Il a osé : « Objectif PUB » 2023

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C’est le deuxième « Objectif PUB » que signe Alain Lachartre, cet homme-orchestre de la bande dessinée. Après un premier opus en 1986, voici une deuxième édition qui a fleuri en ce début d’année 23. L’auteur a fait ses armes dans la publicité, poussant les portes d’enseignes comme Publicis, Grey, mais aussi de plus modestes où il a pu donner cours à sa passion en signant des campagnes illustrées par la bande dessinée. On le retrouve derrière le personnage de Malabar, figure de proue du célèbre bubble-gum, la campagne Pulmoll verte, dessinée par Floc’h. Directeur créatif, graphiste, notre homme est un touche à tout dans l’univers du dessin. Son deuxième « Objectif PUB » sous-titré « La Bande dessinée et la publicité » est un chef d’œuvre. «Mon premier livre sur le sujet était centré sur les années 80. Je l’ai réalisé dans l’humeur du moment. Cette nouvelle édition se veut plus complète. C’est une colonne vertébrale. Je commence d’ailleurs par les images d’Épinal pour ensuite aborder les images populaires et arriver sur des sujets plus commerciaux. Nous sommes face à des dessins de grande qualité, grâce à des auteurs talentueux.» La couverture de l’ouvrage est d’ailleurs signée Joost Swarte, une pointure du 7e art.

Votre livre oublie la BD américaine. Un choix délibéré ?

Le livre s’est penché sur le berceau Franco-Belge de la bande dessinée publicitaire. Il est moins compliqué de recevoir le feu vert d’ayants-droits basés à Bruxelles ou Paris plutôt que New-York. Une image de Joseph Gillain, dit Jijé, a ainsi nécessité de recevoir l’autorisation de ses 5 enfants.

Ces auteurs ne se détachent-ils pas de la BD pour atteindre consciemment ou pas une dimension très artistique ? Je pense notamment à Floc’h.

Ce sont des images qui servent à communiquer. Que ce soit pour une marque ou un produit. Elles sont uniques et réalisées par des auteurs de BD. Leur capacité à raconter des histoires les conduit à créer une illustration qui ne nécessite pas la création d’images successives. Ainsi Floc’h est à la fois auteur de bandes dessinées et peintre. Il a donc plusieurs flèches à son arc et réagit en fonction de ses envies tantôt en peintre, tantôt en auteur de BD.

Grâce à la bande dessinée, la publicité accède-t-elle parfois au statut d’art ?

La bande dessinée est un art, la pub non, il ne faut pas exagérer. La PUB fait appel à de nombreux talents, dans le cinéma, la littérature, dans la peinture, la musique et dans la BD ! La publicité se nourrit de l’art des autres. Ceci en faisant appel à un metteur en scène célèbre pour signer un spot, ou à un célèbre couturier pour défendre les gilets jaunes ou les piétons dans les villes ( ndr : Karl Lagerfeld). Il en va de même pour les auteurs de BD.

Cette approche permet-elle de faire avaler la pilule chez les citoyens consommateurs ?

Je n’emploierais pas le mot avaler car c’est péjoratif. Pour chaque cible il y a un mode de communication. Si la BD publicitaire crée une connivence avec le consommateur, elle s’avère très efficace. Ce n’est pas parce que c’est Floc’h, Margerin, Hergé que le public va y trouver son compte. Il faut cette connivence.

Retrouve-t-on un fil rouge entre toutes ces réalisations publicitaires en mode BD ?

Au fil des générations que je passe en revue dans le livre il y a une lisibilité commune. Elle est indispensable pour que chacun comprenne l’image. C’est l’école Hergé qui définit le mode le plus simple. A savoir le talent de l’auteur, la capacité à faire passer le message. Que ce soit Rabier en 1920 ( La Vache qui Rit) ou nos contemporains que sont Serge Clerc, Tardy, Ever Meulen, Joost Swarte ... Ils ont tous cette capacité à livrer une image très lisible.

Qui sont les meilleurs élèves de la classe ? Le bonhomme Michelin ? Milou buvant un jus d’orange ?

Je retiens mes collaborations avec Floc’h dans les années 80, ma collaboration avec Jacques Tardy dans le cadre d’un parfum pour Channel ... Hors de mon quotidien, si je prends le bonhomme Michelin (1898), on a un dessinateur, ami des frères Michelin, qui part d’un empilement de pneus pour créer un personnage. Il trouvait ça amusant. Aujourd’hui c’est le logo d’une marque internationale connue dans le monde entier. Il est reconnu comme le meilleur logo du 20e siècle. Quant à Milou buvant une orangeade, il faut savoir que ce dessin a été réalisé par le grand dessinateur Raymond Savignac. Les affiches déjà imprimées sont montrées à Hergé qui donne son véto. Elles ont donc toutes été détruites. Quelques années après ce fiasco, je retrouve cette affiche scénarisée sur une planche du dessinateur Cheval Batany. Une énigme de la bande dessinée publicitaire.

On est dans le registre du premier degré comme pour la lessive Saint Marc ?

Les bandes dessinées de la lessive St Marc étaient destinées aux enfants de la ménagère. Le premier degré ne doit pas être considéré comme négatif. L’objectif du livre est de montrer ce qui était et est le plus correct. J’ai éliminé tous les grands héros, comme les Schtroumpfs, Astérix...  qu’on peut voir dans des campagnes promotionnelles

La BD en publicité passe-t-elle de mode ?

C’est cyclique. Ca dépend des directeurs créatifs. Il y a des modes. On fait appel à certains dessinateurs et puis plus.. Actuellement on est dans un cycle bas. Aujourd’hui il y a d’autres supports que le papier. On voit ainsi des dessinateurs célèbres illustrant une marque sur Instagram.

Ne manquez pas l'exposition "Objectif PUB" sur ce même thème. Elle ouvre ses portes le 9 mars chez Seed Facttory

"Objectif PUB", collection CHAMPAKA BRUSSELS - Dupuis

264 pages en couleurs, 254mm (H) / 335mm (L) ISBN : 9782390410126