« L’avenir appartient aux freelances »

Vibes-Intergalactic

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Copywriters indépendants, directeurs artistiques et autres esprits créatifs se réunissent souvent au sein de réseaux de freelances. Leur crédo : la bonne personne pour le bon travail. Les ‘agences de l’avenir’ disposent d’atouts indéniables : elles sont flexibles, polyvalentes et relativement bon marché. Mais elles se heurtent souvent aux appréhensions des grands clients. « La Belgique n’est pas prête pour nous. » Nous avons frappé à la porte de trois collectifs différents, car l’un n’est pas l’autre.

WHAT’S IN A NAME

Ad stories, bedtime stories, brand stories, character stories, cover stories, customer stories, illustrated stories, kids stories, short stories, symbolic stories, web stories… Le collectif gantois What’s In A Name invente et raconte les histoires les plus diverses et variées pour ses clients. Leur méthode n’est toutefois pas celle d’une agence de publicité ou de communication classique. « Pour chaque projet, nous composons une équipe spécifique de freelances, » explique l’un des co-fondateurs, Filip Vandewiele. « Nous pouvons piocher dans un réseaux de plusieurs dizaines de créatifs. Si nous avons besoin d’un spécialiste de la 3D, d’un journaliste photo ou d’un motion designer, nous les avons à portée de main. »

Filip Vandewiele et son partenaire Bruno Seys avaient fait leurs premiers pas dans la cour des grands sous le nom de Kingseys & The Knight Writer. Leur mission statement : « It’s only rock & roll, but someone’s gotta do it. » Ils ont attiré l’attention du secteur grâce à la réalisation des idées créatives de la campagne électorale fédérale du parti Groen!. Le duo a tout de suite mis la barre très haut, mais a rapidement compris qu’il ne pourrait pas tout faire seulement à deux. « Dès le début, nous avons fait appel à des freelances. Notre collectif a grandi de façon naturelle, » raconte Filip Vandewiele. En 2014, le temps était venu de changer de nom : « Pour rendre les choses plus compréhensibles, nous avons consulté le plus grand écrivain de tous les temps, William Shakespeare, qui, dans un moment d’inspiration, a jadis écrit what’s in a name ? »

Leading agency

What’s In A Name travaille pour des agences publicitaires, et parfois directement pour les annonceurs. « Que ce soit avec un contrat fixe ou facturé à l’heure, en teams ou de manière plus intime. Peu importe notre nom, l'on bosse pour notre réputation à tous. » Parmi les clients connus, on retrouve Bpost, Christeyns, Leen Bakker, Uitgeverij Van In et Snoecks. Depuis l’année passée, le collectif créatif est devenu la leading agency de la Ville de Gand. Filip Vandewiele : « Nous menons une équipe d’une vingtaine de têtes créatives sans devoir les embaucher, ce qui nous met dans la position confortable de ne pas devoir sans cesse courir après un éventuel travail pour occuper salariés. Nous n’avons pas de salaires à payer et nous ne devons pas jouer les RH. Je ne veux pas passer mon temps à remplir des fiches de salaire, je veux créer des campagnes! »

Argent et qualité

Pourquoi les clients choisissent-ils What’s In A Name ? « Tous les membres de notre équipe sont sur la balle, » répond Filip Vandewiele. « Les indépendants travaillent à leur compte, ils sont motivés pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils sont tous leur propre petite entreprise. Si leur travail est décevant, il est peu probable qu’ils soient à nouveau engagés. They go the extra mile pour s’assurer que le client soit content. Bruno et moi-même nous occupons du contrôle qualité : rien ne part chez le client sans que nous l’ayons préalablement validé. » Une agence de freelances peut proposer des tarifs avantageux, car elle ne doit pas supporter de coûts salariaux élevés. Mais moins cher ne rime pas forcément avec bon marché. « Les clients ne doivent pas frapper à notre porte dans l’espoir de trouver des prix cassés. Nos tarifs horaires sont comparables à ceux des agences de petite et moyenne taille. Les grandes agences ont des tarifs plus élevés car elles ont un overhead important, mais je ne dirais pas que nous sommes bon marché. Nous payons très bien nos freelances. Comme ils sont excellents, la plupart du temps, ils n’ont besoin que d’un seul briefing et un seul retour de corrections. Nos freelances valent donc parfaitement leur argent. »

