Le branded content … À chaque marque son histoire ?

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Les marques fortes ont une histoire, sont elles-mêmes l’histoire ou font partie d’une bonne histoire. Oui, raconter des histoires a le vent en poupe. Reste que le message doit être pertinent et le programme bien fait. Jetons un coup d’œil sur le branded content, et au rôle que jouent les marques dans la société.

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Geert Geboes est responsable du branded content/entertainment et corporate movies auprès de la maison de production Sputnik. Dans une autre vie, il a été actif chez Medialaan, impliqué dans le lancement de la station commerciale Q-Music, et s'est occupé de la publicité pour la chaîne de d'jeuns, Jim TV. Puis, en tant que directeur Brandcare chez SBS, il a été responsable du product placement, du sponsoring, des infomercials etc. Il parle donc la langue de l’annonceur de par sa longue expérience des chaînes, tout en se trouvant sur la même longueur d’ondes que les programmateurs. « Je traduis une histoire commerciale en une caresse, » dit-il. « Chez Sputnik, nous nous adressons à des groupes-cibles avec des programmes à contenu pertinent. »

Les alternatives à la publicité classique télé sont, en effet, le product placement, le sponsoring, le billboarding ou le brand activation. Les chaînes ou les maisons de production conçoivent alors des programmes pour et avec les marques, en étroite collaboration avec les annonceurs. « Le client veut raconter une histoire et s’approprier un contenu spécifique, » continue Geert Geboes. « Les possibilités sont légion. Prenons De Designers sur VTM, un programme qui parle de mode et de stylisme sponsorisé par JBC. De telles productions contribuent à la réputation et à l’image de la marque. Force est de constater que la pub télé classique se trouve sous pression. Les annonceurs cherchent de nouvelles manières de se connecter avec leur groupe-cible, et dans ce contexte, le branded content offre une bonne alternative. Surtout quand ce genre de programme est soutenu par une campagne média. » D’autres exemples? Sur Nederland 3 passe en ce moment la compétition éliminatoire De Zeven Zeeën, une production de Sputnik Nederland pour Greenpeace. C’est un exemple typique de branded entertainment. De célèbres Hollandais s’embarquent ensemble sur un bateau ; une manière de mettre en scène la problématique de la pollution des océans de manière ludique.

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PokerStars

On passe à la caisse

De quelle façon ces programmes sont-ils financés? Dans certains cas, l’annonceur paie l’entièreté de la production, dans d’autres, l’annonceur et la chaîne paient chacun une partie. En fin de compte, c’est le contenu qui décide. Dans quelle mesure le programme convient-il au profil de la chaîne? Voyez De Slimste Mens ou De Ideale Wereld sur la Vier : c'est en fait le genre de programme qui détermine l’ADN de la chaîne. La plupart des chaînes sont à la recherche de bons formats commerciaux, constate Geert Geboes: « Ils présentent eux-mêmes les formats aux annonceurs, éventuellement par le biais de maisons de production comme la nôtre. Evidemment, à force, nous avons acquis beaucoup d’expérience dans la collecte de fonds pour des formats spécifiques. » C'est que plusieurs modèles d’entreprise sont possibles. A l’époque, la VRT a acheté la série néerlandophone Tournée Générale. Son équivalent francophone sur La Une (RTBF) fut entièrement payée par du sponsoring, en l'occurence par le preneur de la licence. Ensuite Ebuco, une société partenaire de Sputnik, a repris la production à son compte.

