Les agences se sont réorganisées

Les agences se sont réorganisées - François Chaudoir - pub5-2012

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Agency life / Chiffre d'affaires global en très légère hausse

Résultats stables ou quasi pour le secteur des agences médias, avec une croissance de 2% en 2011 d'après les chiffres UMA. Mais des résultats en dents de scie en fonction des agences. Cela dit, le secteur est en passe de terminer sa refonte: désormais digital, social, mobile ont trouvé leur place intégrée dans les agences. Reste à recruter et garder des talents très prisés dans ces domaines.

·        Les chiffres UMA montrent une hausse de 2% de l'investissement
·        Havas Media et Carat notamment font des beaux scores
·        Le digital, mobile, social font désormais partie intégrante du travail des agences média
·        Elles se disputent les talents dans ces domaines
D’après les chiffres UMA, le secteur des agences médias a enregistré en 2011 une hausse de 2% de son chiffre d’affaires total par rapport à 2010. Une très légère hausse  dont se satisfont les patrons d’agences média. Force est de constater cependant que toutes les agences n’ont pas traversé l’année de la même façon. Citons notamment la très forte progression (+33%) pour Havas Media. « Et c’est sans 2 budgets majeurs: Mobistar et Axa, remportés en 2011 et qui auront un effet sur les résultats 2012 », se réjouit Hugues Rey,  CEO de Havas Media Brussels. Carat, de son côté, assoit sa suprématie (+9%).  « Cette croissance s’explique essentiellement par l’arrivée de VOO dès janvier 2011 et d’autres nouveaux business qui ont commencé à utiliser nos services en 2011 tels qu’entre autres Alpha Card, Bol.com, De Agostini et Tesa. », explique  Anny Schmit, Managing Director de l'agence. Quant à l'agence Space, 2ème dans le ranking, elle a connu une année "flat" en termes de croissance (+1%).
Des petites agences, petites sœurs qui font partie de groupe, parviennent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Vizeum (groupe Aegis), Brand Connection (Mediabrands) ou encore Maxus (Group M). Chiffre d’affaires en baisse par contre pour OMD (-7%), UM (-25%)  ou encore MEC (-11%).
Au niveau des groupes: pas de changement dans le ranking. Malgré une année difficile, Mediabrands garde la première place mais le second, Aegis Media, porté par la croissance de sa marque leader Carat et de Vizeum, parvient à réduire l’écart. Notons que cette étude est basée sur les critères en vigueur depuis l'année dernière. On peut donc parler d'une année 2 et commencer à faire des comparaisons par rapport à 2010. Un des points importants de la méthodologie tient notamment du fait qu'elle valorise les échanges entre média à 80% de la valeur tarif. Dans le cas d’échanges entre médias gérés par l’agence est exclue toute campagnecommandée dans un autre média dont le média-annonceur est actionnaire à hauteur de ne serait-ce que 0.1%.

