Le sondage, un moment M à un instant T

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Quelle est la pertinence des sondages politiques ? Dans quelle mesure prédisent-ils le comportement électoral et déterminent-ils l'image des partis et des hommes politiques ? Questions pour les sondeurs et les analystes. - Erik Verdonck

Il apparaît que les sondages sur les intentions de vote sont souvent la cible de critiques. "Les sondages sont souvent perçus sous un mauvais jour," déclare Gerd Callewaert, country manager Ipsos Belgique. Les cas les plus connus où les sondeurs ont raté le coche sont la victoire de Trump en 2016 et le Brexit. Lors de la dernière élection aux États-Unis, des instituts de sondage de qualité tels qu'Ipsos avaient prédit que Biden l'emporterait de justesse. "Si nous examinons la qualité des sondages sur une plus longue période, elle s'avère plutôt bonne. Mais la tolérance d'erreur est nulle. De plus, on ne trouve guère les nuances, les commentaires des sondeurs, dans les médias. Le sondage et le sondeur en question sont alors en réalité les victimes de l'utilisation abusive des sondages par les médias. Bien sûr, il y a des défaillances occasionnelles. Dans tous les cas, Ipsos indique toujours comment les résultats doivent être interprétés."

Jean-Michel Lebrun, responsable des sondages politiques chez Ipsos, a plus de 10 ans d'expérience dans le domaine spécifique des sondages d'intentions de vote. Il réalise le fameux grand sondage commandé par VTM, Het Laatste Nieuws, RTL et Le Soir. Les médias veulent surtout savoir pour qui vous voteriez aujourd'hui. Ils replacent ensuite les résultats dans le contexte actuel : la crise du corona, la taxe sur le CO2 ou toute autre question importante. Ils les mesurent ensuite et leur donnent un contexte et une signification. "C'est une information supplémentaire dans leur collecte d'informations," explique Jean-Michel Lebrun. L'impact sur la perception du public est très limité. Le sondage se mesure à un moment X. Les résultats des élections ne seront jamais identiques à 100% car il y a toujours des électeurs indécis qui font leur choix à la dernière minute. Il est très difficile d'estimer les effets d'un sondage. "Les sondages ont un impact sur les partis politiques," ajoute Gerd Callewaert. "Si les résultats sont décevants, alors c'est 'juste un sondage'. S'ils obtiennent de bons résultats, alors ils osent l'utiliser."

Pop-pol

Les sondages des médias portent souvent sur la popularité des hommes politiques. Vous remarquez que les noms les plus connus et ceux qui sont au pouvoir sont les plus forts. Sont-ils pertinents ? Cela dépend de ce que vous étudiez et du contexte dans lequel vous le faites. "Si vous voulez vraiment savoir comment les gens considèrent la politique, il s'agit de savoir comment ils voient la société idéale et dans quelle mesure leurs dirigeants se conforment à cette image," souligne Jan Callebaut, directeur partenaire de Callebaut Collective. "Cela nécessite une approche très segmentée. Le talon d'Achille de toute recherche est le travail de terrain, car il coûte de l'argent. Quelle est la représentativité de votre échantillon ? Nous vivons dans un pays complexe avec une population très segmentée (migrants, métropolitains...) et il faut beaucoup de connaissances et de compétences statistiques pour dresser un tableau fiable de l'image des hommes politiques et des partis. Cela pourrait être une tâche permanente pour un institut de recherche politique indépendant qui suit tous les partis - comparable au CIM - mais malheureusement cela fait défaut. Les universités font du bon travail, mais elles manquent trop souvent de ressources pour un travail de terrain efficace."

Iconique

Les sondages politiques sont un indicateur des tendances du comportement électoral, influençant la perception des électeurs et des journalistes. "Si les partis sortent vainqueurs, cela crée un 'band wagon effect' où les gens ont tendance à choisir le vainqueur - les masses - et cela peut donc influencer le comportement électoral," explique Sara Vercauteren, managing director de Bepublic Group. "Mais les journalistes sont également influencés par cela. Ils sont souvent plus critiques envers les partis qui ne sont pas aussi performants dans les sondages, créant ainsi une self fulfilling prophecy. Les partis politiques peuvent difficilement s'armer contre ça. Si vous obtenez un score trop positif dans les sondages, cela peut également jouer en votre défaveur. Par exemple, les Ecolos sont sortis très forts des sondages précédents et ont amélioré leur score lors des élections, mais de manière moins spectaculaire que prévu. Dans ce cas, vous obtenez l'image d'un perdant, même si vous avez gagné et que vous pouvez parler d'une victoire-défaite."

Si le vote devient une option

Maintenant que le vote obligatoire est aboli pour les élections locales (en Flandre), les partis devront se concentrer encore plus sur les questions qu'ils revendiquent. C'est la tâche du gouvernement de faire prendre conscience aux gens de la valeur ajoutée de leur vote dans une démocratie. Dans la plupart des pays où Ipsos réalise des sondages, le vote obligatoire ne s'applique pas. Vous devez en tenir compte dans votre sondage. Vous demandez si la personne interrogée va voter ou non, mais vote-t-elle réellement ou non ? Le taux de participation et le profil des électeurs peuvent avoir un impact important. Vous supposez un certain taux de participation, mais si ce pronostic est erroné, cela peut affecter la différence entre le sondage et le résultat de l'élection. Il s'agit d'une complexité pour le sondeur, mais pas d'une complexité sans précédent. "Il faut motiver ses propres partisans à voter," note Jean-Michel Lebrun. "Par exemple, Trump a réussi à motiver ses partisans en 2016 et Clinton beaucoup moins. C'est un défi majeur pour les militants lorsqu'il n'y a pas de vote obligatoire." La suppression du vote obligatoire pour les prochaines élections locales en Flandre présente une toute nouvelle situation. "Maintenant, les partis vont devoir motiver les gens à voter," estime Jan Callebaut. "Une partie de la population ne votera pas. Combien de personnes cela représente-t-il ? Qui sont ces gens ? Où sont-ils ? Ce sera un défi de cartographier correctement les non-votants." Les sondages politiques peuvent déjà donner une indication du comportement électoral attendu. Au sein des partis, les gens regardent les sondages avec méfiance. Ils déterminent le niveau d'énergie du parti et des militants. Le vote obligatoire étant supprimé, les militants devront également motiver les non-votants à voter.