Content is king

Quels sont les facteurs du succès du branded content? Le programme doit convenir au profil tant de la chaîne et que du groupe-cible. S'il est trop commerçant, avec trop de placements de produits ou d’informations commerciales, il y a fortes chances que le spectateur ne suive pas. Nuançons toutefois : Les téléspectateurs des chaînes commerciales suivront plus facilement les actions commerciales, puisque cela correspond davantage à leurs attentes vis-à-vis de ces chaînes. Pour les chaînes non-commerciales, c'est différent. « Il faut surtout produire un bon programme, » réfléchit Geert Geboes. « Un publireportage ou un infomercial de deux minutes doit également être de qualité, donner la bonne information sur le produit et être agréable à regarder. » Voyez les infomercials de Delhaize avec Jeroen De Pauw : ils donnent la bonne information sur les produits, sans trop en faire. Cela correspond plus à une stratégie à long terme, axée sur la promotion de l’image de la marque et sa réputation. L’avantage est que de tels programmes courts sont diffusés en dehors du bloc publicitaire, à plusieurs moments, voire également en prime time. S’ils sont de bonne qualité, le téléspectateur ne zappera pas. De plus, leur production est plutôt bon marché et les possibilités infinies. Imaginez des formats commerciaux pour l’alimentation ou l’énergie, tantôt amusant dans un programme de comédie par exemple, tantôt plus didactique. PokerStars sur la Vier et sur RTL TVI – encore une production de Sputnik – montre les qualités d'un joueur de poker digne de ce nom : le bluff, la concentration, l’observation. Autour de chaque aptitude, un programme de deux minutes à été construit (diffusé en février et mars derniers) dans lequel deux personnalités subissent des tests. La présentation est entre les mains des frères jumeaux De Meulder, connus dans le monde du poker. Les films courts de making-of sont diffusés sur les réseaux sociaux et de plus en plus populaires sur Facebook et YouTube, et le tout est soutenu par une campagne dans les médias. Voilà comment PokerStars, actif dans les paris online, se fait une réputation.

Crédible

Mais quels sont les pièges? Il est surtout question de crédibilité. Si vous impliquez votre marque dans un programme, jouez la carte de la subtilité, sans exagérer. Si vous voulez un effet à long terme, focalisez-vous sur un bon programme pertinent. Même si tout est contrôlé du début à la fin, il faut que l'ensemble ait l'air spontané. Seules les allusions sont acceptables. Illustration : l’entrepreneur de construction Bostoen a persiflé sur le programme Komen Eten de la Vier en montrant de façon subtile les avantages d’une construction passive.

Si les formats brefs (deux minutes) sont considérés comme un produit commercial, diffusé entre les programmes fixes, les formats plus longs sont différents. Dans ce cas, la direction de la chaîne veut avoir son mot à dire. Ces programmes, comme De Zeven Zeeën (45 minutes) ou De Designers, sont considérés comme des programmes à part entière et doivent forcément s’intégrer parfaitement au profil de la chaîne.

Les maisons de vacances, la mode, le lifestyle, les cosmétiques et la bière sont des thématiques qui ont toutes de fortes chances de figurer tôt ou tard dans un format branded content. Et tout autant de chance de remporter un succès commercial ! Pour la série néerlandophone Tournée Générale, la brasserie Palm a sorti une bière « Tournée Générale », en vente exclusive chez Delhaize. Plus d’un million de bouteilles ont été vendues. Il faut dire que ce programme était bien soutenu : apps, dvds, livres, e-books... Ou comment créer un effet boule de neige qui fait marcher la caisse enregistreuse ! Le storytelling se fait au travers de plusieurs médias, l'un renforçant l'autre. Une histoire peut aussi se raconter sur plusieurs plateformes, de la télévision, au net en passant par les appareils mobiles. Pensez à Red Bull TV, aujourd’hui encore online, bientôt en direct sur les ondes…

Stakeholder value

Pour Diane Nijs, consultante, auteure et professeur Imagineering à l'université NHTV de Breda, le branded content est à situer dans un contexte plus large. L’important, c’est la pertinence des marques pour la société dans un monde de connectivité. « Nous vivons une révolution fondamentale, » explique le professeur. « Les marques ont besoin d’une histoire forte que le public a envie de partager. Elles seront jugées sur leur valeur ajoutée réelle. Il s’agit de plus en plus de ‘stakeholder value’, et non de la classique ‘shareholder value’. Uber, AirBnB ou Facebook l'ont compris. L’expérience de la marque est leur point de départ commun. Le raisonnement à avoir, c'est : si l’expérience plaît, l’argent suivra. L'entreprise entière devient ainsi créative. Tout le monde se sent concerné et devient, à sa façon, ambassadeur de la marque. L'histoire s’envole et vit sa vie. »

