Journalisme de guerre et célébrités instantanées

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Un midi tranquille à la Cantine de Vilvorde. Les deux invitées de Your Turn entrent, ruisselantes. L'inconnu associé à la curiosité, un point de départ idéal pour une double interview sur le parcours professionnel, les médias et l'incroyable univers de la communication. - Wim De Mont

Annick Bongers, directrice de la programmation chez SBS Belgium,et Eveline De Ridder, associée chez Whyte, se saluent chaleureusement, même si Annick Bongers laisse échapper un « Mais je ne sais pas du tout qui vous êtes ! » L'inverse est tout aussi vrai : Eveline De Ridder connaît SBS et ses émissions de télévision Vier, Vijf et Zes, mais n'a jamais vu Annick Bongers. Celle-ci se présente.

Annick Bongers :« Je viens du Limbourg, j'ai étudié à Bruxelles et j'y suis restée, même si j'habite aujourd'hui à Tervueren. J'ai 50 ans et suis mère de deux jeunes enfants, je m'y suis prise tard (rires). Professionnellement parlant, j'ai travaillé un an et demi pour Jambers, puis pour Woestijnvis pendant 17 ans. Man bijt hond fut mon premier travail, suivi de séries documentaires. En 2014, je suis passée de Woestijnvis à la chaîne de télévision. J'y suis encore à ce jour, en tant que directrice de la programmation. Il n'existe pas de formation pour cela, on apprend sur le tas. Heureusement, je suis proche de Peter Quaghebeur, le CEO de SBS Belgium. Il est strict, mais juste (rires). Il me lance des défis, mais il me sert aussi de point de repère. Et vous, que faites-vous ? »

Eveline De Ridder :« J'ai 43 ans et j'ai aussi des enfants très jeunes ! Sur le plan professionnel, j'ai fondé avec trois autres personnes Whyte, une agence spécialisée dans les affaires commerciales. Nous sommes aujourd'hui trente, tous experts en communication. Nous nous concentrons sur la communication commerciale et les affaires publiques (ou lobbying) pour les entreprises. Positionner le CEO, mettre en lumière les initiatives de durabilité d'une entreprise, accompagner les démarches pour des licences, etc. Mais aussi les relations avec les médias et le contact avec les autres parties intéressées : les experts, les gens sur le terrain, les politiques. Et, bien entendu, la communication de crise. Nous sommes souvent derrière les écrans, vous ne nous verrez pas dans ces moments. »

 

Crise ? Quelle crise ?

 

Annick Bongers :« Je ne connais pas du tout l'univers des Relations publiques, il va falloir tout m'expliquer ! Travaillez-vous avec des clients fixes ? »

Eveline De Ridder :« Oui, mais souvent, les clients viennent à nous pendant une période de crise. Nous recevons alors un coup de téléphone de la part d'une entreprise ou de leurs avocats. Tout commence donc souvent par un dossier difficile. Nous donnons des conseils, et grâce à notre ligne téléphonique de crise et à notre application, nous sommes disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, car de telles crises surviennent rarement pendant les heures de bureau. Si vous parvenez à aider une entreprise dans de telles situations, la confiance s'installe, et vous recevez d'autres contrats ; les clients deviennent alors fixes. »

Annick Bongers :« En cas de crise, avez-vous des conseils sur des mesures à prendre immédiatement ? »

Eveline De Ridder :« Oui, il existe 10 règles d'or, bien sûr. Il est par exemple important de toujours être le premier à annoncer la mauvaise nouvelle. Il faut communiquer ! Il n'est jamais bon de se faire harceler et de répondre que l'on n'a rien à déclarer. En tant qu'agence, si vous n'êtes contactée qu'après une semaine de problèmes, tout se complique. Il faut réfléchir rapidement à des solutions. Ou donner des formations sur les médias à des personnes qui n'ont pas l'habitude d'apparaître dans les médias. Il faut vraiment répéter pour ce type d'interview. »

Annick Bongers :« Pour de tels contrats, vous travaillez avec différents experts ?

