Le sport est un véritable business, mais le monde de l'entreprise belge reste une lanterne rouge. De plus, les professionnels du marketing sportif suivent les tendances du marketing traditionnel, qu'ils appliquent même souvent avec un peu de retard. Heureusement, une poignée d'experts pleins de convictions sortent des sentiers battus pour lancer le mouvement tant attendu qui rattrapera le temps perdu. - Jeroen Verschakelen
Jos Verschueren (VUB) : « Aujourd'hui, le city marketing et le marketing régional jouent un rôle de plus en plus important. »
« Il y a quinze à vingt ans, le marketing sportif belge en était à ses balbutiements, » affirme Jos Verschueren, fondateur de l'International Football Business Institute à la Vrije Universiteit Brussel et soutien de la formation de troisième cycle en management sportif. « Aujourd'hui encore, on continue de voir des annonceurs traditionnels qui ne comprennent pas que nous évoluons déjà vers la version 2.0 ou même 3.0 du marketing sportif. Si vous vous lancez dans un partenariat et si vous pensez ensuite pouvoir vous reposer dessus, oubliez dès maintenant. En tant qu'entreprise, il faut oser mettre le paquet afin que'n plus un fasse trois. »
« Vous ne pouvez pas signer un contrat de parrainage et ensuite vous reposer dessus » – Jos Verschueren
Dylan Van Nieuwenhove et Yana Giovanis, des collègues de la VUB, estiment également que le parrainage doit être un engagement sur le long terme : « Si votre budget marketing est déjà écoulé après que le contrat est signé, mieux vaut ne pas s'engager dans une telle histoire : actuellement, il est surtout important d'ensuite activer la marque et de construire une communauté. Un bel exemple : sur la plate-forme Strava, les marques telles que le fabricant britannique de vêtements Le Col peuvent inciter au sport, par exemple en proposant une réduction à partir d'un certain nombre de kilomètres parcourus. »
Objectifs clairs
Andy Hancock (Golazo Consulting) : « En Belgique, le marché des parrainages continue de se développer avec constance de trois à quatre pour cent par an. »
Andy Hancock, senior consultant chez Golazo Consulting, n'est pas tout à fait d'accord. « Tout dépend plus des objectifs que se fixe une entreprise, » précise-t-il. « Parfois, les contrats de parrainage ne se rapportent pas uniquement à la marque, mais constituent également une sorte d'accord commercial : en Formule 1, les constructeurs soutiennent une certaine équipe car ils veulent que leur technologie soit utilisée. D'autres entreprises essaient simplement d'améliorer la visibilité de leur marque, ce qui est bien sûr aussi un objectif possible. »
« Dans le cadre du parrainage d'une marque dans le sens strict du terme, l'activation peut effectivement s'étendre sur plusieurs années : BNP Paribas, avec “We are tennis”, s'est impliquée dans le financement du stade Roland-Garros. » Certes, de tels accords sont encore un rêve lointain pour le secteur du sport belge, mais M. Hancock est convaincu que les possibilités existent aussi dans notre pays : « Le contrat de parrainage moyen s'étend sur une durée de trois ans, souvent avec des clauses de sortie après un an. Par ailleurs, vous pouvez conclure des accords pour des montants allant de 5 000 à 5 millions d'euros. Ainsi, le hockey belge reste encore relativement abordable pour les annonceurs. En Belgique, le marché des parrainages continue de se développer avec constance de trois à quatre pour cent par an. »La Flandre à vélo
« Le Brussels Universities Cyclocross aura une suite en 2020 » – Christophe Impens
« Aujourd'hui, le city marketing et le marketing régional jouent un rôle de plus en plus important, » poursuit M. Verschueren. « Les villes se font une concurrence féroce pour pouvoir organiser le départ de courses cyclistes. Regardez ce qui se passe à Yorkshire, où se tiennent cette année les championnats du monde, dans le cadre desquels la région cherche à promouvoir le tourisme. Ici à Bruxelles, toute une campagne a aussi été menée autour du départ du Tour de France. »
Christophe Impens, ancien athlète actuellement managing director de Golazo Sports, affirme que ce type d'événements peut avoir un effet d'attraction : « En 2021, la Flandre sera le théâtre des championnats du monde de cyclisme sur route, et je suis coprésident du projet. Dans ce contexte, nous souhaitons non seulement miser sur le tourisme dans les villes d'art (les championnats passeront par Avers, Bruges, Louvain et Malines), mais aussi promouvoir le vélo en tant que moyen de transport. De cette façon, nous souhaitons préparer l'opinion publique à faire des efforts en faveur d'une meilleure infrastructure. »
