de demain, voire même de sa programmation. La relation entre les clients et la marque évoluera en une relation personnelle. Nous devons exprimer un intérêt sincère pour l’autre. Si ce contact aboutit à une transaction, de quelque nature que ce soit, celle-ci sera plus équitable. Je pense que les marques se comporteront aussi de plus en plus comme des personnes. Si je veux devenir votre ami, je ne dois pas essayer de vous vendre quelque chose en permanence.
Stijn Vanspauwen : Cette méthode de travail vaut-elle la peine ?
Wouter Boits : Il faudra peut-être attendre plus longtemps avant que des transactions ne soient réalisées, mais celles-ci seront plus durables. Il en va de même avec les amitiés. Il est important de développer une personnalité propre et d’oser faire des choix. Plus les entreprises grandissent, plus elles risquent d’être neutres. Ce n’est pourtant pas nécessaire. Plus vous devenez neutre, plus vous devenez monotone... Et plus vous risquez de vous faire distancer par un concurrent qui affiche sa personnalité.
(Légendes)
Wouter Boits : « Auparavant, les entreprises privées définissaient des KPI plus clairs, mais aujourd’hui les pouvoir publics déterminent de mieux en mieux leurs objectifs. La différence s’amenuise. »
Stijn Vanspauwen : « Pour l’instant, nous n’envisageons pas d’ouvrir de nouvelles salles en Belgique, mais nous pensons qu’il reste encore du potentiel. »
Wouter Boits : « Les consommateurs doivent bien percevoir le produit et savoir pourquoi il existe. »
Stijn Vanspauwen : « Il faut toujours être un pionnier sur le plan technique. »
 
(Citations)
« Plus les entreprises grandissent, plus elles risquent d’être neutres. » - Wouter Boits
« Les visiteurs viennent pour vivre une expérience intense » - Stijn Vanspauwen