Le digital et sa mesure défient les régies

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Point de liaison entre les annonceurs et les entreprises médias, les régies sont au premier rang pour observer le marché. Quid des évolutions? Des revendications? De la lame de fond digitale? De l'avenir? PUB a réuni autour de la table cinq professionnels pour discuter des challenges de leur métier.

Sous le regard « neutre » de François Goddet, CEO de ZenithOptimedia, PUB a rassemblé quatre hommes de régies: Philippe Belpaire, General Manager de Roularta Media, Vincent Delmotte, Country General Manager de Hi-Media Belgium, Thierry Hugot, directeur commercial et marketing du groupe Rossel, et Denis Masquelier, directeur général d'IP Belgique. Des concurrents, certes, mais qui peuvent également se retrouver partenaires.

Aujourd'hui, qui sont vos concurrents?
Denis Masquelier: D'une manière générale, le côté très « binaire » de la concurrence a tendance à s'estomper: il y a de nombreuses interpénétrations entre les médias. Il nous arrive de travailler avec toutes les télévisions contre les autres médias – l'affichage entre autres – tout en restant concurrents entre nous. Nous pouvons également collaborer avec la presse, avec d'autres sites médias, voire même des Daily Motion ou Youtube qui apparaissaient encore comme des ennemis jurés il y a peu.

Vincent Delmotte: Au niveau du digital, à côté des nouveaux concurrents comme Google, Youtube, Facebook et compagnie, il y en a qui existaient déjà mais qui ont pris une forme différente. C'est-à-dire notamment les régies print qui packagent dorénavant du digital. On ne se bat donc plus contre le site d'un éditeur, mais contre une offre couplée on- et off-line.
L'AD EXCHANGE S'EN FOUT DU CONTEXTE. Thierry Hugot
Philippe Belpaire: Google ou les réseaux sociaux sont des concurrents parce que ce sont des joueurs en plus. Mais ce sont également des partenaires, surtout Google en ce qui concerne Roularta Media (ndlr: Roularta est le reseller de Google en Belgique).

Philippe Belpaire: Certaines régies vont très loin dans les négociations.
Thierry Hugot: Dans un marché qui stagne en termes de valeur, nous nous bagarrons forcément plus pour les parts de marché. D'autant plus que l'on observe une convergence de tous les médias vers l'écran. Même les câblo- et les télé-opérateurs sont en train d'acheter des programmes, créent des synergies autour des tablettes, offrent des services internet,... Ce sont de nouveaux concurrents qui disposent d'énormément de moyens financiers. Le coût des télécommunications, de l'internet, c'est aussi une concurrence parce que ça pèse sur le budget des ménages. Cela veut aussi dire que nos marchés intéressent davantage l'international. Les rachats de titres ou de médias se situent souvent au niveau européen. Les petits médias belges entre eux, c'est bientôt terminé.

LE VRAI DANGER DEMAIN, C'EST LA DÉFLATION. François Goddet

François Goddet: Le prisme s'est clairement élargi. Nous mesurons de 120 à 140 points de contact entre le consommateur et une marque, points qui sont véritablement en concurrence. Parce qu'au-delà des sollicitations publicitaires pures ou des grands médias, on doit prendre en compte tout ce qui est lié au marketing direct, aux investissements des marques sur leurs points de vente, aux événements, aux RP, etc. Voilà le champ de la concurrence aujourd'hui.

LEUR ARME: LA MARQUE MEDIA

Le futur des régies belges se trouve-t-il dans les partenariats avec d'autres régies? Est-ce un passage obligé?
Thierry Hugot: Aujourd'hui, nous ne pouvons pas être petits. Ou alors, il faut vraiment être dans une niche. Face à des concurrents de plus en plus puissants, nous devons avoir du répondant, nous arranger pour être nous-mêmes plus puissants. Il faut également avoir la force d'être face à nos acheteurs pour maintenir les tarifs.