Les interactions jouent donc un rôle crucial, car l’organisation en courbe d’apprentissage devient de plus en plus intelligente grâce à chaque interaction. C’est l’opposé de l’organisation classique ‘top-down’, dans laquelle la direction prend les décisions de manière centralisée et les collaborateurs, clients, fournisseurs,... se retrouvent dans un rôle d’exécutant. Dans un monde de plus en plus complexe, ce modèle ne semble plus d’actualité. Les nouveaux acteurs considèrent tout le monde comme participant, chacun apportant une valeur ajoutée. Il en résulte que la dualité entre producteur et consommateur disparaît.

Donner du sens

Si vous voulez que tout le monde dialogue avec vous, il faut que votre marque offre un bouillon de culture suffisamment riche. La marque veut contribuer à un monde meilleur et non plus seulement à plus de revenus pour les actionnaires. « Nous voulons donner une signification à la société, nous amenons une différenciation importante à notre relation avec les marques, » dit Diane Nijs. Souvent, cela signifie un changement radical. Prenez un boulanger, qui ne considère plus ses gâteaux comme de la simple nourriture, mais plutôt comme un moyen d’expression. C’est un nouveau monde plein de possibilités qui s’ouvre. On discute avec le client, on examine ce qu’il veut réellement, comment il veut s’exprimer. Après cette conversation, une création unique s’ensuit. Cela devient alors des livres, des programmes télé, des promotions pour les accessoires de pâtisserie,...

Et un tout nouveau modèle d’affaires naît, avec une base nettement plus riche pour l’expansion des marques que la concentration sur le produit et le prix. De telles marques veulent inspirer. De telles idées gagnent très vite en importance dans le monde numérique. Les marques sont obligées de focaliser sur leurs points les plus forts. Un exemple : la plateforme ouverte Vitality, lancée par Unilever. Ou les « Journeys Of Inspiration » de KLM. Ces sociétés encouragent la créativité au sein de leur entreprise et en font même leur image commerciale. C’est de cette façon que Veritas a réussi de se réinventer comme un magasin qui inspire.

Challenge

Mais une telle reconversion ne se fait pas sans obstacles. L’organisation créative est obligée de lancer régulièrement des innovations pertinentes, transformer les propositions existantes en d’autres combinaisons et donner du sens aux marques. La bonne nouvelle est sans doute qu’une entreprise peut très vite, grâce à la connectivité, transformer le dialogue bien plus rapidement que construire une nouvelle usine. Mais, ce type de projet reste difficile car souvent la direction ne veut pas s’engager. Les directeurs ont été formés pour créer une valeur maximale pour les actionnaires, et non pas pour laisser l’organisation – en l'occurrence les marques – s'en mêler. Il n'est pas rare de voir que l’organisation est prête, mais que la direction ne l'est pas autant. La plupart des managers pensent souvent de façon plutôt linéaire en partant d’une logique ‘top down’. Le PDG joue un rôle de grande importance dans la transformation. C’est lui qui peut lancer l’organisation créative. Il faut bien avouer que chaque changement entraîne des risques. Si votre performance est mauvaise, vous êtes immédiatement puni ! C’est ce qui s’est passé avec la DSB Bank aux Pays-Bas. Quand certains leaders d’opinion ont encouragé les Hollandais à vider leurs comptes en banque, cet appel a été suivi en masse et la banque a dû fermer ses portes. Créer une nouveauté peut se faire à la vitesse de la lumière. Pensez au mouvement « Je suis Charlie ». Mais si changer comporte des risques, c'est tout aussi vrai pour ceux qui se cramponnent à la situation existante. « Celui qui choisit le changement, entre dans un système vivant, avec des histoires intéressantes, racontées de façon pertinente et crédible, qui se renforcent avec chaque interaction, » indique Diane Nijs. « Par définition, une entreprise optera pour une relation à long terme entre la marque et la société dans laquelle le branded content pertinent a sa place. »

Erik Verdonck