Chasse aux talents
Les patrons de 4 agences se sont penchés sur ces résultats et sur l’état du secteur en général. Premier constat, les agences continuent à évoluer pour coller le mieux possible aux attentes des annonceurs. Des attentes qui ont changé? « Cela dépend essentiellement de la taille de l’annonceur et de la manière dont il structure son marketing », explique Anny Schmit. « En règle générale, nous intervenons de plus en plus tôt dans l’architecture des plans marcom de nos clients. Les briefings directifs se font rares et nous nous retrouvons chez nos clients avant ou en même temps que l’agence créative, ce qui est un phénomène assez récent. Les annonceurs comprennent que le média a évolué vers un écosystème leur offrant un monde de nouvelles opportunités mais de fait plus complexe.». Du coût, Carat, comme toutes les autres agences rencontrées se développent en conséquence. Le souci du moment: garder ou recruter son expertise dans des secteurs très prisés comme le social media, le mobile, le search, etc. On le sent, le marché des compétences est assez tendu.
Carat peut profiter des synergies au sein du groupe Aegis et intégrer le know-how des agences spécialisées: « Les stratégies off et online sont désormais traitées de manière intégrée chez Carat, les planneurs online d’Isobar travaillant en binôme parfait avec les planneurs de Carat sur les clients et les marques qui nécessitent cette approche intégrée.»
Sur cette question du digital et de son intégration au sein des agences, François Chaudoir, CEO de Space ajoute: « Face à ce média, les annonceurs se trouvent dans une situation un peu paradoxale. L’international pousse en général à plus d’investissement sur le web mais peu ont les moyens d’investir dans une stratégie en interne. Le rôle de l’agence est d’aider le client à ne pas être perdu dans le monde online qui évolue tout le temps. Pas plus tard que la semaine dernière, Facebook annonçait des changements importants dans les Fan Pages. Un peu avant, YouTube introduisait la pub en Belgique… Il faut des gens qui soient capables de suivre tout cela. Idem pour le mobile, le search, etc. » Comment l’agence Space, qui ne peut pas s’appuyer sur un groupe, s’adapte à cette nouvelle réalité? « Un cinquième du staff est dédié au digital. Par ailleurs, nous avons renforcé nos partenariats avec Tapptic, spécialiste du mobile, et avec BlueToPurple qui travaille sur le search. Ces 2 partenaires sont physiquement hébergés chez Space, ce qui renforce les interactions. Pour le social media, nous avons créé la cellule So.Space. Nous avons gagné cette année le budget de Rabobank. Une banque en ligne pour qui la communication digitale est évidemment cruciale. J’y vois la démonstration que notre stratégie digitale est structurée, crédible et séduisante ».  Par ailleurs, l'agence a opéré cette année, suite au départ de Anne Vandorpe, une réorganisation de sa structure en mettant en avant des compétences internes et avec un apport de sang neuf.
Chez Havas Media, on constate que les annonceurs s’intéressent de plus en plus aux médias sociaux et les agences ont un rôle à jouer. Hugues Rey: «

François Chaudoir, CEO De Space: "La compétition entre agences joue pour attirer des nouveau clients mais aussi de nouveaux talents."

Outre l’articulation globale des campagnes, l’agence média doit fournir un soutien en termes de formation ou encore en content management ou community management. Cela dit, pour certaines marques, il peut être nécessaire d’investir en interne dans ces compétences. Elles doivent acquérir la connaissance pour pouvoir maîtriser des process dont elles ont besoin tous les jours. Cela coûte mais ce n’est pas démesuré… Le coût d’un community manager, à mi-temps, cela vaut 2 campagne TV », calcule le patron de Havas Media.

Le problème est que le travail fourni par les agences dans ce domaine est de l'ordre du conseil, de la stratégie ou de l'accompagnement. Un travail très chronophage, qui demande des équipes spécialisées et pas facile à valoriser. Avec comme conséquence: la croissance des staffs qui dépasse celle du chiffre d’affaires global. «
C’est embêtant », souligne Alain Hendrickx CEO de MEC en Belgique. « Les ressources et l’expertise nécessaires pour activer les communications intégrées augmentent. Les agences doivent s’organiser et engager pour faire face à ces nouveaux besoins. Les profils recherchés sont des personnes capables d’activer les aspects comme le social media, de gérer les questions liées à l’e-reputation qui est un souci croissant des annonceurs, l’expertise en search et mobile est aussi très prisée. »

 

Alain Hendrickx, CEO de MEC: "Le département digital a été complètement intégré dans l'ensemble des départements. C'est désormais plus facile de fédérer une équipe autour d'un projet".

Repositionnement réussi pour Havas
Chez Havas, on se prépare à quitter les bureaux plutôt étriqués de la rue Maurice Charlent pour s’installer au printemps avenue du Trône. Ce déménagement est une des manifestations de la croissance que connait l’agence.
Ce qui a permis à l’agence de faire la différence cette année: « Un bon produit avant tout », estime Hugues Rey. « En plus, Havas Media est une agence bien équipée techniquement, qui profite du support international et qui regroupe des personnes très capables ». L’agence a en fait très habilement négocié le virage de son repositionnement, entrepris début 2011 à l’international et mis en œuvre dès le mois de mai en Belgique. Havas Media s’est positionnée en partant du concept du « paid-owned-earned » et a lancé son étude Media Performance Global. « Nous proposons une approche très compréhensible et qui permet l’intégration du digital à tout niveau. Nous investissons énormément dans la formation pour cela. Désormais dans l’agence, on ne distingue plus le off du online. Pour chaque action, on se demande « à quoi cela sert? ». L’annonceur s’y retrouve. Notamment les nouveaux arrivés comme BNP Paribas, Mango, la Stib, Generali, la Mutualité Chrétienne, etc. Et Havas peut tabler sur une année 2012 à nouveau en croissance.

