Le guerilla marketing a-t-il déjà grillé toutes ses cartouches ?

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TNT "Push to add drama"


Buzz, viral, ambush, stealth, grassroots… Les différentes tactiques du marketing guérilla ont longtemps été utilisées pour taper dans l’œil d’un public cible avec un budget publicitaire réduit compensé par des idées très créatives. Le drapeau de Che Guevara mène-t-il encore la charge ?
« Le guerilla marketing est un terme que l’on n’entend plus lorsque l’on parle de campagnes créatives, » annonce Kristof Janssens, head of strategy chez LDV United. « C’était une technique de marketing qu’il était de bon ton d’avoir par le passé. Dans les présentations, on l’érigeait en exemple absolu de la créativité et d’une façon non conventionnelle et atypique de diffuser un message. Aujourd’hui, l’utilisation intelligente des médias est beaucoup plus importante pour atterrir dans le radar des gens et attirer rapidement l’attention. Nous travaillons désormais de façon très différente. Grâce aux nouvelles technologies, la portée de la communication de tout un chacun s’est multipliée de façon exponentielle. Si vous les maniez avec agilité, vous pouvez activer les réseaux pour transmettre le message. »

La réponse de Benetiet

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Benetiet.be


En juin de cette année, ZEB a monté un coup publicitaire. La chaîne d’habillement avait alors lancé un concours, pendant la période pré-soldes, dont le prix était un chèque de 5.000 euros de chirurgie esthétique. Kristof Janssens explique : « Le jour du lancement de cette campagne, nous étions en plein brainstorming pour Benetiet, une asbl qui soutient les femmes qui ont subi une ablation mammaire et qui souhaitent recourir à une reconstruction mammaire avec leurs propres tissus, mais qui ne disposent pas des moyens financiers nécessaires. Une telle reconstruction coûte en moyenne 2600 euros pour un sein et 4000 pour les deux. L’INAMI ne rembourse pas cette opération car elle est considérée comme esthétique. LVD United a alors eu l’idée de détourner l’action controversée de ZEB, qui avait immédiatement été épinglée par les médias, en réagissant par une lettre ouverte de la fondatrice de Benetiet au CEO de ZEB. Dans son plaidoyer, elle lui demandait d’offrir les 5.000 euros à l’asbl. Ce message a été relayé tout aussi rapidement par la presse que le concours de ZEB. Nous avons réussi ce coup en maniant les médias de façon rapide et intelligente. Benetiet est une petite organisation qui n’a pas de poids médiatique. Bien sûr, les femmes qui espèrent une reconstruction mammaire ont une histoire émotionnelle à raconter, mais on ne les montre pas. La campagne de ZEB était l’opportunité rêvée pour se faire connaître du public très rapidement. En surfant sur la vague de la controverse, nous avons pu renforcer notre message. Et pour moi, c’est tout autant du guerilla marketing que n’importe quelle autre action ludique dans la rue. »

24 heures

« Chaque jour, il y a bien un élément d’actualité suffisamment intéressant pour qu’on puisse le lier aux caractéristiques d’un produit ou à une mission, » poursuit Kristof Janssens. « Mais il faut pouvoir réagir à la vitesse de l’éclair et intelligemment. Vous avez maximum 24 heures pour en faire quelque chose, sinon le sujet n’est déjà plus d’actualité. Nous avions d’ailleurs écrit et envoyé la lettre ouverte à ZEB et à tous nos contacts médiatiques en un seul jour. En outre, nous avions copié le site zebwindtergeendoekjesom.be (‘ZEB n’y va pas par quatre chemins’) et créé son équivalent Benetiet, benetietwindtergeendoekjesom.be, qui a été largement partagé. »
Par cette action guérilla, LDV United poursuivait deux buts. Tout d’abord, dominer les médias deux jours pour atteindre le public et faire parler de Benetiet. Deuxièmement, mettre le remboursement de la chirurgie de reconstruction mammaire à l’ordre du jour politique. Conséquence : Maggie De Block a invité Yamina Krossa de Benetiet à formuler un projet de loi. Depuis, la Ministre surveille l’avancement du projet.

Relayer plus rapidement

« La réussite de Benetiet a été rendue possible en quelques heures et au moyen de quelques petits assets tels que le copywriting, la photographie et le webhosting. Avec peu de moyens, nous avions réussi à faire parler de nous dans l’actualité et à atteindre les objectifs, ce qui n’aurait probablement pas fonctionné aussi rapidement avec une campagne de grande ampleur. C’est un exemple qui illustre à merveille la façon dont nous envisageons le marketing de contenu chez LVD United. J’appelle cela du guerilla marketing, mais c’est un terme qui se fait de plus en plus rare. Je constate néanmoins que le contenu organique ou native est relayé plus rapidement que le contenu d’une campagne, » souligne Kristof Janssens.

Illégalité

Même son de cloche chez Duval Guillaume. Le managing director, Karel Vinck, explique : « Le guerilla marketing est né il y a quelques années de petites actions mises sur pied dans la rue pour attirer l’attention de la communauté publicitaire. L’affichage sauvage ou les graffitis en sont des exemples classiques. Nous ne parlons toutefois pas de guerilla marketing, mais d’activation campaign. Le terme ‘guérilla’ a une connotation d’illégalité et ce n’est pas du tout ce que recherchent nos clients. »

Coke Zero - "Unlock the 007 in you"

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En 2005, Duval Guillaume était le premier à poster des brand experiences sur internet. L’agence anversoise l’avait fait pour Zazoo Condoms avec un spot ‘Just say no. Use condoms.’ qui avait alors était partagé trois millions de fois, ce qui lui avait valu le titre de vidéo la plus partagée de l’année. D’autres films ont ensuite fait parler d’eux, comme ‘Carlsberg Bikers’, ‘Unlock the 007 in you. You have 70 seconds!’ et surtout ‘Push to add drama’ de Turner Network Television (TNT).

