Une carence de médiatisation de l’athlétisme en Belgique ?

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[Une interview de Ange-Victoria Callebaut, étudiante à l’IHECS]

En Belgique, certains sports sont très sollicités comme le football et le cyclisme. TV, presse, radio, ... Ces sports n'ont plus rien à prouver.
Mais qu’en est-il de l’athlétisme et de l’importance que les médias lui accordent ? Emile Ababoua Van Den Broeck, coach de sprint en athlétisme au White Star Athletic Club, François Gourmet, coach d’athlètes belges internationaux et Cédric Motieh, athlète national et acteur direct de cette problématique, témoignent. 

Observez-vous une carence de médiatisation dans le secteur de l’athlétisme en Belgique ? 

Emile : « Il n’y a pas vraiment une carence en médiatisation, il faut prendre ça de manière plus globale. Certains sports sont très médiatisés tandis que d’autres le sont moins. L’athlétisme est un peu au milieu... Des progrès ont été faits depuis ces dernières années avec des meetings comme celui de Liège, diffusé à la télévision. Grâce à des athlètes comme Nafissatou Thiam et les Borlée, l'athlétisme a gagné en visibilité. Mais c’est vrai que nous ne sommes pas parmi les sports les plus valorisés en termes de médiatisation. » 

François : « En tant que coach, je ne porte pas beaucoup d’attention à la médiatisation, donc ça ne me touche pas directement. Mais, selon moi, le manque de médiatisation est présent dans le secteur des sports en général, en Belgique. On est fort éclipsé par le football, le cyclisme et autres. On n’a pas vraiment de culture du sport. Ceci dit, du côté flamand et des Pays-Bas, on met un peu plus en valeur le sport et donc l’athlétisme... » 

Quel est l’impact de ce manque de visibilité ? 

Emile : « On sait bien qu’il est financier. Lorsqu’on a plus de médiatisation, on a plus de sponsors. Il y a aussi plus de personnes qui s’intéressent à ce sport et qui sont prêtes à le subventionner. Ensuite, lorsqu’un athlète doit faire le choix entre une carrière professionnelle en tant qu’athlète ou continuer les études, il choisit souvent les études. On perd alors des athlètes de bon niveau. Pourtant, on a vu au championnat d’Europe et du Monde que les athlètes belges peuvent faire de beaux résultats. » 

François : « Si on ne parle pas beaucoup de l'athlétisme, c’est difficile de motiver les gens d’en faire. On ne sait pas ce qu’est l’athlétisme ni qu’il existe de l’heptathlon ou du décathlon, ou encore du saut à la perche. Dans le club de Seraing par exemple, six athlètes sont allés aux championnats d’Europe à Munich. En en parlant, des jeunes de la région se diront peut-être qu’ils peuvent aussi faire de belles choses. J’ai des athlètes qui font les championnats Junior, mais personne ne le sait. Le manque de médiatisation fait qu’on n’est même pas au courant qu’il y a de l’athlétisme, qu’il y a des compétitions qui se font régulièrement en Belgique. Il faudrait savoir que ce sport existe et en connaitre les différentes épreuves. Lorsque je dis que j’ai été professionnel en décathlon, on me demande parfois si je faisais du vélo, de la natation et de la course à pied... » 

Ce manque de médiatisation est-il centré uniquement sur l’athlétisme

François : « Je ne pense pas que ce soit un problème dans l’athlétisme. Si on prend le judo, la natation, le tennis, le badminton ou d’autres sports, ils sont très peu médiatisés. Je n’en veux pas aux médias. Pour moi, c’est surtout la population belge qui s'y intéresse très peu. L’athlétisme, ce n'est pas vendeur pour les Belges, le football oui. Si les joueurs de foot sont bien payés, c’est de notre faute. C’est parce qu’on veut aller les voir jouer, on veut les voir dans un stade... Et si les athlètes sont moins bien payés, c’est parce que les gens s'y intéressent moins. On doit alors se mettre en valeur sur Instagram, comme Cynthia Bolingo, qui en est un bon exemple. » 

Peut-on réellement créer sa propre visibilité via les réseaux sociaux ?

François : « Mes athlètes comme Robin Vanderbemden et Julien Watrin qui sont allés aux Jeux olympiques s’intéressent moins à Instagram, et le fait de ne pas être médiatisés les rend moins intéressants pour ceux qui souhaiteraient les sponsoriser. Pour vivre de l’athlétisme, on ne peut pas vraiment compter sur les sponsors, sauf si tu t’appelles Nafissatou et que tu as un très bon niveau. Tu peux juste gagner de l’argent grâce aux compétitions ou via les contrats qu’ont certains athlètes avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il y a beaucoup d’athlètes qui sont fiers d’être médiatisés. J’ai des athlètes qui sont fiers d’apparaitre dans le journal, et ça les motive à continuer... »

Comment cette problématique est-elle perçue par les athlètes ? 

Cédric : « En comparaison avec les autres sports, la diffusion des événements sur l'athlétisme est clairement en minorité médiatique. Et cela, peu importe la taille de l'événement. Pour comparer, un match régional de football aura tendance à être plus diffusé qu'un championnat national d’athlétisme. Et je pense qu’un des plus grands impacts se trouve au niveau économique. Ce sont les clubs, la fédération et même les athlètes qui en payent le prix. Cette insuffisance médiatique est l’une des causes de la diminution des affiliations dans les clubs, mais également du manque de budget au niveau de la fédération, ce qui entraîne un manque d'aide en tout genre pour les athlètes. Ça produit un désintéressement, un manque d’informations général à l'égard de l'athlétisme ou la diminution de la pratique par les jeunes, car ils n’entendront pas beaucoup parler d’athlètes de haut niveau et ne pourront donc pas les prendre pour exemple. C'est vraiment dommage ...»