Anny Schmit, Managing Director de Carat: "Les annonceurs sont très à l'écoute. Ils cherchent de la réassurance, du conseil".

MEC: De nouveaux budgets pour oublier Fortis
Alain Hendrickx parle aussi de Paid-Owned-Earned. « Nous avons réorganisé l’agence en ce sens. Désormais, il n’y a plus de silos qui auparavant divisaient le travail entre le stratégique, le digital, les médias classiques, le reste. Dans cette façon de travailler, cela devenait très complexe de fédérer autour d’un projet. Aujourd’hui, nous travaillons de façon intégrée. Nous avons pris par exemple la décision de supprimer le département digital et de l’intégrer partout. »
Si MEC essuie une diminution de 11% de son chiffre d’affaires entre 2010 et 2011, son CEO parvient à rester positif. « Nous avons connu une très belle année. En fait, la baisse s’explique par le départ de Fortis qui a dû aligner son budget à celui de BNP Paribas. Pour le reste, nous avons connu une année exceptionnelle en ce qui concerne l’acquisition de nouveaux budgets: Deutsche Bank, Toyota, Truvo pour n’en citer que quelques-uns. » Des nouveaux budgets qui permettent au patron de MEC de tabler sur une légère progression en 2012.

La résistance des médias classiques
La croissance, ou à tout le moins la stabilité du secteur, a été portée avant tout par l’internet qui continue sa progression mais aussi par l'affichage et la radio qui enregistre une 3ème année exceptionnelle. « L’investissement radio en Belgique est le double de la moyenne européenne », constate François Chaudoir. La TV quant à elle continue à séduire les annonceurs, notamment les FMCG.
Hugues Rey ajoute: "La TV qui fait plus que se maintenir pendant la crise, c’est un bel enseignement. Elle a réussi à se réinventer. Notamment avec la TV réalité qui connait une seconde phase depuis quelques temps. Avec The Voice, les émissions culinaires, elle présente des candidats positifs, qui attire un public plus middle. Il y a aussi énormément d’interactions, les formats se rallongent ce qui permet notamment plus de product placement et de sponsoring. En fait, ces programmes deviennent des marques. Cela permet une approche plus communautaire de l’audience. Ces marques offrent des déclinaisons multiples et une capacité d’associer la marque de l’annonceur au produit télévisuel de façon plus forte».
Par contre, les parts de marché de la presse quotidienne et magazine continuent à se tasser, comme le constate François Chaudoir: « Les annonceurs se trouvent face à une offre très large. Les consommateurs aussi d’ailleurs. Le temps qu’il consacre à la lecture de la presse continue à diminuer. La presse souffre également de la forte diminution des campagnes institutionnelles. Enfin, il faut noter aussi que les annonceurs très demandeurs d’immédiateté font des choix de plus en plus pointus, avec des campagnes bi ou tri-médias, au dépend de la presse. Et puis, le ticket d'entrée de la presse reste, malgré des efforts tout récents encore, assez élevé».
Quant au digital, s'il augmente naturellement, il n’est pas encore investi par les annonceurs au niveau qu’il mérite. C'est en tout cas l'avis de François Chaudoir: «C’est un média dont le marché doit encore évoluer. Je m’attends à l’apparition d’acteurs plus forts qui vont atteindre une masse critique qui permette de réinventer les manières de vendre de l’espace sur internet ».

Hugues Rey, CEO de Havas Media: "Dans notre étude Media Performance Global, le consommateur cite toujours les médias classiques comme point de contact principal avec les marques".

Prévisions difficiles
Quant aux perspectives d’avenir? Les boules de cristal sont plutôt troubles. «
L’année ne démarre pas mal », avancent prudemment nos interlocuteurs. Mais quant à savoir de quoi seront faits les mois à venir… Toutes les agences rencontrent des annonceurs sous pression, particulièrement prudents qui ne s’engagent plus à long ou même à moyen terme. Et surtout, des annonceurs qui veulent s’assurer des résultats.  Anny Schmit conclut sur une note optimiste: « Avec des prévisions de croissance négative pour 2012, on peut s’attendre à une année difficile. Mais wait and see, de belles surprises sont toujours possibles. Il est important que le marché garde la confiance. »