L’art de se remettre en question

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Le CRM, ou customer relationship marketing, c’était d’abord un mot à la mode ; il englobe désormais de nombreux éléments. Que signifie le CRM aujourd’hui et quelles sont les dernières tendances du ‘marketing relationnel’ ? Nous posons la question aux experts d’Emakina et Stratics.
Amélie Deschamps a fait ses armes en CRM chez Citobi et LBI. Elle comptait entre autres Kia Motors, Toyota Belgium et Touring parmi ses clients. Désormais senior key account manager chez Emakina, elle est responsable d’Audi. « Le CRM est bien plus que l’outil marketing auquel il était cantonné par le passé, » avance-t-elle. « C’est la base d’une organisation efficace et orientée vers le client. Le grand avantage, c’est que l’on travaille avec des objectifs chiffrés et clairs sur lesquels on peut s’engager en tant qu’agence et que l’on peut facilement tester. C’est un processus d’apprentissage avec beaucoup de trial and error, et une expertise qui se construit au fur et à mesure. Après tout, on touche à la qualité de la relation avec le client. En tant que marketeur – et marque – il faut constamment se remettre en question, écouter les prospects ou les clients et communiquer de la façon la plus pertinente possible avec le groupe cible spécifique qui a clairement été identifié au préalable. Investir dans une bonne base de données et avoir une bonne vue d’ensemble des attentes du groupe cible s’avèrent payants. C’est la base d’un marketing très ciblé. »

Le bon moment

Amélie Deschamps - Emakina

Amélie Deschamps - Emakina


Si, en tant qu’agence, vous avez accès aux données du client, cela vous permet de mieux connaître votre groupe cible, d’analyser son comportement et d’esquisser les lignes directrices d’une stratégie efficace. « Prenez le secteur automobile belge, qui est très compétitif, » explique Amélie Deschamps. « Les marques se distinguent par leurs prestations au niveau des services. Dans le segment supérieur, la marque est menée par les véhicules de fonction. Ces derniers sont remplacés en moyenne tous les quatre ans, alors que chez les particuliers, c’est tous les six à sept ans. Le cycle de vie est déterminant pour le marketing. »
Le concessionnaire aussi joue un rôle important. Il faut par conséquent le convaincre qu’une gestion centralisée des données des clients par la marque est dans son intérêt. Lorsqu’ils achètent une voiture, les clients comparent les offres en ligne avant de se rendre chez un concessionnaire. Il est important qu’ils puissent entendre et lire les mêmes messages de la marque lors de leur phase de recherche, quel que soit le canal consulté. Cela permet à la marque de s’exprimer de façon positive, affirme Amélie Deschamps : « Le concessionnaire est le visage d’une marque. Il assure un bon contact personnel et identifie les (potentiels) clients. Le CRM peut y contribuer. » En effet, l’historique du client apparaît alors de façon claire. Le visiteur se sent valorisé. Les clients sont plus souvent en contact avec le concessionnaire qu’avec la marque. Le revers de la médaille est que ces contacts ont souvent un aspect obligatoire : entretiens, réparation…
Grâce à un bon partenariat avec le concessionnaire, celui-ci peut apprendre ce que le prospect ou le client veut, et peut transmettre ces informations à la marque. Plus besoin, par exemple, d’inonder un client de mailings ou d’e-mails. On accomplit bien plus en envoyant un message ciblé et pertinent au bon moment.

Push et pull

Selon Amélie Deschamps, un bon CRM se base sur une combinaison de ‘push’ marketing de la marque et de ‘pull’ marketing au centre duquel le client est. Cette dernière forme de communication, plus ‘humaine’, gagne du terrain, notamment grâce aux réseaux sociaux. Tesla est souvent citée en exemple pour être la marque automobile qui a trouvé le parfait équilibre entre les deux. La marque a une histoire et une vision, mais parvient brillamment à se mettre sur la même longueur d’onde que son prospect ou son client. Audi concentre son storytelling sur son côté sportif, mais adapte la forme du message au média employé. « Les gens ‘multitaskent’ de plus en plus et il faut en tenir compte, » rappelle Amélie Deschamps. « Il ne suffit pas de copier une publicité ou un call-to-action. C’est là que notre créativité entre en jeu. »

« En tant que marketeur – et marque – il faut constamment se remettre en question. » (Amélie Deschamps)

Les objectifs purement commerciaux jouent-ils un rôle ? Oui. L’art est de pousser les bons profils de prospects ou de clients à se rendre chez le concessionnaire au bon moment. Celui-ci doit alors tenter les acheteurs potentiels en montrant qu’il reconnaît le visiteur, grâce à une offre personnalisée et à la qualité de ses services.

