Havas Worldwide à l'heure du recentrage

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A la fois manager de l'agence belge et du groupe au niveau européen, Christian de La Villehuchet est le seul patron, dans le sérail publicitaire international, à avoir son quartier général à Bruxelles. Une situation qui lui permet d'avoir un regard aiguisé sur le marché de la communication.
Christian de La Villehuchet (Havas WW): "80 % des consommateurs sont prêts à acheter une marque dont la vocation sociale est affirmée et visible dans ses actes."

2014 sera l'année du « retour à la croissance, c'est impératif », nous confie Christian de La Villehuchet. D’emblée, le chief executive officer Europe de Havas Worldwide dresse un tableau sans fard du contexte économique dans lequel le monde de la communication doit manœuvrer. Son coup d'œil dans le rétroviseur de 2013 est précis. « Havas WW Brussels n'a certes pas flamboyé, mais bien résisté. Dans les périodes de contraction, la consolidation du secteur est beaucoup plus forte. Il y a moins d'acteurs au final mais ceux qui étaient forts, le sont encore plus à la sortie. Ils ont les clients de première catégorie, qui sont fidèles, qui investissement et qui se sont développés sur les nouveaux médias. Au niveau du groupe, nous sommes en décroissance de 5% en Europe. Ceci est du à notre retrait en Israël, à la Grèce, où le marché a été divisé par trois, à la Suisse et à certains pays d'Europe de l'Est, à savoir la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, qui contrairement à ce qu'on raconte connaissent des bouleversements assez durs. Notre position concurrentiel n'est pas mauvaise, mais nous subissons des pressions très fortes sur le deuxième semestre. Quand vous êtes moyen dans un pays faible c'est le toboggan. A côté de ça nous avons des pôles de croissance comme en Allemagne, qui va doubler sa croissance ou Autriche...»

IL Y A L'EUROPE DES FORTS ET CELLE DES FIABLES

Pour notre interlocuteur, il n'y a pas de fracture entre une Europe du Nord, qui irait très bien, et une du Sud qui se désintègrerait. « Il y a l'Europe des forts et celle des faibles! C'est ce qui conditionne ma stratégie pour 2014. Au Nord, je n'ai pas de position concurrentielle optimale, on déguste. En Italie, nous sommes très forts, nous avons gagné des clients dans un marché publicitaire qui a été presque divisé par deux en cinq ans. Nous avons la même taille en 2013 qu'en 2008. La petite Belgique, en incluant Boondoggle, représente un petit 15% de l'Europe et a formidablement bien résisté. Le Benelux représente 30 millions sur les 130 millions que je gère. Si c'était un pays ce serait le premier au niveau européen! »