Denis Masquelier: La convergence des médias amène forcément une convergence dans les offres. On essaye d'abord de s'organiser en interne, mais on n'hésite pas non plus à créer d'autres offres synergiques avec des partenaires. On réfléchit même à des partenaires qui ne sont pas a priori proches de nous, simplement parce que la force de frappe ensemble est plus importante sur certains territoires, marchés ou budgets.

Vincent Delmotte: La naissance des Ad Exchanges en digital, c'est la preuve que les partenariats sont nécessaires parce que si chaque régie ou chaque média crée son propre Ad Exchange, cela ne fonctionnera jamais. On noue des partenariats forts pour pouvoir proposer à l'annonceur la plus grosse audience. Après l'acheteur cible comme il le désire, mais si chaque régie ou média commence à morceler son offre, il n'achètera pas.

A votre avis, l'Ad Exchange a de l'avenir?
Thierry Hugot:L'Ad Exchange, par définition, ça s'achète impression par impression, en se focalisant sur le prix. On s'en fout de la marque! On s'en fout du contexte! Les annonceurs ont pourtant besoin de référence, de crédibilité pour asseoir leur marque. Or, pour s'associer à la crédibilité d'un média, il faut être très présent dans ce média; c'est pas en y investissant un mois ou une semaine que ça marche. Plus la communauté attachée à la marque voit cette marque attachée à son média, plus elle accorde à la marque du crédit, de la confiance et son affect. Tout le monde est d'accord avec cette réflexion et veut travailler sa marge, faire du « content », parler à ses clients... Alors que sur le web, ils cherchent tous à acheter du volume le moins cher possible! Je reste donc persuadé que l'Ad Exchange représentera toujours une partie limitée des achats, peut-être 10 voire 20%, mais jamais 50-60%.

Vincent Delmotte: Personnellement, je pense qu'on va atteindre les 30-40%... Mais ils resteront une source de revenus complémentaire, qui ne va pas remplacer les autres. Il faut savoir que 50% du chiffre d'affaire de notre groupe est réalisé sur des produits qui n'existaient pas il y a deux ans. Tout simplement parce que nous avons revu notre offre pour qu'elle devienne la plus large possible. Aujourd'hui, nous vendons du banner par le biais de l'Ad Exchange, nous vendons de la vidéo parce que cela a du sens pour les annonceurs TV d'avoir une offre vidéo digitale, nous vendons du mobile parce qu'on ne peut plus le sous-estimer en Belgique, et nous vendons de l'intégration (du type native advertising) nécessaire aux éditeurs de contenu. En tout, cela fait quatre canaux et donc du mediamix.

Denis Masquelier: L'Ad Exchange me laisse encore perplexe à ce stade parce que le digital est, par nature, un monde qui a tendance à fragmenter, à cibler, à faire des canaux de plus en plus ténus. C'est bien pour cela d'ailleurs que nous sommes obligés de nous associer: si dans les grands médias on peut se suffire à soi-même ou présenter une offre suffisante par une alliance de deux ou trois, dans le digital, nous devons davantage nous fédérer pour proposer une offre significative. En ce sens, l'Ad Exchange est une réponse à une évolution que je trouve négative: de la fragmentation – du digital j'entends –, des prix tirés vers le bas, de moins en moins de temps à consacrer,...

Vincent Delmotte: Sur le prix je ne suis pas tout-à-fait d'accord parce que, l'Ad Exchange, c'est de l'enchère. Les éditeurs peuvent beaucoup mieux gagner leur vie. Je prends l'exemple d'AutoScout qui, avec le Salon de l'Auto, a vraiment vu ses CPM tirés vers le haut.

Denis Masquelier: Je trouve globalement que cette automatisation nie un peu l'effet de la marque. Finalement, on achète très à l'aveugle, c'est le prix qui compte. Et puis les benchmarks deviennent internationaux, fixés par d'autres grands acteurs qui ne répondent pas forcément aux objectifs des petits territoires... Pour la Belgique, cela a quand même une tendance à détruire de la valeur. J'espère que nous continuerons à être capables de positionner nos marques comme des garantes d'une certaine qualité de contenu. Et de pouvoir les vendre à un certain prix qui est la seule façon pour nous de pouvoir faire vivre nos médias.