Le bouton rouge

« TNT est arrivé en avril 2012 sur le câble belge, en exclusivité sur Telenet Digital TV. Cette chaîne américaine diffuse en continu des films et des séries dramatiques. Pour promouvoir TNT de façon originale, nous nous sommes écartés de la publicité traditionnelle et nous avons décidé de secouer les gens. Au milieu de la place d’une ville inconnue, nous avons installé un bouton rouge avec comme instruction : ‘Push to add drama’. Quelqu’un a fini par appuyer sur le bouton et la place est devenue le théâtre d’une grande scène d’action : combats, échanges de tirs, gangsters, police, ambulanciers maladroits, joueurs de rugbys qui évacuaient les blessés, une femme en bikini sur une moto… Et à la fin du spectacle, un grand drap rouge s’est déroulé sur une façade avec pour message : ‘Your daily dose of drama. From 10/4 on Telenet.’ Le film de la scène dure une minute et demie et est devenu immédiatement viral, il a été partagé plus d’un million de fois en un jour. Tout le monde en parlait ! Grâce à ce succès fulgurant, le spot a même été montré plusieurs fois dans l’actualité. La campagne a ensuite été récompensée d’un Lion d’Or au festival de Cannes de la publicité, » se souvient Karel Vincke.

Free publicity

Le public cible visé par Duval Guillaume avec ce spot publicitaire était la presse. TNT était alors lancé pour la première fois en Europe et la Belgique faisait fonction de pays test. La vidéo était un pur coup de PR pour générer un maximum de free publicity. « Si tout le monde a vu et adoré la campagne, la presse en parle, » continue Karel Vinck. Nous voulions que le nom de la marque reste dans la mémoire des gens. Nous avions d’abord fait des annonces sur Twitter et puis nous avions partagé le spot sur Facebook. Avec des moyens de communication classiques, TNT n’aurait jamais eu la force de VTM ou Eén. Nous devions donc déployer d’autres moyens. »
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La campagne TNT avait donc largement rempli ses objectifs, mais un an plus tard, la chaîne quittait notre pays : « La Belgique ne leur donnait pas suffisamment de débouchés pour construire un marché rentable. Le Belge dispose déjà d’une bonne centaine de chaînes gratuites, pourquoi devrait-il débourser quoi que ce soit ? Il y a une grande différence entre le succès d’une campagne de lancement d’une chaîne et le succès commercial et la rentabilité du produit à long terme. En d’autres termes, ce n’est pas parce que le lancement est réussi et que tout le monde l’a vu que votre produit sera forcément bien implanté sur le marché un an plus tard, » conclut Karel Vinck.

L’highlander viril

La marque William Lawson's, quant à elle, a préféré descendre dans la rue avec des actions guérilla. Le Highlander Happening de fin septembre à début octobre était l’une d’entre elles. « Nous nous sommes concentrés sur les étudiants d’Anvers, Gand, Liège, Louvain et Bruxelles, » explique Charlotte Massa, media account manager chez OMD. « L’image de la marque de whisky et ses highlanders est très liée au style de vie des étudiants. Nous voulions conquérir ces cinq villes de façon ludique. Pour cette campagne nous avons fait appel au native advertising, Twitter, Facebook et des vidéos classiques, ce qui a donc donné une combinaison de publicité en ligne et hors ligne. Pour les highlanders en carton, nous avons fait appel à Rapid Affichage, connu pour son approche guérilla. Dans les gares des différentes villes, nous avons placé des panneaux en carton de six mètres de haut pour accueillir les étudiants qui revenaient le dimanche soir. Dans le centre des villes, nous avons placé environ deux cents panneaux de deux mètres de haut pour annoncer le happening. On en voyait vraiment partout. Nous partions du principe que les étudiants allaient faire des selfies avec le highlander et les partager sur les réseaux sociaux et qu’ils reprendraient les panneaux pour décorer leur kot. Comme ça, pas besoin de reprendre les panneaux et la marque resterait bien présente auprès du public cible. »

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William Lawson's - "Highlander Happening"

Join the clan

OMD a placé un stand pour activer les étudiants. Le stand était sur une place dans la ville et des highlanders y distribuaient des morceaux de jambon grillé avec une sauce au whisky aux participants. Ceux qui voulaient prouver qu’ils étaient des durs à cuir troquaient leur pantalon pour un kilt. Ensuite, chaque highlander s’est rendu dans un café participant avec son clan, où un autre défi les attendait. Les vainqueurs pouvaient épingler leurs sous-vêtements sur un tableau à boxers pour rejoindre #jointheclan. En échange d’un kilt, évidemment.
« Grâce à cette approche créative, nous avons pu communiquer avec notre public cible de façon inhabituelle, » ajoute Charlotte Massa. « Notre but ? Nous faire une place dans la vie nocturne des étudiants ! Ils ont participé massivement et ont adoré cette action guérilla. Nous avons dû même commander davantage de kilts. Pour le moment nous travaillons à l’aftermovie et bientôt nous mènerons la même action aux Pays-Bas. »