B COMME BELGIQUE

Entre le modèle de l'agence américaine et la fédération d'agences locales, il y a un nouveau modèle à inventer. Pour Christian de La Villehuchet, celui-ci devra tourner autour de trois types d'agences. « Il y a d'abord les agences stars, qui sont fortes dans des pays à potentiel avec des clients locaux et une création forte. Elles font faire et font déjà l'objet de politiques de développement ambitieuses. Sur nos 40 agences, 9 en font partie dont deux en Belgique. Ensuite viennent des agences supports qui doivent soutenir les premières agences. Nous attendons d'elles qu'elles génèrent du profit plus que de la croissance. En troisième position, il y a des agences spécifiques dont le savoir-faire nous permet d’out-sourcer un certain nombre de jobs dans ces agences.»
A l'échelon belge, Havas WW, comme Boondoggle sont dans les grâces de leur manager. La seconde est même plébiscitée. « Elle s'est très bien comportée, malgré la perte de Belgacom. L'agence a compensé entièrement la perte de cet important client. J'avais dit à Pieter Goiris, au moment de l'achat, que nous n'achetons pas des agences pour qu'elles ne soient plus, après l'achat, ce qu'elles étaient avant! Ils sont restés entièrement autonomes et entrepreneurs dans l'âme. » Pour sa part Havas WW Bruxelles a connu une forte année de transformations, en intégrant The Retail Company, une filiale qui a fait les frais d'une restructuration, fondant ses compétences dans le giron de l'agence mère. « Il arrive un moment où la taille et la multiplicité des métiers posent la question de la survie. Une agence qui a subit consécutivement la perte de Carrefour et de Belgacom, plus quelques effritements, a t-elle vocation à perdurer? En intégrant ces budgets dans Havas Bruxelles, on renforce le navire amiral et on opère des économies. » Havas WW a par ailleurs renforcé ses équipes tant au niveau créatif, que stratégique et digital. Ce dernier pôle d'activité était le talon d’Achille de l'agence bruxelloise. « Il n'y avait pas une intégration assez forte du digital dans les stratégies mises en œuvre pour nos clients. C'était traité en silos. Nous avons désormais, avec Yann Balbaert, une personnalité suffisamment emblématique pour convaincre les annonceurs de nous rejoindre. » Cette année verra aussi le groupe donner un coup d’accélérateur à ce niveau. « Aujourd'hui 18% de notre activité est digitale, nous devrons être à 25% fin 2014. » L’agence s’est d’ailleurs reprofilée sur le plan de son management, en 2011 avec la nomination de Ann Voorspoels, en tant que managing director et Juan Vanhufflen associate managing director, des nominations qui ont conduit à l’arrivée en 2013 d’un nouveau tandem de directeurs de création avec TomLoockx et Jorrit Hermans.

ENGAGEMENTS, DESENGAGEMENTS

De synergies, il en est question à un niveau transnational. « Nous allons les accélérer notamment entre la Hollande et la Belgique. » Entre Havas WW et Havas Media même topo. « Il n'est pas question de fusionner les entreprises, mais de les rapprocher intellectuellement, notamment au niveau back-office. Ne servons-nous pas sous un même nom?! » L'heure est aussi à la redistribution des cartes. « Nous délocalisons, par exemple, le service production de notre agence d’Amsterdam à Prague, avec des coûts 60% moins chers. Cela permet à notre agence de Prague d'avoir de la croissance et à celle d'Amsterdam de faire du profit. » Le modèle belge de Havas Experience, basé sur l'activation, sera dupliqué pour s'épanouir en Europe. Mais attention l'enseigne française a les pieds sur terre. « Il y a eu un fantasme où il fallait être partout! Nous devons être là où il est possible de générer de la croissance, de faire la différence et d’apporter de la qualité. On ne doit pas s'interdire de traiter différemment certains marchés. C'est à l'agenda 2014. Il y a des marchés qui ne sont plus notre priorité. Ceci quand la perte cumulée des agences d'un certain nombre de pays non performants coûte un point de rentabilité, que vos clients internationaux y sont peu présents et que remettre à niveau prendrait du temps et de l'argent. »

SI LE BENELUX ÉTAIT UN PAYS, CE SERAIT LE PREMIER AU NOUVEAU EUROPÉEN

Cette année est aussi à mettre sous le signe d'acquisitions – en Russie et de déploiements – en Allemagne et aux Pays-Bas. « C'est programmé, on verra maintenant si des concrétisations suivront. » Volet certitudes, les relations publiques s'implantent au niveau du Benelux, mais pilotées depuis les Pays-Bas. Cerise sur le gâteau, l'heure est aussi à la responsabilité sociale. « En Angleterre, le groupe a lancé un service afin d'aider les annonceurs à définir leurs missions sociétales, à les accompagner. 80% des consommateurs sont prêts à acheter une marque dont la vocation sociale est affirmée et visible dans ses actes. » Pour notre interlocuteur, il s'agit d'identifier les autoroutes de croissance et d'appuyer sur le champignon.
Havas Worldwide - Christian de La Villehuchet - pub3-2014
Photo: Luc Hilderson (Image4you)