Les annonceurs intéressés par les médias locaux ?

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Un magazine est désormais une marque, son lectorat une communauté. C'est ainsi que les magazines se sont maintenus ces dernières années et ont même réussi à atteindre de nouveaux groupes cibles. Mais tout ça est loin d'être facile, selon Xavier Bouckaert et Marc Dupain.

 

PUB a tendu ses micros à Xavier Bouckaert, CEO de Roularta Media Group et président de We Media, et Marc Dupain, directeur général de We Media, l'organisation qui regroupe les éditeurs de magazines en cinq départements : B2B, B2C, C&C, Digital et Free Press. Comment se portent les magazines en 2021 ? Une première conclusion : "L'importance des marques de magazines n'a fait que croître," déclare Xavier Bouckaert. "Le fait d'être seulement actif hors ligne ne fonctionne plus. Le marché a changé et les magazines proposent par exemple de la vidéo et de l'audio. Il s'agit maintenant d’une expérience de marque magazine. Les éditeurs organisent également des événements, des formations, des webshops, etc. Ainsi, la pertinence des magazines est devenue plus grande."

Que signifie ce reprofilage des éditeurs pour les annonceurs ?

Xavier Bouckaert:Les annonceurs touchent désormais une communauté, ils obtiennent une portée qualitative grâce aux magazines via différents touchpoints.”

Marc Dupain:Les éditeurs de magazines se sont professionnalisés et spécialisés. Et ils connaissent leurs lecteurs. C'est donc bien plus que "simplement lire", les gens se reconnaissent dans leur magazine. Il y a des magazines qui n'existent que sur papier. Ils opèrent dans un marché de niche ou sont des magazines d'associations socioculturelles. Des recherches ont montré que les lecteurs de magazines littéraires préfèrent également un contact exclusif avec du papier.”

Il en va de même pour les magazines B2B ?

Xavier Bouckaert:Si vous regardez le Artsenkrant, par exemple, vous verrez qu'il est resté longtemps en version papier. Ils sont maintenant actifs en ligne, notamment par le biais de webinaires. Le corona ayant stoppé l'organisation de grandes conférences internationales ; nous disposons maintenant d'une équipe spéciale chargée de coordonner les webinaires avec les médecins et les entreprises pharmaceutiques, ce qui génère un nouveau chiffre d'affaires pour l'Artsenkrant.”

Marc Dupain:L'organisation d'événements est devenue une source importante de revenus, mais l'année dernière, le Corona nous a laissé un goût amer.”

Xavier Bouckaert:Les live events sont importants pour la mise en réseau. Mais les webinaires B2B, que nous avions déjà organisés avant le Corona, seront certainement un succès.”

Marc Dupain:Les salons et les expositions se sont numérisés et les annonceurs sont prêts à payer pour ça, par le biais de packages de sponsoring et autres.”

Quel sera l'effet du corona sur les ventes de magazines ?

Xavier Bouckaert:Les ventes ont baissé de 5 à 10 % pour certaines marques tandis que d'autres ont vu leurs ventes augmenter ! Les mois d'avril et de mai ont été particulièrement difficiles. Mais pour de nombreux magazines, le marché des lecteurs s'est développé, avec des ventes individuelles et de nouveaux abonnements. En tant qu'éditeur, vous devez entreprendre les bonnes actions de marketing, de manière créative.”

Marc Dupain:Le soutien du gouvernement - avec le chômage temporaire - a permis de maîtriser les coûts. Mais on ne peut pas parler d'une année de profit. La presse libre a été particulièrement touchée, en partie parce que le commerce local, principale source de revenus, a dû fermer pendant un certain temps.”

Le nombre de magazines (imprimés) belges est-il en baisse ou est-il resté stable ces dernières années ?

Xavier Bouckaert:Le nombre de marques de magazines est resté stable au cours des dix dernières années et je ne m'attends pas non plus à des accidents dans un avenir proche. Après la crise de 2008-2009, certains ont disparu.”

Marc Dupain:Chez We Media, il y a peu de pertes. Il y a quelques membres avec un grand nombre de marques, comme DPG Media, Mediahuis et Roularta, mais il est souvent sous-estimé que We Media représente à lui seul un total de près de 200 éditeurs de magazines, soit plus de 500 titres... Il n'y a pas de déclin dans la diversité.”

On a l'impression que les annonceurs et les agences média sont moins enclins à investir dans la presse écrite...

Xavier Bouckaert:Cela dépend de l’activité. La mode avec les fermetures de magasins, l'automobile sans le Salon de l’Auto : on a moins investi dans le papier, mais plus dans la partie online des marques de magazines. Pourtant, la situation de la publicité imprimée n'est pas désespérée, grâce au programmatic et native advertising notamment."

Marc Dupain:Cette tendance s'applique à l'ensemble du secteur. Nous voyons plus de créativité dans les marques de magazines en ligne et le modèle commercial a été modifié pour qu'elles soient moins dépendantes de la publicité. En outre, la publicité via les sociétés GAFA est moins chère, mais la qualité est moindre. Avec les agences média et les annonceurs, vous entendez de plus en plus souvent parler de l'importance des médias locaux en raison de la qualité de l'environnement et de la transparence par exemple.”

Xavier Bouckaert:Certains annonceurs sont déjà explicites à ce sujet et la publicité online augmente légèrement au même rythme que nous. Les annonceurs commencent à faire de la publicité plus consciemment au niveau local."

Marc Dupain: “Le label de qualité DAT y contribue certainement. Ce label a beaucoup de mérite, même s'il reste encore du travail à faire. Malheureusement, les jeunes planers ne sont pas encore suffisamment familiarisés avec les médias classiques et les bases de la construction d'une marque.”

Qu'attendez-vous du CIM à plus long terme ?

Xavier Bouckaert:Le CIM devrait vraiment montrer sa valeur ajoutée. La mesure cross-média n'est pas encore complètement au point. En outre, le CIM devrait assumer le rôle d'ambassadeur des marques locales. En France, ils sont beaucoup plus avancés à ce niveau.”

 Pour finir, avec le lancement de Google Showcase, comment envisagez-vous la relation entre Google et les éditeurs ?

 Xavier Bouckaert:En tant que président de l'organisation des éditeurs européens EMMA, je suis ce dossier de près. J'ai des sentiments mitigés à ce sujet. Enfin, Google reconnaît la valeur ajoutée des éditeurs et de la législation. Mais il n'appartient pas à Google de dire qui peut ou non bénéficier des droits voisins. Nous devons attendre l'Europese Digital Markets Act, mais cette législation pourrait prendre encore cinq ans. Nous n'avons pas autant de temps devant nous."

Marc Dupain:Ces bigtech ont trop de pouvoir. Les Googles parmi nous doivent simplement payer le juste prix pour le contenu que nos éditeurs fournissent. Nous sommes en consultation avec le gouvernement belge, qui prépare la transposition de la directive européenne en droit belge.”

Xavier Bouckaert:Et il y a une autre question délicate en parallèle : l’e-privacy. Les consommateurs devront bientôt donner leur autorisation pour être approchés ; mais nous ne voulons pas que les gardiens soient des bigtech !”