Eurostar: Des wagons d'émotion

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Le 14 novembre 1994, Eurostar inaugure son service de trains à grande vitesse qui relient le Royaume- Uni à la France et à la Belgique. Vingt ans à passer au travers du tunnel sous la Manche... et à rapprocher les gens.
Voici donc deux décennies que la marque Eurostar existe... et qu'elle communique. Au départ, la stratégie tourne fortement autour de la notoriété du produit : sur les trois marchés, on met en avant ce nouveau moyen de transport, qui sert à aller de ville en ville en un temps très court. « Le discours des campagnes était clairement orienté produit. L'objectif était avant tout de faire connaître Eurostar et ses avantages, » explique Lionel Benbassat, Head of Marketing & Brand chez Eurostar. « D'ailleurs à cette époque, le marketing de l'entreprise est organisé par marché, avec trois directions commerciales. L'identité de marque était donc propre à chaque marché. » A mi-parcours, les campagnes commencent à se concentrer sur l'imaginaire lié aux destinations, l'attrait de Londres tout particulièrement pour les marchés belges et français. Embarquer dans un Eurostar équivalait alors à vivre l'expérience londonienne. Des approches qui plaisent à l'époque... Chez nous, c'est Anne-Françoise Piette, en collaboration avec TBWA, qui contribue au succès de la marque de 2002 à 2011.

 

2012 est l'année pivot. Moins à cause du 60e anniversaire de l'accession au trône d'Elisabeth II, que les Jeux Olympiques qui se déroulent à Londres cet été-là. Cet événement international braquait les projecteurs sur la capitale britannique et sur les moyens de la rejoindre... « Eurostar devait rassembler sa plate-forme de marque autour de quelque chose de plus cohérent, plus consistant. L'organisation de l'entreprise a été intégrée à ce moment vers un modèle plus global, notre communication devait suivre la même voie. D'autant plus que le réseau tend à s'étendre. L'objectif était de trouver un socle commun et de capitaliser sur la personnalité qui avait été construite jusque là. Nous devions dès lors revenir à l'essence de la marque, clarifier sa vision, éclaircir sa mission. Autrement dit, elle devait à nouveau se concentrer sur la promesse faite aux voyageurs, de façon à mettre en avant sa plus-value, ce qu'elle leur apporte, » énumère Lionel Benbassat. « Eurostar, ce n'est pas juste des wagons sur des rails ; cela permet de relier des villes, donc des cultures et des gens ! En plus, ces trains réunissent les personnes de manière physique, dans la réalité et contribuent à de vraies rencontres entre les individus. Tout l'opposé du numérique et du virtuel qui envahissent notre quotidien... C'est devenu notre fil rouge. Nous devons dorénavant démontrer cette promesse au fil de nos développements marketing, et s'éloigner du fonctionnel. » C'est l'agence anglaise The Clearing qui est derrière cette redéfinition de stratégie.

 

BETTER CLOSER

 

C'est dans ce contexte que survient la campagne du vingtième anniversaire. Elle aussi se devait de mettre l'accent sur cette capacité de « connexion » d'Eurostar, son pouvoir de réunir les gens, et plus particulièrement, le rôle que ses trains jouent dans les relations entre les cultures belge, française et britannique. « Baptisée 'Better Closer', cette nouvelle campagne se veut l'expression littérale de notre promesse. Mais nous avons vu en cet anniversaire l'occasion parfaite d'impliquer nos consommateurs, de leur donner la parole. Mettre le public au centre, c'était d'ailleurs le briefing assez large que nous avons ensuite affiné avec les équipe de The Clearing, » indique Lionel Benbassat. « En est sorti l'idée simple de donner une tribune à nos clients, de faire d'Eurostar un porte-voix, un média pour leurs réflexions et pensées : ce sont leurs mots qui allaient constituer le cœur de nos affiches. »

 

Encore fallait-il les recueillir, leurs mots ! Eurostar a alors utilisé tous ses canaux – newsletters, réseaux sociaux, interviewers dans les gares – pour demander à ses consommateurs : « et vous, qu'avez-vous gagné à vous rapprocher ? ». « On a obtenu plus d'un millier de réponses, d'anonymes et d'influenceurs, qui nous ont raconté comment ce rapprochement avait affecté leurs vies. C'étaient des idées tantôt très généralistes – à propos de l'influence que les Londoniens ont sur la mode, de l'influence belge sur la scène musicale anglaise,... – tantôt plus anecdotiques, du quotidien. Mais toutes montraient le lien émotionnel qui existe entre les trois cultures. » Quinze réponses se sont vues sélectionnées pour être illustrées par quatre artistes européens au style bien identifiables : Jean Jullien, Toni Halonen, Eili-Kaija Kuusniemi et Adrian Johnson. « Le rendu est assez 'arty', avec à chaque fois un côté drôle et décalé. Le tampon '20 years' rappelle combien Eurostar est devenu un accélérateur d'échanges depuis sa naissance. » Ces posters géants ornent les gares concernées sur les trois marchés depuis le 03 novembre.

 

DU SENS POUR LE CONSOMMATEUR

 

Les campagnes d'Eurostar ont toujours fait montre de pas mal de personnalité. « Notre marque de fabrique, c'est la lecture à deux niveaux : un message purement commercial clair, dans une tonalité telle qu'il peut provoquer un ressenti, déclencher un questionnement, mener à la réflexion chez ceux qui le saisissent... » synthétise Lionel Benbassat. « Cependant, même si nous avons un beau produit qui facilite les choses, innover est indispensable pour rester en phase avec notre public. Si on ne peut pas sans cesse se transformer – ce qui nous amènerait à nous perdre – le questionnement doit, lui, être permanent. »

 

Certes, l'ouverture à la concurrence du Tunnel sous la Manche n'y est certainement pas pour rien dans cette évolution. Toutefois, « cette nouvelle direction que nous avons empruntée, plus émotionnelle que jamais, correspond totalement à l'évolution de l'écosystème du secteur du marketing. Nous ne sommes plus aujourd'hui dans un marketing 'push' mais bien 'pull'. Cela implique d'injecter du sens dans les marques et leur communication, parce que c'est la seule façon d'encourager l'engagement chez le consommateur. Celui-ci attend davantage qu'un simple service ; il recherche du sens, de la valeur, de l'engagement de la part de l'enseigne qu'il choisit, un engagement dans la société, dans la culture, dans l'environnement. Les marques doivent désormais impérativement montrer quelle fonction elles occupent dans et pour la société. Eurostar a toujours pris des initiatives, comme 'Voyage vert' en 2007 et les réductions d'émissions de carbone. Mais maintenant, nous surfons sur ce qui est devenu un mouvement de fond. »

 

Aline Guebels

@TulliaMedia