INTERGALACTIC

Intergalactic est l’enfant spirituel de Eric Becker – qui n’en fait d’ailleurs plus partie – et de Gilles de Boncourt, qui s’est fait une place dans le monde de la publicité sous le nom de Eric & Gilles Worldwide. Cette agence bruxelloise a fait le choix réfléchi de travailler en collectif d’indépendants. « Nous sélectionnons des freelances sur base de leurs qualités pour remplir des missions au nom d’Intergalactic, » décrit Gilles de Boncourt. « Ce sont aussi bien des seniors que des juniors. Ce n’est pas parce que vous n’avez pas d’expérience que vous ne pouvez pas réaliser de beaux projets. Il est même utile de faire travailler juniors et seniors ensemble. La grande force de notre réseau, c’est la qualité du travail accompli. Nous mettons les bonnes personnes sur les bons travaux. Pour Delvaux, par exemple, il ne s’agit pas de prendre le premier account manager venu; il faut d’abord chercher un jeune artiste. Nous nous autorisons à le faire, nous avons la liberté et la flexibilité nécessaires. Pour illustrer mon propos, je donnerais cet exemple : nous travaillons souvent avec un sculpteur. Ce n’est pas vraiment un profil que vous croiserez dans une agence classique... »

Le déclic

De grands noms tels que la Loterie Nationale et AG Insurance se sont déjà laissés convaincre par le business model innovant d’Intergalactic. Néanmoins, Intergalactic ne mise pas tout sur sa caractéristique principale, souligne Gilles de Boncourt : « Bien que nous soyons un collectif d’indépendants, nous nous présentons plutôt comme une agence ordinaire. C’est important lorsque l’on est candidat pour de gros projets. Le client s’attend plutôt à ce que nous lui présentions une équipe ‘fixe’. Notre réseau ne manque pas de personnes qualifiées qui peuvent mener à bien des projets, nous n’avons juste pas d’employé fixe. En Belgique, c’est inhabituel de travailler avec des freelances. De nombreux grands clients sont encore réticents vis-à-vis des indépendants, car ils n’ont pas l’habitude de notre façon de penser et de travailler. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les collectifs de freelances courent les rues, mais chez nous, il n’y a pas encore eu de déclic. Ce que nous voyons, par contre, ce sont des grandes agences qui travaillent principalement avec des indépendants, mais qui s’attendent à voir les freelances dans leurs bureaux chaque jour du matin au soir. Ce n’est pas vraiment le principe! »

Moins de coûts

Une agence sans personnel a moins de coûts fixes et donc moins de soucis qu’un concurrent qui doit supporter des coûts salariaux fixes élevés, pense Gilles de Boncourt. « Nous ne prenons pas les mêmes marges que des agences classiques, ce qui joue en notre faveur. Nous louons la main d’œuvre quand nous avons du travail à lui donner. Nous sommes flexibles et dynamiques, nous proposons un travail de qualité à des prix concurrentiels. » Qui dit mieux ?