Courbe d’apprentissage

Pendant ce temps, le marketeur continue de surveiller étroitement ce que fait la concurrence. Si une autre marque sort un nouveau modèle attrayant, il s’agit de réagir rapidement et de façon adéquate. « En fin de compte, l’objectif est d’atteindre une conversion maximale de prospects en hot leads qui se rendent chez le concessionnaire pour une offre ou un essai, » explique Amélie Deschamps. « Le CRM, dans cette histoire, repose sur des tests exhaustifs, la recherche des approches qui fonctionnent, jusqu'au niveau d’un modèle spécifique. »
Le CRM a-t-il changé avec l’apparition des réseaux sociaux ? En tout cas, ils donnent désormais au marketeur la possibilité de prendre la température. Si la marque est régulièrement critiquée sur les réseaux sociaux, il peut réagir rapidement. La communauté belge d’Audi compte 100.000 fans. Les marketeurs rêvent d’identifier les véritables ambassadeurs de la marque et de les récompenser par des scoops, des tests de conduite exclusifs de nouveaux modèles et autres choses du genre. Mais si cela demande beaucoup de temps et de budget, cela peut aussi parfois simplifier les choses. Lorsque vous recevez la newsletter d’Audi, vous pouvez réagir par ‘like’ ou ‘dislike’. Si vous n’êtes pas intéressé, vous ne la recevez plus de façon non-sollicitée.

Le client au centre

Kris Vranken - Stratics

Kris Vranken - Stratics


Kris Vranken, managing director chez Stratics, soutient et coache les entreprises dans le développement et l’optimisation du data driven marketing sur les plans stratégique et opérationnel. Stratics aide des clients de secteurs variés, parmi lesquels Rode Kruis Vlaanderen, Zeb, Standaard Boekhandel, e5 mode et Veritas. Selon Kris Vranken, le CRM est aussi bien une philosophie qu’un outil de marketing avancé. Il s’agit de placer le client au centre et de gérer la relation client de façon optimale. « Le CRM est resté valable malgré les différentes hypes, les évolutions technologiques et cette histoire de big data, » résume-t-il. « L’essence est et reste la relation avec le client. Les données et les outils n’en sont que les points de départ. À l’heure actuelle, en marketing, on peut presque tout faire sur le plan technologique. Nous avons une montagne de données à disposition. Mais, hélas, de nombreux marketeurs ne sont pas prêts pour cela et les possibilités sont sous-exploitées. Si on place véritablement le client au centre, il faut pouvoir réagir rapidement – en temps réel – à ses interactions avec la marque par le biais des différents touchpoints. Il faut certes placer le client au centre, mais ce sont les interactions qui sont à la base de la relation client. »
Dans une organisation si centrée sur le client, les marketeurs doivent quitter leur zone de confort habituelle. Il faut commencer par consolider les données de la clientèle. Par ses différentes interactions, le client indique ses objectifs quant à la marque, ses attentes et quelle place il lui donne dans sa vie. Tout signal du client peut être une opportunité pour la marque. À cet égard, il est crucial de bien être à l’écoute. Vous pouvez aussi susciter des interactions en vous enquérant de la satisfaction du client après un achat, tout comme le chef d’un restaurant descend en salle pour s’assurer que tout s’est bien passé.

