Le sucre qui fait fondre

Le sucre qui fait fondre - intro beeld - pub9-2013

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Tout son business est fondé sur un seul produit. Un produit de grande consommation, ce qu’il y a de plus commun: le sucre. Un produit aussi fortement soumis aux caprices du commerce mondial. Et pourtant, voilà plus de 177 ans que la Raffinerie Tirlemontoise traverse les âges. Ses innovations lui ont permis de toujours faire la différence; lui manquait de l’émotionnel. Et à ce jeu-là, T-Man s’est révélé être un ambassadeur de choix.

Il y a d’abord le sucre de canne, arrivant par les ports de Bruges et d’Anvers dès le 14e siècle. Des raffineries fleurissent dans la région… mais aucune ne porte attention à la découverte d’Olivier de Serres : les betteraves sucrières contiennent un jus qui ressemblent à du sirop de sucre. Il faut attendre 1806 et le blocus continental qui stoppe les importations pour que d’autres options soient envisagées. En 1836, un homme du nom de Joseph Vandenberghe de Binckom introduit une demande de permis de construction d’une sucrerie à la ville de Tirlemont. Il participe alors à la production de sucre nationale, qui est alors de trois millions de kilogrammes par an. Au cours des années 1800, son usine est revendue et une raffinerie vient compléter le site. Plusieurs autres antennes sont successivement fondées… et finissent par se rassembler pour travailler sous un même label: la société anonyme Raffinerie Tirlemontoise.

T-MAN EST LE CHAÏNON QUI CRÉE LA RELATION. Jorrit Hermans
1902 marque un tournant dans l’évolution de l’entreprise, puisque c’est année-là que Théophile Adant invente une turbine qui permet de confectionner les Morceaux Durs, innovation de la marque qui devient son produit phare. Au fil du temps, la Raffinerie commence à valoriser ses produits secondaires. C’est ainsi que le sirop de sucre est utilisé pour réaliser de l’alcool industriel ou que le calcaire de l’usine rend les terres agricoles plus fertiles. Le groupe continue son expansion, intégrant d’autres sucreries du pays et se modernisant en permanence. Le site de Wanze construit les deux plus grands silos horizontaux au monde et les ingénieurs de la Raffinerie développent un diffuseur continu, rapidement distribué en Europe et en Asie. La gamme s’élargit et surprend régulièrement les étals belges. La cassonade Graeffe est lancée en 1953; en 1969, Candico est intégrée au groupe et commercialise pour la première fois des morceaux de sucre de canne au Benelux. Un an après, c'est Lebbe, spécialisée dans le sucre fondant, qui fait son apparition. En réaction à la progression des édulcorants artificiels à partir des années ‘80, la Raffinerie Tirlemontoise invente Ti’Light, un mélange de sucre et d’aspartame. Le Morceau Dur revêt sa célèbre rainure en 1995, tandis que Candico développe toute sa gamme Bio deux ans plus tard. Il y a aussi les sucres gélifiant, perlé, gros grain, aux formes amusantes, les éditions limitées aromatisées, les labels Fair Trade et Max Havelaar,… Sans compter les packagings jamais vus pour le sucre, comme les Tétra-Pack ou les Moulins pour la version impalpable. Le Morceau Dur Cassonade sort en 2011 pour célébrer les 175 ans de la marque et son flux continu d’innovations.

PLUS D’EMOTION
En 1987, la Raffinerie Tirlemontoise intègre le groupe européen Südzucker. Ce n’est pas pour autant que l’entreprise perd son ancrage belge. D’ailleurs, elle continue d’investir dans diverses activités, que ce soit dans le segment sucre ou dans des filiales telles BioWanze, un site de production bioéthanol particulièrement moderne. C’est bien simple, l’activité belge regroupe la production, le conditionnement et la vente de produits sucrés sur base de betteraves et de sucre de canne mais aussi la mise sur le marché de coproduits à destination de l’agriculture.

