La recherche trouve sa voie

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Les instituts doivent faire avec de nouveaux outils

Les données des consommateurs sont, aujourd’hui, toujours plus nombreuses à être accessibles, ce grâce à l’évolution des outils et techniques. Une aubaine pour le marché de la recherche toujours en quête du moindre insight? Oui, à condition qu’il soit capable de se renouveler et de s’adapter à ces nouvelles possibilités. Toujours de manière à répondre au mieux aux besoins de sa clientèle.

·        La concentration pour plus de solutions aux clients.
·        Les online panels, moins chers, plus rapides et efficaces à certaines conditions.
·        Pour le futur: co-création, implication, engagement.

Depuis 2005, le secteur du « marketing  research » a vu ses joueurs de plus en plus se concentrer en réseaux, ses sociétés fusionner, ce tant au niveau national que mondial. « Jusqu’alors, le marché comptait énormément d’acteurs de taille moyenne et était particulièrement fragmenté, » observe Gerd Callewaert, Country manager d’Ipsos Belgium. De plus, mondialisation et montée des pays émergents obligent, les clients désormais actifs dans le monde entier ont également besoin de partenaires internationalement représentés; il a fallu répondre à cette demande. Et c’est comme ça qu’en Belgique, même dans le top 5 des entreprises de recherches, des noms ont disparu. On pense notamment à Synovate racheté par Ipsos fin 2011, ou l'union de Research Solutions & ANT Research en 2012 devenus AQRate. Ce qui n’a pas été forcément bien vu par la clientèle des instituts de recherche: « Plusieurs annonceurs m’ont confié que ce processus avaient tendance à les effrayer. Pourtant, il leur est aussi bénéfique. » Marc Immer, Head of Marketing & Business Intelligence pour bpost et actuel président du Centre d'Expertise Research-CMI (consummer and market insights) de l’UBA, confirme: « Quand les bureaux rejoignent tous de grands groupes internationaux, la question de la concurrence se pose. Va-t-on encore avoir le choix? Je pense néanmoins qu’aujourd’hui, nous sommes proches de la concentration maximum et que, malgré tout, la compétition entre agences persiste. Et puis, il est vrai que, de part leur étendue et leur vaste expérience, ces sociétés sont capables de développer des modèles d’analyse très pointus, même si naturellement plus coûteux. Et cela ne nous empêche pas de faire appel à des agences locales pour certaines questions, petites agences qui se démarquent souvent par leur créativité. Mais les bureaux d’études maintenant installés en réseau présentent également l’avantage d’offrir des solutions totalement intégrées. »

En effet, ces dernières années, le nombre d’outils de collecte de données s’est démultiplié. Aux classiques téléphone, face-to-face et les enquêtes qualitatives, se sont ajoutés l’online, les communities panels, les réseaux sociaux, le ‘passive measurement’, l’eye-tracking, les biometrics, le neuromarketing, etc. Bref, les moyens d’obtenir les opinions des consommateurs se sont décuplés. « Pour pouvoir emmagasiner les évolutions du secteur, il est nécessaire que les agences soient d’une certaine taille et donc unissent leurs forces, » reprend Gerd Callewaert. « Le modèle des petits spécialistes fonctionne également, mais ceux-ci ne peuvent logiquement pas fournir un service complet à leurs clients, qui doivent dès lors jongler avec plusieurs partenaires, ni travailler avec une vue transversale de ses stratégies. Ils peuvent moins investir dans la recherche & le développement, ou l’analyse des best practices. Je comprends la crainte des annonceurs de voir la concurrence diminuer. Cependant, vu combien le marché se complexifie, la consolidation est une étape incontournable. »
L’online a ses limites

Parmi tous les outils qui ont fait leur apparition dernièrement, l’on compte l’online. Terme générique s’il en est, qui peut intervenir de bien des façons dans les recherches et même être combiné à l’offline. Il s’agit surtout d’une technique qui ne cesse de séduire, certainement parce que moins chère et plus rapide. Si bien que, dans les cas où les clients ont accès à des bases de données suffisantes, le ‘do-it-yourself’ peut primer… Jusqu’à empiéter sur le business du research? « Pour les fournisseurs qui se cantonnent à la collecte, oui, » reprend Gerd Callewaert. « Mais à partir du moment où l’agence amène sa valeur ajoutée de l’analyse, ce sont surtout des nouveaux défis à relever. » Au niveau du recrutement et de la formation des équipes compétentes notamment, qui doivent s’habituer à utiliser ces méthodes nouvelles.

Martine Vogel, Partner & Consulting Director chez Carré Associates, insiste: « Ce n’est pas tout de récolter les données, encore faut-il pouvoir les interpréter. Si les résultats au premier degré d’une enquête peuvent s’avérer intéressants, ils présentent aussi de nombreuses limites, voire mener à de mauvaises décisions. C’est en allant bien plus en profondeur que les analystes, s’appuyant sur leur expérience, peuvent déterminer les leviers qui expliquent tel ou tel comportement et permettent au final de (ré)orienter la stratégie. » Cependant, la crise et les difficultés financières qui y sont liées stimuleraient la demande d’études express, au détriment d’études explicatives. « Les annonceurs ont l’impression que couper dans leurs budgets recherche n’aura pas d’incidence directe. Pourtant, c’est dans le contexte actuel – crise et démultiplication des marques – qu’il faut se montrer le plus assertif, le plus pertinent et viser juste dans sa stratégie. C’est quand tout le monde dort qu’il faut attaquer! »

