« La radio et le streaming sont complémentaires »

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La radio ? Elle se porte bien, merci pour elle. Mais que signifie l’émergence de la webradio et des services de streaming pour la radiophonie classique ? Et surtout, pour l’exploitation commerciale de la radio ? De façon plus générale, comment les chaînes radio évoluent-elles ?

Si l’on regarde les chiffres des différents publics cibles, et particulièrement des jeunes, on voit qu’en Belgique, la radio se porte plutôt bien mais que ce n’est pas forcément le cas dans les autres pays. C’est donc un Steve Van den Audenaerde satisfait que nous rencontrons. Il est directeur de IP Radio, particulièrement active dans le sud du pays (Bel RTL, Nostalgie, Mint, Contact, Chérie…), alors qu’en Flandre, Nostalgie, qui est dans le portefeuille d’IP Radio, rencontre un succès plus franc que prévu. Il y a aussi, entre autres, TOPradio qui, pour l’instant, n’est diffusée que les grandes villes du pays. « Un nouveau plan de fréquences arrive et TOPradio a de bonnes cartes en main pour étendre sa portée, » dit Steve Van den Audenaerde.

FBS alumni winter break

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Vous parlez du plan de fréquences, est-ce qu’il prévoit aussi la transition vers la DAB+ ?

Steve Van den Audenaerde : « Pour l’instant, la VRT est sur la DAB mais pas encore sur la DAB+ et ce sont deux technologies différentes. La DAB+ permet d’avoir plus de chaînes et une meilleure qualité. Nous attendons du nouveau plan de fréquences que de nombreuses chaînes soient reconnues. Il est prévu d’arrêter la FM d’ici 2022, mais nous, en tant que régie, ainsi que les radios avec qui nous sommes en contact, nous pensons que c’est trop rapide. »

Comment ça se passe avec les revenus ?

Steve Van den Audenaerde : « Au niveau des revenus, il n’y a jamais eu de mauvaises années, sauf pendant la crise. Cette année encore, la radio va très bien, tandis que le secteur bancaire est à nouveau en difficulté. Mais c’est compensé par de nouveaux annonceurs et nos fidèles annonceurs. Qu’en est-il du streaming ? Des études menées à l’étranger montrent qu’écouter la radio est très différent de l’écoute en streaming. On le voit notamment avec Deezer, qui est plutôt écouté en fin d’après-midi, au moment où la radio connaît une baisse d’audience. Les deux sont plutôt complémentaires. »

Vous avez Deezer depuis cette année, n’est-ce pas ?

Steve Van den Audenaerde : « Et c’est un tournant à 180°, car ce n’a en réalité pas grand chose à voir avec la radio. Nous avons dû d’abord investir dans une bonne technologie de adserving, car nous avions déjà un adserver mais c’était plutôt pour la vidéo. Nous avons choisi Adswizz. Nous veillons à ce que des publicités belges passent sur les ondes de radios étrangères diffusées en Belgique. Nous pouvons donc combiner des choses et les proposer sur le marché numérique, qui fonctionne tout à fait différemment du marché de la radio. »

Passe-t-on du spot advertising au non-spot advertising ?

Steve Van den Audenaerde : « Le non-spot augmente un peu, mais j’ai l’impression qu’on en attend parfois trop. Les chaînes radio restent des médias comme les autres et si vous voulez faire du branded content, donc du non-spot advertising, il faut l’intégrer dans la programmation et c’est très difficile. Récemment, nous avons organisé une action avec IKEA en Wallonie avec Radio Contact. Et David Antoine a envoyé un paquet de frites dans l’espace à l’occasion du lancement du nouvelle sauce d’un sponsor. Nous avons coordonné tout cela avec une agence créative et avec la chaîne radio, cela a demandé beaucoup de travail. Si on vient me dire maintenant que le non-spot advertising est devenu si important commercialement, je dirais que ce n’est pas vrai ! Puisqu’il faut faire des choix, on ne peut pas le faire avec tous les annonceurs, car plus personne ne saurait ce que l’on fait. »

Il y a aussi la radio « visuelle »…

Steve Van den Audenaerde : « Il y a deux sortes de radios visuelles. Vous pouvez écouter nos radios sur votre écran de télévision, et lorsqu’il y a un spot publicitaire, vous voyez le logo de l’annonceur. Ce dernier a également la possibilité d’acheter l’ensemble de l’espace écran pour renforcer son message. Vous avez également le volet numérique, cela concerne surtout Deezer, mais également nos radios lorsque l’on peut envoyer des éléments visuels. »

Le programmatic joue-t-il un rôle important en ce moment ?

Steve Van den Audenaerde : « Oui et non. Le programmatic sert au morcellement d’internet. Mais le morcellement, c’est tout ce que la radio n’est pas. En fait, nous n’avons pas besoin de programmatic. Mais il y a un aspect du programmatic qui est utile, c’est le real time bidding. La demande pour la radio est grande, tout le monde veut optimiser et nous donnons les meilleurs espaces possibles à tous nos clients. Mais nous gardons cet aspect dans un coin de notre tête, nous y réfléchissons. »

De nouvelles opportunités pour l’annonceur

Chez VAR aussi, on attend de voir ce qu’apportera la DAB+. La transition du FM vers la DAB+ se fera-t-elle vraiment aussi vite qu’on le dit ? La General Manager Anny Wuyts précise qu’il n’a jamais été question de supprimer le FM dans les deux prochaines années, mais plutôt deux ans après que la part d’écoute numérique aura dépassé la barre des cinquante pour cent. « Passer à la DAB+ est une bonne chose, dit-elle. L’offre sera plus large, la qualité meilleure, il y aura plus de perspectives, c’est moins cher que la FM, plus écologique, etc. »

Anny Wuyts - Studio Tilborghs_

Ecoute-t-on désormais beaucoup la webradio ?