François Goddet: A ce jour, le fond de commerce des grands médias, c'est de créer de la notoriété et de la préférence pour les annonceurs. Le digital permet d'aller un peu plus loin sur le chemin du consommateur et de se rapprocher de l'acte d'achat. A mon avis, les grands médias doivent considérer cela comme une nouvelle opportunité et comme, peut-être, un réservoir de recettes supplémentaires.

Thierry Hugot: Internet, c'est un support, c'est vaste, ce sont des sites de toutes les formes et de tous les styles... Et vendre tous ces sites en « bulk » ou à l'impression, ce n'est pas notre métier. Notre métier à nous, c'est de donner de la crédibilité, de l'image, du contenu et on doit rester là-dessus. Notre job, c'est de faire que les marques se retrouvent dans un contexte qualitatif, que leurs publicités prennent place dans un environnement valorisant, qui attire leurs cibles. Qu'elles utilisent ensuite de l'Ad Exchange pour faire de la performance, cela ne me pose pas de problème. Mais nous, nous devons dire non. C'est difficile parce qu'en période de crise, on fait un peu moins d'image et un peu plus de promo. Mais il faut espérer que tout cela redémarre à un moment donné et là, si on a oublié notre âme – autrement dit faire de la qualité – alors nous serons complètement sanctionnés.

François Goddet: Ce qui est compliqué, c'est qu'il y a de plus en plus un phénomène de vases communicants: on parle de branding, de notoriété, de préférence, mais aussi de performance avec des plateformes d'Ad Exchange qui peuvent permettre aux marques de transformer une intention d'achat en achat. Le tout est de savoir, dans ce mélange des genres, d'où viennent les budgets chez l'annonceur.

SANS INNOVATION, POINT DE SALUT

Nous trouvons-nous dans une guerre des tarifs?
François Goddet: Bien sûr! Mais il y a dix ans, il y avait déjà la même guerre des tarifs! Et ce sera la même chose dans cinq ou dix ans. Nous vivons dans une civilisation où la pression est permanente. Alors, soit on râle les bras croisés et on risque fort de rater le coche. Soit on essaye de réfléchir à comment recréer de la valeur sur le produit, pour le vendre peut-être plus cher, ou on tente de trouver des leviers de diversification.

Mais dans le contexte actuel, pratiquer une guerre des tarifs comme on l'a toujours fait, n'est-ce pas plus dommageable ou dangereux?
Philippe Belpaire: Plutôt qu'une guerre des tarifs, il y a une guerre des négociations. Certaines régies vont très loin dans les négociations. Et on peut effectivement se poser la question de savoir si c'est une bonne chose pour le marché! C'est un cercle vicieux qui fait que tout le secteur devra à un moment donner plus lors des négociations. En bradant, on dévalorise la crédibilité des marques média qui depuis des années prouvent qu'elles fonctionnent bien. Si un annonceur paie désormais moins cher une page qu'il achetait à un prix plus élevé il y a quelques années, il se pose des questions. Ce n'est pas une bonne chose pour le marché.

NOTRE CHIFFRE D'AFFAIRES MOBILE, C'EST PEANUTS! Philippe Belpaire

Thierry Hugot: Ceux qui le font – et il y en a – détruisent inévitablement leur valeur. Pour pouvoir résister à cela, il faut avoir les reins solides financièrement. Néanmoins, dans le monde actuel, un produit qui stagne perd également de la valeur. C'est pourquoi il faut régulièrement créer du neuf, investir sinon la concurrence attaque et les prix s'érodent. Si nous avons lancé « Touchpoint » chez Rossel, ce n'est pas pour développer le web; c'est pour maintenir la valeur du print, donner du plus au print puisqu'on le vend avec internet. La guerre, elle n'est pas sur les tarifs, elle est sur un rapport qualité/prix: il faut en donner plus pour la même somme.