Apprendre à écouter

« J’ai récemment acheté un logiciel sur lequel j’avais des questions, » raconte Kris Vrancken. « Tandis que je furetais sur le site, j’ai reçu une invitation à chatter. En une demi-heure, tout était réglé. J’ai tout de suite vu que cette entreprise observait avec attention ce que les clients cherchaient. » Ce sont là des opportunités pour les petites entreprises qui veulent être proches de leurs clients. Prenez la vente au détail. Chez les grands noms, on parle souvent de volume, de prix et de promotions. Les plus petites chaînes se concentrent plutôt sur l’expérience en magasin et sur la qualité de leurs services téléphoniques après vente. Cela exige cependant une certaine formation et un certain accompagnement. Ce n’est pas avec les données que l’on peut résoudre cela ; il faut avoir une bonne histoire et écouter ce que les clients ont à dire. Ici encore les échanges avec les clients sont de véritables mines d’informations et il existe, en outre, une kyrielle d’outils qui permettent de véritablement écouter les clients : le service clientèle, les réseaux sociaux, etc. « Les marketeurs doivent utiliser davantage ces possibilités pour surveiller le comportement des clients et pour mener des tests, » encourage Kris Vrancken. « Si vous constatez des changements, vous pouvez alors réagir immédiatement. »

Trigger based marketing

Grâce à ce que l’on appelle trigger based marketing, vous captez les données dans le cadre du cycle de vie du client ou consommateur, étape par étape. Les données sont liées à des moments spécifiques : quel customer journey voulez-vous donner à un consommateur ? Il n’est pas nécessaire de brusquer les choses. Vous analysez par exemple le temps écoulé entre la demande d’informations et la décision d’achat et comment vous pourriez éventuellement accélérer ce processus. Via le benchmarking, vous pouvez voir combien de triggers d’une catégorie atteignent le consommateur au quotidien et quel est le taux de conversion. Petit à petit, vous rendez le comportement du consommateur mesurable, et ce faisant, vous pouvez vous adapter pour atteindre un service optimal et des plus rentables. Le triger based marketing est mené en fonction du moment et de l’interaction avec le consommateur. Ici aussi, nous pensons que le défi est de le faire le plus possible en temps réel.

Les moments forts

Il y a différents types de triggers. Pensez par exemple aux différents moments forts d’une vie : une naissance, un anniversaire, un déménagement, un mariage, l’expansion d’une entreprise… Dans ce cas, vous construisez des indicateurs qui font référence à, par exemple, l’anniversaire imminent d’un client, en lui envoyant un e-mail d’anniversaire. Le client est content de cette attention, qui peut éventuellement s’accompagner d’une offre. Il se sent reconnu par la marque.

« Dans une organisation si centrée sur le client, les marketeurs doivent quitter leur zone de confort habituelle. » (Kris Vrancken)

Il semble que les e-mails d’anniversaire soient 300% plus souvent ouverts et que le taux de clics soit 100% plus élevé. Lorsque vous construisez la relation client de cette façon, vous veillez au respect de la vie privée. Le client a ainsi la garantie qu’il garde le contrôle de ses données à tout moment. Il s’agit d’un trade off où le client détermine lui-même la quantité d’informations qu’il met à disposition. C’est du donnant-donnant. Par exemple, il faut que le client sache clairement ce qu’il reçoit en échange des informations personnelles qu’il donne. Pensez par exemple à une communication plus personnalisée ou à des services sur-mesure. Vous retrouvez également les phases de la vie dans le domaine des produits. Regardez les campagnes d’e-mails lorsqu’un contrat de garantie touche à sa fin ou lorsqu’un produit est à nouveau en stock. Le client reçoit à chaque fois un e-mail en temps et en heure. Le marketeur peut alors analyser le comportement de clics.

Interactif

« Dans de tels cas de figure, le plus grand défi des marketeurs est d’apprendre à réagir en temps réel aux interactions avec le client, » insiste Kris Vranken. « Les agences de communication doivent déterminer quel est leur rôle dans le développement des stratégies et la création de contenu pertinent. » Dans la pratique, de grandes organisations telles que des banques et des assurances investissent déjà dans une consolidation des données en data hubs, car trop souvent les données sont cloisonnées dans des catégories différentes. Les entreprises B2B de plus petite taille et les PME peuvent le faire plus rapidement. Elles se penchent plutôt sur d’autres aspects, tels que les hubs de données, l’automatisation du marketing, le suivi des données, les sites internet et les applications mobiles. En fin de compte, en tant que marketeur, vous voulez découvrir ce qui se passe sur le marché, quels facteurs peuvent mener à une modification du comportement et, le cas échéant, sur quoi vous pouvez agir. Fondamentalement, le CRM demeure inchangé depuis des années. Dans la construction et l’entretien des relations avec le client, les interactions, l’écoute du client et la surveillance de son comportement restent toujours les éléments principaux.