CETTE CAMPAGNE DOIT SA REUSSITE A SA CONSISTANCE. Ellen Sonck
Ceci étant dit, tout n’est naturellement pas tout sucre tout miel. La fondation de ce qui deviendrait l’Union européenne met en place la politique agricole commune, politique qui impose des quotas et réduit les volumes de production. A ces facteurs structurels, la mondialisation renforce la concurrence et la volatilité des prix du marché. Tout cela dans un contexte sociétal qui diabolise de plus en plus le sucre, l’accusant de bien des maux. Si bien que 2005 est synonyme de remise en question pour les Sucres de Tirlemont. « Nous étions toujours reconnus comme une marque qui offrait un bon rapport qualité prix, avec une belle distribution, une présence chez tous les retailers, » analyse Geert Van Aelst, marketing manager de la Raffinerie Tirlemontoise. « Mais nos parts de marché étaient sous pression, principalement à cause de la multiplication de private labels. » Produit fonctionnel, il est facile pour le public de conclure que du sucre, c’est du sucre, et que seul le critère du prix compte alors. Il devient alors primordial pour la marque de mettre une nouvelle stratégie en place et de travailler sur ses points faibles pour la défendre. Deux éléments-clés émergent: il faut lui injecter une part d’émotionnel, de manière à la distinguer de ses concurrentes, et la redynamiser, souligner son caractère innovant malgré son grand âge. Ce travail s’effectue avec Havas WorldWide, agence de la marque depuis plus de 30 ans.
Tout l'été, T-Man en personne était l'invité de la Roller Bike Parade. L'occasion pour ses fans de le partager une crèpe au sucre avec lui.

T-MAN, CE HEROS
La marque T est alors consolidée, accompagnée du slogan « Home sweet home ». Son fil rouge? Mettre en évidence l’histoire de la marque, symbole indissociable de la culture populaire belge. Que ce soit autour d’un café jamais sans sa boîte de « klontjes », d’une crêpe saupoudrée de cassonade, d’une gaufre aux perlés croquants, les produits T participent à ces moments privilégiés, partagés en famille ou entre amis, en toute convivialité et simplicité. Le T se veut alors l’emblème de la douceur, de la tendresse et de la qualité, notions fondatrices de la marque.

T-MAN APPORTE DE LA PROFONDEUR A LA MARQUE. Dominique Demets
Mais surtout, avec « Home sweet home » naît T-Man, petit bonhomme fait de morceaux de sucre qui habite dans la boîte bleue. S’il bourlingue pas mal, il est toujours content de rentrer pour retrouver son chez lui. Son rôle est clairement définit: « Il devient le lien avec le consommateur, le chaînon qui crée la relation, qui amène de l’émotion jusque chez le consommateur, » explique Jorrit Hermans, Executive Creative Director chez Havas WorldWide Brussels. Le personnage fait mouche. Outre de nombreux prix (Topspot Award, Silver Effie, Bronze Lion, etc.), les consommateurs sont conquis. Spontanément, ils lui envoient lettres et mails, félicitant son arrivée. Sur Facebook, où le petit être possède un profil, ils lui racontent leur vie, commentent ses photos et s’enthousiasment de ses aventures. Sur Youtube, les films attendrissent les internautes du monde entier. Les enfants aussi adorent, repérant le personnage sur les emballages et vérifiant dans les boîtes s’il ne s’y trouve pas. Le rajeunissement de la marque est donc aussi en bonne voie. « T-Man représente certainement ce que les gens recherchent pour le moment, comme la chaleur du foyer ou la proximité, » commente Dominique Demets, brand manager retail de la Raffinerie Tirlemontoise. « Il apporte une réelle profondeur à la marque parce qu’il possède une véritable identité, un caractère propre, » et soigneusement entretenu par un conversation manager. L’émoi est au rendez-vous, alors même que le bonhomme ne présente ni visage, ni voix et donc apriori pas d’expressions. « C’est un choix de Havas, que nous n’envisagions pas au départ, » reconnaît Geert Van Aelst, « mais qui permet finalement à tout le monde d’y projeter les sentiments qu’il souhaite, de facilement s’identifier. » La Raffinerie a effectivement fait confiance à ses partenaires. Et Jorrit Hermans d’ajouter: « Toutes les bonnes créations sont issues d’une véritable collaboration entre l’entreprise et l’agence. Le briefing était clair et précis, mais dans un esprit d’ouverture vers des idées nouvelles. »