Vincent Delmotte: On connaît le même problème avec la vidéo dans le digital. Des Youtube ont tendance à offrir des prix extrêmement bas. Alors que des éditeurs de contenu en Belgique proposent de la vidéo à des prix trois fois plus chers, l'acheteur a vite fait de choisir! Si les acheteurs ne se posent pas les bonnes questions par rapport à tout cela, les éditeurs locaux, les régies vont finir par fortement en souffrir. Et on va se retrouver dans un marché extrêmement globalisé au niveau de l'achat.

François Goddet: Le vrai danger demain, c'est la déflation. Le jour où on passe un point d'inflexion, un déséquilibre entre offre et demande, la concurrence explosera et cela peut mettre toute l'industrie à mal. On l'a déjà vu en France sur certains grands médias comme la télévision...

Parle-t-on encore d'un marché national?
Philippe Belpaire:

Le digital et sa mesure - Belpaire_Philippe - pub2-2014

Bien entendu! Ce qui nous procure notre force, c'est d'ailleurs d'avoir toujours eu une couverture nationale de la cible. Garder cette couverture, c'est stratégique. Mais il va de soi qu'il y a deux marchés, nord et sud.

Vincent Delmotte: On voit de plus en plus de différenciation sur le contenu ou la création. Mais l'achat reste clairement national. D'où l'importance des partenariats qui aident souvent à pouvoir fournir une offre nationale, avec des packs qui ont des cibles plus précises.

Thierry Hugot: On pourrait imaginer que le contenu des pubs, même pour les médias nationaux, soient différents au nord et au sud, adapté aux sensibilités de chacun. On le fait bien pour le contenu de certains sites web. Toutefois, il ne faut pas non plus oublier le marché local, très important et dynamique. Nous faisons d'ailleurs plus d'argent en local qu'en national. Vlan chez nous, Pages d'Or, Immoweb, certaines radios,... Ce sont de véritables marchés locaux qui marchent très fort.

LE PARADOXE DIGITAL

Quelle place prend le digital dans votre stratégie? Dans vos revenus?
François Goddet: Nous avons mesuré chez Zenithoptimedia qu'entre 2005 et 2013, la contribution de l'ensemble des canaux digitaux à l'efficacité d'une campagne est passée de 8 à 20-22%. Et si aujourd'hui on est plus dans une logique d'utilisation de ces canaux, dans le futur l'ensemble des grands médias vont devenir eux-mêmes digitaux. Cela dit, il ne faut surtout pas opposer grands médias classiques et canaux digitaux; les deux sont complémentaires, et c'est dans l'intégration de ces leviers on et off qu'on arrive à un résultat efficace. En outre, la presse a été le premier grand média à se digitaliser et a une longueur d'avance par rapport au reste.
Thierry Hugot: "Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut faire du 'content', parler à ses clients. Et sur le web, ils cherchent à acheter du volume le moins cher possible."
Vincent Delmotte: Les agences média confirment puisqu'elles nous disent qu'en termes d'investissement, 20 à 25% est réalisé avec le digital. Ce qui ne veut pas dire qu'on récupère forcément cette part, puisque de nouveaux acteurs – internationaux – se servent.

Thierry Hugot : Sur un titre comme Le Soir, au niveau publicitaire, internet représente 30% du chiffre d'affaires – contre 5% il y a 5 ans. Le site du Soir est rentable depuis deux ans, mais il a perdu de l'argent pendant dix ans. Il faut se rendre compte que les investissements dans l'internet pour un groupe comme le nôtre représentent aujourd'hui autant d'argent que l'achat de rotatives! On nous dit toujours que, grâce au net, nous pouvons réduire nos coûts et vendre donc notre contenu moins cher. Or, cela nous coûte tout autant. Et c'est infini! Il y a toujours des nouveautés qui arrivent, il faut s'adapter au mobile, aux divers systèmes d'exploitation, avec des normes qui changent tout le temps,... Les investissements sont permanents.