Anny Wuyts : « La radio est et reste un média live, bien plus que la télévision. Les gens vont écouter de plus en plus en numérique, mais le principal restera en direct : 85% de l’écoute de radio numérique à la VRT concerne des émissions live. Avec les applications du réseau VRT, on offre de la radio à la demande, mais sur l’ensemble de l’écoute, le on demand reste limité. Même dans un monde de DAB+ et de online, les modèles publicitaires actuels resteraient fonctionnels. La radio à la demande et en différé – ainsi que le big data dans un contexte numérique – ouvrent tout de même de nouvelles portes aux annonceurs, leur permettant de mieux cibler et d’améliorer leurs publicités. Et les chaînes devront pouvoir mieux personnaliser. »

Le big data dans un contexte numérique, on arrive alors automatiquement dans le programmatic

Anny Wuyts : «  Le programmatic offre des opportunités indirectes. Aux USA, grâce au programmatic, la radio est davantage considérée comme un média ‘national’ que par le passé. Les sièges américains des multinationales encouragent peut-être leurs filiales européennes à faire plus avec la radio. »

Qu’en est-il de la concurrence avec Spotify, Deezer et YouTube ?

Anny Wuyts : « Même chez les jeunes, l’utilisation de la radio reste relativement importante. L’utilisation quotidienne du média diminue, mais, souvent, la radio est un média passif, que l’on met en bruit de fond pendant que l’on fait une autre activité, en voiture, par exemple. Si les acteurs over-the-top que vous venez de citer parviennent à s’ancrer localement, par des vloggers ou des youtubeurs, ils pourraient menacer les marques de radio traditionnelles. La radio doit donc faire la transition vers le numérique pour pouvoir notamment proposer le live et le on demand de façon complémentaire. Les régies doivent ensuite miser sur des modèles publicitaires online, en plus des modèles linéaires. Avec les applications audio, la radio à la demande, la publicités sur des sites web et autres dérivés numériques, c’est un modèle hybride qui émerge. »

Programme et expérience

Nous passons ensuite par RMB, où Sandrine Christodoulou peut se vanter que dans le sud du pays, la portée quotidienne est plus importante que partout ailleurs. « En part de marché, ce qui n’est tout de même pas dénué d’importance, nous sommes presque à la hauteur de nos collègues de chez IP, » dit-elle.

Sandrine Christodoulou 2

Comment la radio évolue-t-elle ?

Sandrine Christodoulou : « Ces dix dernières années, l’ensemble de l’offre de la RTBF a été revue, mais nous suivons toutes les radios de façon constante. Récemment, on a même engagé quelqu’un pour surveiller toute la programmation musicale de deux chaînes : Pure FM et Classic 21. Il y a aussi un nouveau projet, Culture Hip-Hop – nom de code : Media Z – qui concerne la radio, mais pas que. La base musicale sera forte, mais il n’y aura pas que ça. Ce sera une autre façon d’aborder les médias. Nous allons aborder tout un groupe cible d’une toute nouvelle manière. Ce sera encore de la radio, mais pas de façon traditionnelle. Prenons l’exemple de NRJ. On dispose désormais de la chaîne Hits-TV, proposée par tous les opérateurs dans le sud du pays. La radio peut aussi décliner son univers de façon visuelle. De plus en plus souvent, un univers visuel est associé à la radio, mais je ne dis pas que c’est le cas de toutes les radios. La DAB+ ajoutera bientôt des images à la radio et à l’avenir, ce sera un mix de tout ça : réception par le web, image, etc. Cela devrait attirer davantage de jeunes. »

La radio sera-t-elle vraiment associée à la télévision ?

Sandrine Christodoulou : « Ce n’est pas impossible. L’enrichissement est très clair ! Vous pouvez parler d’une marque et augmenter le nombre de points de contact. Vivacité regroupe déjà de la radio et de la télévision. Nous contribuons à l’enrichissement des deux médias. Viva for Life est une action menée auprès de tous les médias de la RTBF. Nous donnons ici la priorité à l’univers de la marque plutôt qu’aux limites entre les différents médias. »

Comment les marques se comportent-elles face au contenu ?

Sandrine Christodoulou : « Vous pouvez essayer de trouver des points de convergence entre le contenu et un annonceur, mais vous n’irez jamais loin. D’ailleurs, c’est interdit. Il s’agit plutôt d’un contexte, tel qu’un contexte économique, qui correspond à certaines campagnes. La même chose vaut pour la cuisine et la santé. Ce sont les trois piliers spontanés. Mais à la radio, il ne s’agit pas uniquement d’une émission, il s’agit d’une expérience. Les chaînes radio organisent des évènements qui sont de véritables lieux de rencontre entre la radio et les auditeurs. Cela intéresse beaucoup les annonceurs. »