L’avantage du real-time

« Je n’ai pas l’impression de moins faire appel aux instituts, » confie Jan Verlinden, Marketing Director pour PepsiCo Belux. « La situation actuelle est comparable à celle de la télévision qui craignait que nous la délaissions au profit des nouveaux médias. Les annonceurs sont bien conscients que chaque technique apporte une plus-value. » Parce que tout dépend de la nature de l’information requise et de la cible visée. « Chaque outil apporte ses éléments propres, et c’est la complémentarité des différents outils utilisés qui renforcent les résultats finaux. Certaines questions ne demandent pas beaucoup de nuances dans les réponses; d’autres requièrent des recherches qualitatives et l’intervention d’experts pour dégager des tendances. » Steven Van Belleghem, l’auteur des ouvrages ‘The Conversation Manager’ et ‘The Conversation Company’, ne dit pas autre chose: « Certains de ces nouveaux outils se montrent particulièrement efficaces pour remplir des objectifs précis, comme pour agir comme des baromètres, pour prendre la température du marché, vérifier comment le public réagit, pour connaître des tendances,… Et d’autant plus qu’ils fonctionnent en temps réel! Mais l’erreur la plus commune, c’est de choisir une méthode avant une philosophie. Or, pour les détails, les analyses en profondeur, les annonceurs ne pourront pas remplacer les sociétés de recherche. »

Autre source régulière d’information de PepsiCo: les médias sociaux. « Tous les jours, nous recevons du feed-back, tantôt positif, tantôt négatif, des consommateurs. Certains utilisent encore les services de courrier, de numéro de téléphone ou les rubriques ‘consommateurs’ des sites des nos marques. Ce sont des points de contact quotidiens, dont les inputs réactifs nous servent également. C’est d’ailleurs par ce biais que nous avons décidé, en octobre dernier, de distribuer notreMountain Dewen Belgique. Des internautes belges y avaient déjà goûté à l’étranger et demandaient sur notre page Facebook pourquoi cette boisson n’était pas disponible dans notre pays. Voyant que les requêtes en ce sens augmentaient, nous avons décidé à en vendre des bouteilles ici, via le web pour l'instant. » Dans ce cas évidemment, pas besoin de recherche préalable pour savoir si cela vaudrait la peine de lancer un nouveau produit sur le marché.
Vers un renouveau du research

Plus la philosophie « customer centric » augmente chez bpost, plus la recherche prend de l’importance. Recherche qui transite généralement par des bureaux d’études. « Les annonceurs ne peuvent de toute façon utiliser l’online seuls que s’ils travaillent sur leurs propres clients. Ce sont les instituts qui gèrent les adresses mails et l’opt-in. Et qui sont, surtout, garants d’une certaine représentativité, » observe Marc Immer. La qualité des données recueillies en ligne, elle, ne fait presque plus débat: cette technique est reconnue bien pratique pour traiter certains sujets « sensibles », les questions sur l’hygiène personnelle par exemple. Et si fait que les participants volontairement inscrits aux panels se permettent d’être plus critiques que par téléphone a pendant un moment animé les discussions, il semble oublié depuis qu'internet a atteint une certaine pénétration en Belgique. « Outre la rapidité, les nouveaux outils nous ouvrent les portes vers d’autres possibilités, notamment de s’adresser à des communautés. Avec elles, il est possible d’explorer d’autres pistes, non moins intéressantes, comme celle de la co-création. » PespsiCo aussi invite de temps à autres ses super fans à contribuer à l’amélioration des activités de ses marques.

« Ces outils apportent quelque chose de primordial: obtenir des insights de communautés engagées, plus que prêtes à collaborer, » souligne Steven Belleghem. Et de rappeler combien les participants à une étude se sentent parfois mal à l’aise, « interrogés comme s’ils étaient des criminels ». Cependant, en faisant appel à une communauté, les membres ont moins l’impression de faire partie d’une recherche que prendre part au processus marketing d’une marque qu’ils aiment. Ils deviennent alors de véritables ambassadeurs en mission. Et l’environnement plus confortable les rend encore plus à enclins à contribuer. « Les instituts, eux aussi, peuvent tirer profit de ces communautés. Mais cela implique qu’ils doivent se réinventer, même s’il n’est pas évident de renouveler tout un héritage, des habitudes et des méthodes qui ont pignon sur rue depuis des années. La recherche classique n’est pas morte, mais souffre de la situation. Pour preuve: même si le marché du research reste important, aujourd’hui il stagne. Les agences qui continuent de croître sont clairement celles qui n’ont pas hésité à revoir leur jeu, à s’adapter au consommateur et à son désir d’engagement. »
Le développement, ça coûte

Si la conjoncture économique les a peut-être rendus plus méfiants, les annonceurs ne se montrent pas moins curieux de découvrir les nouvelles opportunités qui s’offrent à eux. Utilisation des réseaux sociaux, impact de la co-création, possibilités du neuromarketing sont des thèmes récurrents au sein du centre d’expertise CMI de l’UBA. « Pour les clients aussi, le marché s’est complexifié. Le choix des méthodes à mettre en œuvre est plus large, sans pour autant avoir des certitudes quant à l’efficacité de certaines des nouvelles techniques, » explique Gerd Callewaert. Si les études par ‘biometrics’ (calcul du rythme cardiaque, de la respiration, du niveau de sudation,…) ont prouvé leur efficience et leur rentabilité, ce n’est pas encore le cas pour l’EEG (électro-encéphalographie) qui ne bénéficie pas encore de consensus, même du monde scientifique. « Quand à l’IRMf – l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle – ses résultats sont bien moins contestés mais il reste difficilement déployable à grande échelle, du fait de la disponibilité et du coût du scanner. » Ainsi, si les instituts doivent s’adapter aux nouvelles techniques, ils doivent inévitablement investir dans leurs départements recherches & développements. « L’idéal, ce serait que nos clients consacrent une petite partie de leur budget – 5% par an tout au plus – à tester des outils innovants, ce de manière à stimuler les agences à développer leurs solutions. »