100% STORYTELLING
Les résultats sont plus que satisfaisants. C’est bien simple, depuis l’apparition de T-Man, l’entreprise enregistre +2% en parts de marché. Ellen Sonck, account manager de la marque chez Havas WW Brussels, résume: « Le facteur de réussite de cette stratégie, c’est sa consistance. C’est du storytelling pur et dur, qui fonctionne sur le long-terme, dans tous les médias, sur tous les supports. Or, c’est bien cela qui permet de construire une marque. T-Man nous autorise également énormément de choses différentes, tout en respectant les valeurs de bases des Sucres de Tirlemont. » C’est vrai, T-Man est sur les réseaux sociaux et en télévision. Il peut s’afficher partout, jusque dans les aéroports! Cet été, il était aussi présent à la Roller Bike Parade, rebaptisée à son nom pour l’occasion. Comme quoi, sport et sucreries ne sont pas si incompatibles que cela... Il se dit qu’il intervient même en interne, puisqu’au-delà des départements communication et marketing, il est également actif au niveau des ressources humaines. Pas question que son histoire s’arrête: il sera la star d’un deuxième spot prévu pour fin octobre, spot qui mettra encore plus en avant l’aspect relationnel. Activation et actions online suivront, tout comme un nouveau packshot Morceaux Durs édition limitée où le petit bonhomme sera au premier plan.
Jusque là, T-Man jouait avant tout le rôle de digne représentant des morceaux durs. Mais vu son succès, il va petit à petit se voir confier d’autres tâches, en s’occupant des autres gammes et en figurant – discrètement – sur les paquets. Un véritable petit porte-parole de l’entreprise en somme. Ellen Sonck veille toutefois au grain: « nous allons faire attention à ne pas commercialiser excessivement le personnage, au risque de lui faire perdre en crédibilité. Il n’est pas un outil de communication, ni une mascotte. Il doit rester un individu avec son identité. »
PRET POUR L’INTERNATIONAL
Voilà comment du sucre, produit basique utilisé par tous, parvient à s’imposer comme une marque forte. Dans le Royaume, elle frôle les 90% de notoriété assistée, se classe 5e dans le Powerbrand Index de Gfk des marques spontanément citées et, selon le Rep Track, se place deuxième en termes de réputation. Alors, si pendant longtemps, les Sucres de Tirlemont se sont concentrés sur la population locale, il leur prend doucement des envies d’évasion. « Le modèle de la marque T est devenu tellement fort en Belgique que nous pouvons tout-à-fait penser l’étendre ailleurs, » ambitionne Geert Van Aelst. C’est ainsi qu’a été fondée la « blue products strategy » et les « Belgian Sugar Specialities », une sorte de sceau apposé sur les produits T qui met en exergue l’expertise en matière de sucre. « Comme l’a signalé Kris Peeters lors de l’inauguration du T-Campus de Tirlemont, jusqu’ici, notre pays avait pour emblème la bière, le chocolat, les diamants. Maintenant, il a également le sucre! »
C’est ainsi qu’en juin dernier, la Raffinerie Tirlemontoise a lancé quelques-unes de ses spécialités de morceaux de sucre, commercialisés sous la marque « T-Brand », sur la marché égyptien. Il s’agit là d’un premier pas dans cette région particulièrement friande du partage de produits sucrés en famille ou entre amis. L’Algérie est d’ailleurs la prochaine sur la liste. Ensuite, si les plans se concrétisent, le sucre belge se retrouvera au menu du continent américain, jusqu’au Canada. Une première étape en ce sens a été franchie grâce à un partenariat avec Starbucks. Et peut-être qu’un jour, T-Man fera partie du voyage.