Le succès en culottes courtes

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En dépit de son succès, Hans Bourlon est resté un gamin de douze ans: ouvert, curieux, optimiste et entrepreneur. Mais ce n’est pas un hasard. Sa société, Studio 100, vit  grâce aux enfants… C’est l’enfant qui sommeille en Hans Bourlon qui a fait grandir cette major belge.

 

Studio 100 s’est en effet mué en une multinationale, et pourtant, l’entreprise travaille toujours comme une PME: elle est vaste et aussi souple. Mais surtout, le patron est impliqué et vit de toute évidence au cœur de l’événement.

DE LOCAL À GLOBAL

Quels sont vos projets en préparation?
Actuellement, nous travaillons sur six séries d'animation dans nos filiales de Paris et de Sydney. Dans notre parc à La Panne, nous sommes en train de construire un parc aquatique de seize millions d’euros sur le thème de Wicky Le Viking. Et nous avons loué le « Nekkerhal » à Malines durant une année pour le spectacle « 14-18 », dont la première est planifiée le 20 avril. Ce spectacle grandiose retrace la première guerre mondiale au travers du regard de cinq jeunes. Nous avons d’ores et déjà écoulé 80 000 billets d’entrée. Avec « 14-18 », nous avons, de toute évidence, touché la corde sensible. Nous avons pris un risque énorme: nous avons investi neuf millions d’euros. Mais l’opération ne représente pas un investissement pur et simple; elle nous permet aussi de donner aux collaborateurs et artistes de nos séries une opportunité supplémentaire.

En quoi votre entreprise se distingue-t-elle?
Dans ma jeunesse, le cirque était le plus grand événement existant dans les villages. Ensuite, la télévision nous a fait connaître Nonkel Bob. Il a visité notre village avec le théâtre de marionnettes qu’il avait lui-même créé et interprétait Jan Klaassen en Katrijn avec ses deux mains. Ce que nous faisons aujourd’hui aurait été digne de Nonkel Bob. Nous créons des séries télévisées, concevons les musiques, et en faisons des spectacles. Et tous les registres sont abordés. Nous produisons des films – nous en sommes à 26 déjà – mais aussi des produits dérivés, comme des livres. Nous traçons donc un cercle multimédia de 360°C. Mais ce n’est rien de bien moderne… Tout cela était déjà possible il y a dix ans!

À la différence près que vous occupez aujourd’hui 1 000 équivalents temps plein au sein du groupe.
Nous avons déplacé nos drapeaux et avons mobilisé nos talents locaux. La Flandre est aujourd’hui riche d’événements. Voyez le Sportpaleis, Tommorrowland et Rock Wechter! De nos jours, dans ce créneau, notre pays figure dans le top du classement mondial! En ce qui nous concerne, nous exploitons notre talent local: le divertissement pour enfants.

Notamment dans vos parcs d’attraction.Oserais-je vous baptiser le « Monsieur Disney flamand »?
Ce que nous avons d’unique, c’est que nous pouvons exploiter nos atouts dans nos parcs. Rares sont les entreprises qui, comme nous, développent du contenu local avec un cercle d'implications très large et peuvent ensuite intégrer le tout dans des parcs à thème. Les entreprises comme Disney procèdent de la sorte à l’échelle internationale. Mais je ne pourrais citer aucun exemple semblable en Europe… Depuis 2007, nous produisons également du contenu international. Il s’agit principalement de dessins animés. À l’échelle mondiale, les dessins animés représentent 90 % de tout le contenu pour enfants.

DU PASSÉ, DU PRÉSENT ET DE L’AVENIR…

Quelles sont les principales modifications observées sur le marché télévisuel local?
En ce qui concerne la télévision pour enfants en Flandre, on a connu un fragmentation importante ces dernières années. Suite à la modification du décret publicitaire sous le ministre Geert Bourgeois, un nombre incroyable de chaînes pour enfants sont nées. Auparavant, suite au virage à 180 degrés de VT4, qui avait décidé de ne plus diffuser de programmes pour enfants, il ne restait plus que Ketnet. Aujourd’hui, les petits Flamands ont le choix entre huit ou neuf chaînes, en fonction de leur abonnement télé.

Dans quelle mesure vos tout-jeunes spectateurs ont-ils changé leur consommation de médias?
Dans le domaine de la télé, les enfants peuvent aujourd’hui visionner leurs divertissements où et quand ils le souhaitent. C’est un avantage énorme pour eux! Sur Youtube, un épisode de Bumba atteint facilement onze millions de vues! Pour le visionnement linéaire tôt le matin à la télé, le nombre de spectateurs est proportionnellement insignifiant. Cela en dit long sur le comportement média des enfants aujourd’hui.