Golazo a en outre mis sur pied, en collaboration avec la VUB et l'Université Libre de Bruxelles, le Brussels Universities Cyclocross, le tout premier tour en tout-terrain jamais organisé sur le territoire du la Région Bruxelles-Capitale. « Un événement unique qui vise à rassembler deux communautés linguistiques », annonce fièrement M. Impens. « Le championnat a par ailleurs une suite : le conseil d'administration de la VUB vient d'accepter la proposition d'organiser une deuxième édition le dimanche 5 janvier 2020. »
Retard pour le peloton de tête
« Tout commence par la définition d'objectifs clairs » – Andy Hancock
Pourtant, il reste du pain sur la planche, estime Wim Mathues, de l'agence de marketing et de communication MCMC et Coca-Cola European Partners : « Il est souvent difficile de prouver les retours sur investissement du marketing sportif. La plupart des demandes que nous recevons chez MCMC dans le domaine des enquêtes sur le marketing et les parrainages sportifs se rapportent souvent à la fréquence à laquelle une marque spécifique est apparue à l'écran pendant un championnat. On y applique ensuite une certaine valeur médiatique ou de parrainage, mais idéalement, il faudrait analyser, à l'aide d'une approche à 360 degrés, si le consommateur a véritablement vu la marque, et quelle est l'influence sur son comportement. Ensuite, une étude de marché aussi bien qualitative que quantitative peut apporter une valeur ajoutée, ce qui demande bien sûr du temps, et coûte donc de l'argent. »
Pourtant, les avantages du marketing sportif sont très nombreux, même dans le domaine du cyclisme : « Vous pouvez difficilement nommer une équipe de cyclistes sans faire référence à une ou plusieurs marques. Regardez Quick-step : ils sont impliqués dans la course depuis des années, et n'activent pas seulement leur marque dans le contexte des événements cyclistes, mais aussi en-dehors. Ils transposent ce récit à tout leur marketing. »
Passion
Christophe Impens (Golazo Sports) : « Nous voulons rendre l'expérience plus vivante, que ce soit pour les spectateurs ou les touristes sportifs. »
« Le football est le théâtre de rivalités intenses, et certains risques y sont par conséquent liés. En Écosse, les sponsors des T-shirts du Celtic Glasgow concluent par exemple invariablement un partenariat avec les habitants supporters des Rangers pour éviter qu'une partie du public ne se retourne contre eux. Mais avec une course, le problème se pose beaucoup moins : les gens ne sont pas réellement “contre” une certaine équipe. Dans le même temps, le cyclisme fait vraiment partie de l'ADN des Belges, de sorte que le marketing sportif renferme un véritable potentiel dans ce domaine. Je ne veux certainement pas dire que les parrainages du cyclisme sont plus intéressants que la publicité dans un contexte de football, » souligne M. Mathues.
« Le sport, c'est de l'émotion, » confirme M. Impens. « Chez Golazo, notre slogan d'origine était “elevating passion”, ou élever la passion, et nous essayons de mettre en pratique ce mantra, aussi dans le contexte des courses cyclistes. Nous voulons placer le spectateur au centre de l'action par le biais d'images de course traditionnelles complétées par exemple par des vidéos des leaders des équipes dans leur voiture de cortège. De cette façon, les larmes de joie coulent pour ainsi dire sur votre écran. En outre, nous organisons toutes sortes d'événements pour les touristes sportifs, comme le Gent-Wevelgem Cyclo. Si vous parcourez vous-mêmes d'abord le trajet de la course, vous allez vivre encore plus intensément la compétition le jour suivant. »
Marge de progression
« Idéalement, il faudrait analyser l'impact à l'aide d'une approche à 360 degrés » – Wim Mathues
Grâce à l'émotion, le sport renferme encore un grand potentiel pour un marketing plus cognitif, mais de manière plus générale, Christophe Impens entrevoit encore d'autres possibilités : « Dans le domaine du marketing, il ne se passe pour l'instant pas grand-chose en lien avec les vélos électriques, même si l'Union cycliste internationale UCI est en train de réfléchir à des événements tournant autour du vélo électrique. Ce secteur est donc lui aussi porteur d'avenir ! »