FREELANCENETWORK.BE

Combien y a-t-il de freelances dans notre pays à la recherche d’un travail ponctuel à effectuer ? Le site d’emploi Freelancenetwork.be n’en dénombre pas moins de 18.000. Tout le monde serait-il devenu freelance ? « Ce chiffre correspond au nombre d’indépendants qui se sont inscrits sur notre site, » précise son créateur Michel Piedfort. « Environ la moitié d’entre eux sont actifs et visitent le site au moins une fois par mois pour trouver de nouveaux contrats. Certains sont indépendants à titre principal, d’autres sont indépendants complémentaires. Ils paient 75 euros pour un semestre ou 99 euros pour une année complète pour avoir accès aux offres. Les entreprises, quant à elles, peuvent placer des offres d’emploi gratuitement. Sur Stepstone ou Monster, elles doivent payer, mais pas chez nous. »

Les offres d’emploi sur Freelancenetwork.be sont taillées sur mesure pour les freelances : ce sont des tâches de courtes durées, d’environ trois mois ou trois jours par semaine. « Toutes les entreprises ne sont pas prêtes à travailler avec des freelances ou n’ont pas de tâches qui prendraient un jour par semaine à proposer, » explique Michel Piedfort. Ce qui fait, selon lui, que les freelances ont parfois du mal à décrocher des contrats. « L’avantage de notre site, c’est qu’il est utilisé par des entreprises qui ont d’ores et déjà annoncé qu’elles voulaient des freelances. Cela permet aux freelances et à leurs commanditaires de se trouver facilement. En plus, les freelances sont immédiatement disponibles et peuvent commencer rapidement, alors que lorsque les entreprises recrutent par un site d’emploi traditionnel, elles rencontrent des candidats qui doivent d'abord faire une période d’essai. »

Du court terme

Le statut de freelance est idéal pour les esprits créatifs qui ne veulent pas s’engager auprès d’un employeur fixe et qui tiennent à leur liberté et à leur indépendance. Mais les aventuriers ne sont pas le seul groupe cible des entreprises qui publient des offres sur Freelancenetwork.be. « Nous avons aussi bien des offres d’emploi pour des comptables ou des secrétaires, que pour des copywriters ou des graphistes, » réagit Michel Piedfort. « Est-ce the place to be pour ceux qui changent tout le temps de travail ? Non, je ne le décrirais pas comme ça. Mais c’est vrai que les freelances de notre site vivent de projets ponctuels. »

Un petit aperçu des offres que l’on peut trouver sur Freelancenetwork.be : développeur front-end, consultant média, vendeur de boissons alcoolisées, recruteur IT, webdesigner CMS et responsive CSS freelance, topographe, commissaire-priseur et organisateur de dégustations... Freelancenetwork.be attire-t-il des catégories précises d’entreprises ? « En ce moment, ce sont surtout des PME, » répond Michel Piedfort. « Les grands de ce monde, comme Proximus et Telenet, recrutent par d’autres canaux. Ils sont constamment à la recherche de collaborateurs à long terme. Nous nous concentrons plutôt sur les entreprises qui ne cherchent pas forcément à engager immédiatement en CDI, mais qui ont un besoin urgent de renfort ou qui veulent explorer de nouvelles possibilités. Exemple classique : de nombreuses entreprises veulent être présentes sur les réseaux sociaux, mais elles ne savent pas comment s’y prendre. Leur directeur marketing n’a pas le temps, ni l’expertise pour se lancer là-dedans. Sous-traiter cette tâche est alors une option intelligente et peu coûteuse. »

Freelancenetwork.be existe depuis cinq ans déjà et a grandi de façon naturelle, tout comme What’s In A Name et Intergalactic. Michel Piedfort constate que beaucoup d’entreprises hésitent à faire appel à des freelances, une constatation partagée par les autres collectifs et les autres associations de coopération que nous avons croisés. « Les mentalités doivent changer, » conclut Michel Piedfort. « La Belgique ne pense manifestement pas aux freelances. » Le temps sera-t-il l’allié des collectifs ? Des caps sont régulièrement franchis – pensez au rôle de What’s In A Name en tant que leading agency pour Gand – et le nombre de tâches proposées à des indépendants a facilement doublé en deux ans, passant de 2000 à environ 4500 jobs sur Freelancenetwork.be. Cela montre tout de même que de plus en plus d’entreprises découvrent les avantages d’engager des indépendants. Même si tous les commanditaires et toutes les tâches ne se prêtent pas à cette façon de travailler.