Eveline De Ridder : « Oui, car les approches sont souvent multiples. Nous recourons à un expert pour les contacts avec les médias, et, le cas échéant, à quelqu'un pour les contacts avec la scène politique. Chez nous, tout le monde parle trois langues, mais en général, il nous faut des locuteurs natifs pour les contacts néerlandophones et francophones. »

Annick Bongers :« Nous fonctionnons différemment, nous avons plus souvent à faire avec les Pays-Bas qu'avec la Belgique francophone pour la communication liée à notre programmation. Par ailleurs, nous n'avons pas de service d'information, ni de contacts avec des agences de RP. »

 

Célébrités instantanées

 

Eveline De Ridder : « Vous avez tout de même un service de presse ? Comment fonctionne-t-il ?

Annick Bongers : « Il se compose de quatre personnes et est dirigé par Kristof Demasure. Cette équipe communique sur la programmation, mais accompagne également les personnes qui interviennent dans des émissions. Celles-ci reçoivent une formation sur les médias, nous leur disons qu'elles doivent faire attention avec les réseaux sociaux, etc. Kristof se charge également de la communication commerciale. »

Eveline De Ridder : « Comment faites-vous pour les célébrités instantanées, ces personnes qui se font soudainement connaître via une émission ? »

Annick Bongers : « En général, nous communiquons par téléphone, et nous rendons sur place en cas de besoin. Nous tentons de rester en contact étroit avec les gens. Pour des émissions telles que L'île de la tentation, où les participants viennent pour se faire connaître, nous discutons en amont de certains aspects. »

Eveline De Ridder :« En tenez-vous compte au moment de la sélection ? »

Annick Bongers :« Au moment de la sélection, nous nous faisons conseiller par un psychologue, et nous suivons son avis. Je suis moi-même présente pour le processus de sélection, l'accompagnement revient à notre service de presse. Mais en cas de problème, je veux être au courant ! »

 

Journalisme de guerre

 

Annick Bongers : « Comment en êtes-vous arrivée aux relations publiques ? »

Eveline De Ridder : « J'ai étudié les sciences politiques et sociales. En réalité, je voulais devenir journaliste de guerre ! Je continue de m'intéresser au suivi des conflits. Mais j'ai fait un stage auprès d'un spécialiste de la communication de crise, Peter Jan Anthonissen. Il s'occupait à l'époque d'un dossier relatif à une prise d'otage d'un CEO. J'ai écrit ma thèse sur le sujet et suis restée dans cet univers. Il n'existe pas vraiment de formation pour cela, à part la pratique. Je donne souvent des conférences en université, et je souligne toujours que chaque situation est différente des autres. Nous ne connaissons pas toujours le secteur du client. Mais il s'agit parfois d'un avantage : notre point de vue sur l'affaire est celui d'un protagoniste extérieur. J'ai constaté que les conseillers externes peuvent parfois dire davantage de choses à un CEO que le directeur de communication interne. Et vous, comment êtes-vous entrée dans le monde de la télévision ? Était-ce avec Jambers ? Y avez-vous fait de la recherche ? »

Annick Bongers :« J'ai d'abord étudié la communication, avant d'entrer dans une école de cinéma. J'ai opté pour le département des documentaires. Il s'agit d'une forme de journalisme, n'est-ce pas... Il faut raconter une histoire ! Peut-être que je retournerai un jour à mes premières amours. Le temps moyen à occuper le poste de directeur de la programmation est d'un an, ou trois ou quatre. Peut-être que je me remettrai plus tard à réaliser des émissions documentaires, nous verrons bien. Ou alors j'ouvrirai une maison de repos de luxe à la mer ! J'ai toujours aimé faire des reportages avec des personnes âgées. Soyons clairs : cela ne fait pas partie de mes projets actuels, j'aime ce que je fais en ce moment ! Après tout, SBS reste le challenger du paysage médiatique flamand. »

Eveline De Ridder : « Vraiment ?Vous êtes pourtant bien établis ? Voici 11 ans, Whyte était aussi un challenger parmi toutes les grandes agences. Dans notre sillage, de nombreuses nouvelles agences ont vu le jour, et nous ne sommes plus considérés comme un challenger, même si nous tentons de maintenir cette attitude ! Par exemple en suivant l'évolution du “mot” vers “l'image”. Depuis quelque temps, nous avons une équipe graphique et un directeur créatif sous notre toit. »

Annick Bongers : « Nous restons “l'alternative”, et sommes dès lors toujours le challenger. Nous pouvons nous permettre un peu plus de choses. Les projets pour la deuxième chaîne de VTM sont par exemple une sorte de réaction à ce que nous faisons, je pense, issue d'une jalousie saine. »