Et comment votre public a-t-il évolué de manière générale?
Les enfants deviennent adultes plus vite qu’avant, tandis que les adultes veulent rester jeunes plus longtemps. De nos jours, la musique pour enfants est une musique pop mature. Mais ce sont surtout les nouveaux médias qui ont changé notre public. Depuis l’arrivée des iPad, notamment, les enfants adoptent une attitude totalement neuve face aux médias. Par exemple, il y trois ans, nous éditions quelque 150 livres par an. Aujourd’hui, plus que la moitié... Les apps pour enfants sont en effet une merveilleuse alternative aux livres. Un livre avec couverture cartonnée coûte dix euros, alors qu’une app ne coûte peut-être qu’un euro, voire rien du tout… Cela se ressent. On a ainsi perdu une grande valeur économique… L’économie du marché audio a glissé vers l’événementiel: les gens veulent partager des expériences lors des festivals, des spectacles, des concerts et chez nous, dans les parcs d’attraction également.

Vous êtes des observateurs privilégiés parce que votre public vous indique la voie à suivre pour demain.
Nous travaillons pour les enfants. Leur consommation de médias est la consommation de demain… Chez les petits, la visualisation linéaire est de moins en moins fréquente, a fortiori pour la fiction. Ils ont l’habitude de visionner leurs divertissements où et quand ils le souhaitent. Parallèlement, dans les villes, les classes sont composées de 70 %, voire davantage d’enfants qui ne sont pas d’origine flamande. À Bruxelles, l’on parle quelque 105 langues différentes. La diversité est énorme. La grande question est maintenant: comment atteindre un public aussi diversifié? Tous les entrepreneurs devraient y réfléchir. Comment peuvent-ils adapter leurs produits et services à la diversité? Car celle-ci ne va faire qu’augmenter à l’avenir…

MARQUES ET VALEURS

Dans quelle mesure les marques sont-elles importantes pour vous?
Notre acquisition d’EM Entertainement repose sur les marques. Sur le marché morcelé d’aujourd’hui, la valeur nostalgique des marques est très importante. Des centaines de millions de personnes ont grandi avec les personnages d’EM Entertainement. Nous avons donné une nouvelle vie à Maya, Wicky, Fifi Brindacier, Black Beauty et bien d’autres sur la base de leur valeur nostalgique. Les chaînes veulent aussi acheter une histoire parce qu’elles communiquent mieux sur la base d’émotions. Pour les parents, l’évocation de leur enfance suscite une émotion. Il est par exemple toujours agréable d’écouter de la musique pop de sa jeunesse avec ses enfants. Et les programmes pour enfants n’y échappent pas…

 

Dans quelle mesure la créativité et l’innovation sont-ils importants?
Grandir par le biais de rachats est une chose. Il faut alors créer des synergies et donner du sens aux reprises. Mais créer de la valeur au départ d’une feuille blanche demeure ce qu’il y a de plus beau pour un entrepreneur. D’autre part, ce que nous avons fait de l’ancien parc Méli est pour nous une magnifique réussite. À l’époque, le parc familial en bord de mer était en difficultés et avait peu de perspectives. Quand nous l’avons racheté, le parc ne recevait plus que 300 000 visiteurs par an. Aujourd’hui, les parcs Plopsa accueillent quelque 2,7 millions de visiteurs. Nous ne devons pas uniquement notre succès aux dizaines de millions d’euros investis, mais surtout aux personnages que nous y avons introduits et à un excellent management. Tous ces apports ont donné un nouveau souffle au parc et lui ont restitué de l’attrait et de la modernité. C’est naturellement très chouette.

Comment faites-vous grandir vos marques?
Nous essayons toujours de toucher une corde sensible et de susciter de l’intérêt. Et nous n’avons pas recours à la publicité payante pour y parvenir. C’est le bouche à oreille qui fonctionne. Pourquoi avons-nous déjà écoulé plus de 80 000 billets d’entrée de « 14-18 »? Parce que nous avons touché un point sensible qui fait que le public ne veut pas manquer « 14-18 ». Mais encore faut-il donner l’impulsion. Nous avons appris que la publicité a ses limites. Nous le constatons très bien au niveau de nos spectacles. Nous pouvons en effet observer directement l’impact de nos spots sur nos ventes de tickets via Sherpa, par exemple. Ce qui fonctionne le mieux, ce sont les témoins crédibles qui vous disent ce que vous manquerez si vous n’y allez pas. Observez le phénomène dans votre propre entourage. Les personnes crédibles sont le vecteur le plus puissant de votre marketing. Et le phénomène peut être très rapide. Pour y parvenir, il faut rendre votre contenu unique...
Succes op kindermaat intro Hans Bourlon - pub2-2014
Photos: Luc Hilderson (Image4you)