Denis Masquelier: Le digital fait partie des top-priorités du groupe RTL parce que le monde se digitalise, le média se digitalise, notre métier se digitalise,... Le digital transforme tellement tout, qu'on ne fait plus de clivage entre le digital et notre ancien métier; on évolue avec lui. En termes de revenus purs digitaux, nous sommes encore chez nous dans des phases d'apprentissage. Les revenus sont encore anecdotiques mais on investit pour accompagner le consommateur là où il se trouve.

LE CIM NE SERT STRICTEMENT A RIEN. Vincent Delmotte

Philippe Belpaire: Même si chez nous le papier reste, et de loin, le média avec la plus grande audience, le digital est devenu incontournable. A un point tel que toutes nos marques médias sont devenues des marques cross-media, elles ont leur site, leurs applications. Le digital est devenu tout-à-fait capital dans la vente de nos marques qui sont maintenant multi-plateformes et vendues en tant que telles. Si un annonceur est présent dans un des titres Roularta papier, on le reprend automatiquement sur les versions tablettes. Il ne paiera un supplément que s'il enrichit son annonce avec de vidéo, du son, de l'interactivité, etc. Si on compare avec le chiffre d'affaires papier en recettes publicitaires, le digital représente plus ou moins 12%....

C'est aberrant: toute la planète consomme vos médias sur internet, mais le revenu majoritaire reste dans le média classique!
Philippe Belpaire: Via le mobile par exemple, on atteint des audiences énormes. En revanche, notre chiffre d'affaires mobile, c'est peanuts!

François Goddet: "C'est de la responsabilité des agences média d'accompagner les annonceurs dans l'apprentissage. Les marques médias, elles, devraient s'entendre sur des repères, des KPI's,..."
Thierry Hugot: On a investit énormément et plutôt tôt. Le problème, c'était que le marché publicitaire n'était pas au rendez-vous! Actuellement, internet devient d'autant plus stratégique qu'il est mobile et prend dès lors la même configuration qu'un journal papier qui se lit dans le train, chez soi, etc. Voilà pourquoi ça devient fort intéressant pour nous, parce qu'on obtient un support proche du support d'origine, avec un contenu transportable et accessible à tout moment. Ce qui rencontre l'intérêt des annonceurs.

Denis Masquelier: Mais il y a encore un énorme défi technique: celui de la mesure. On vit sans chiffres internet, et il y aura sans doute un an entre ce qu'on aurait dû avoir et ce qu'on aura peut-être. Puis il y a aussi le défi de l'éducation, une phase d'apprentissage qui vaut tant pour les médias, que pour les vendeurs d'espaces média, les agences et les annonceurs. On est donc à un moment où il n'est pas facile de séduire un annonceur, de lui dire « viens faire quelques tests avec nous sur le second écran » parce qu'on a pas, comme en télévision, en radio ou en presse, des chiffres qui le rassurent. Heureusement, il y a quelques annonceurs et agences média un peu offensifs qui décident d'écrire une page de l'histoire avec nous.

François Goddet: C'est de la responsabilité des agences média d'accompagner les annonceurs sur des courbes d'apprentissage, faire des test & learn, etc. Et puis, il faudrait que les marques médias arrivent à s'entendre sur des repères, des KPI's,... Parce qu'elles ont quand même en face d'elles des grands players « nouvelles techno » pour qui la mesure c'est intrinsèque, c'est ce qu'ils vendent.

Thierry Hugot: La mesure on en a, via nos serveurs, via Google Analytics et tout ça. Ce qu'il nous manque, c'est la mesure officialisée CIM. Google n'en a que faire du CIM alors que nous, nous essayons de labelliser nos mesures, les crédibiliser, les organiser, etc. Les centres médias nous demandent de mesurer par le site pour avoir un outil commun. Mais c'est long à faire, hyper complexe, coûteux,... On pourrait donc se demander si l'on doit encore faire ce type d'études alors qu'avec Google Anlaytics, on est capable de tout sortir.

LE FUTUR, AVEC OU SANS CIM

Le CIM serait donc inutile?
Vincent Delmotte: Pour le digital, selon moi, le CIM ne sert strictement à rien! Depuis plus d'un an, on n'est sans étude et ce n'est pas pour cela qu'on a moins vendu. Les agences média ou les annonceurs n'ont pas non plus acheté moins de produits Facebook ou Google alors qu'ils ne sont pas « CIMés ». Quand on vend une campagne, on mesure cette campagne, l'agence ou l'annonceur la mesurent également de leur côté... Et après on corrobore nos chiffres pour vérifier si ça tient la route. A quoi sert le CIM, si ce n'est que donner une garantie?

Denis Masquelier: Pour des médias qui, comme les nôtres, s'exportent sur d'autres plateformes, il est primordial qu'on puisse comptabiliser ce qui se fait sur l'une et l'autre plateforme, qu'on obtienne une façon de les raccrocher l'un à l'autre. C'est cela que nous attendons du CIM: faire coller une audimétrie classique avec la consommation de contenu sur un support mobile ou digital. Le CIM doit apporter des croisements entre les médias.

Thierry Hugot: Nous sommes entièrement capables de mesurer nous-mêmes le trafic, c'est très facile. Par contre, il est plus difficile de mesurer des profils en dehors des études d'audience. Et c'est essentiellement ce que nous demandons à la nouvelle étude du CIM.

Vincent Delmotte: Je pense que sur le profilage, c'est un faux problème parce que le comportement des internautes est tracké par nous et par les agences média. On peut déjà définir des modèles, développer des bases de données de cookies et vendre ces cookies aux annonceurs.

Thierry Hugot: Toutes ces choses bougent très rapidement. Le CIM – comme nous d'ailleurs – a besoin de s'adapter, a besoin d'être plus réactif, d'aller aussi vite que nos stratégies. Le marché a déjà nettement été pénalisé par le manque de mesures.

L'AUTOMATISATION NIE L'EFFET DE LA MARQUE. Denis Masquelier

Comment voyez-vous 2014?
François Goddet: Nos prévisions sont plutôt bonnes, notamment pour la Vieille Europe. Bien sûr, on aura pas des niveaux de croissance comme on en a connu il y a dix ans, mais il nous semble que ça ne va pas trop mal se passer. Le moral semble reprendre un peu de couleurs. Sauf catastrophe imprévisible, on reste confiants.

Vincent Delmotte: Honnêtement, nous nous attendons à une croissance de 15 à 17%, mais parce qu'on attend pas de regarder le marché de base décroître; on vient avec de nouveaux produits.

Thierry Hugot: Je suis prudent-confiant. Je ne vois pas en quoi le marché en 2014 serait pire que 2013. 2013 a été relativement correcte pour nous; je pense que 2014 sera du même tonneau.

Philippe Belpaire: Je reste prudent, tout comme les annonceurs à en croire le « start » de cette année. En revanche, je pense que 2014 sera une année-clé pour le mobile.

Denis Masquelier: On est dans une forme de confiance, de sérénité. 2013 a été assez compliquée, avait mal démarré, ce qui nous a permis de nous challenger pas mal, de nous réorganiser, de se préparer à des périodes plus difficile. Le démarrage 2014 semble correct et je sens chez les annonceurs une volonté de bouger, d'oser, d'avancer,... On est plus dans le repli de l'année dernière.

Le digital et sa mesure défient les régies

Sous le regard « neutre » de François Goddet, CEO de ZenithOptimedia, PUB a rassemblé quatre hommes de régies: Philippe Belpaire, General Manager de Roularta Media, Vincent Delmotte, Country General Manager de Hi-Media Belgium, Thierry Hugot, directeur commercial et marketing du groupe Rossel, et Denis Masquelier, directeur général d'IP Belgique. Tantôt concurrents tantôt partenaires, ils soulignent la force de la marque média, questionnent les Ad Exchange, misent sur le digital mais mettent en avant le défi que constitue la mesure de ce dernier.