Les banques et leurs chefs d'oeuvre

Les banques Belfius et BNP Paribas Fortis raffolent de leurs collections d’objets d’art. Actuellement, elles les sortent des greniers pour les exposer à la vue du grand public. Opération de communication intelligente ou coup de marketing minutieusement calculé ? « Nous remplissons un rôle social », affirment Bénédicte Bouton de chez Belfius et Dominique van Hove de chez BNP Paribas Fortis.

Quelle est la taille réelle de vos collections d’art ?

Bénédicte Bouton : « La Belfius Art Collection se compose de 4 300 pièces et constitue ainsi la plus grande collection privée d’art belge. D’après le catalogue Global Corporate Collections, elle compte même parmi les 100 collections d’art les plus importantes dans le monde de l’entreprise. »

Dominique van Hove : « Le patrimoine artistique de BNP Paribas Fortis compte près de 1 000 œuvres d’arts plastiques telles que des peintures, des sculptures et des tapisseries, ainsi qu’environ 350 meubles antiques, horloges et lampes. 90 pour cent de ces œuvres d’art viennent de Belgique. »

De l’ancien, du nouveau

Comment ces collections d’œuvres d’art ont-elles été constituées ?

Bénédicte Bouton : « Au début des années 1960, le Crédit communal et la branche belge de la banque Paribas se sont intéressés au patrimoine national. Les deux banques voulaient à tout prix éviter que de précieuses œuvres d’art ne se retrouvent à l’étranger. Par conséquent, elles ont créé une collection. Le Crédit communal s’est d’abord concentré sur l’art belge à partir de 1860, année de fondation de la banque. Quelques étapes importantes : l’achat, en 1963, d’une partie de la collection de Gustave Van Geluwe, comprenant des œuvres d’artistes de la première moitié du vingtième siècle les plus représentatifs de la  Belgique; et puis l’élargissement de cette collection en 1955 avec une partie de la collection De Graeve. Dans un premier temps, la banque Paribas Belgique a privilégié l’art du seizième au dix-huitième siècle. Au fil du temps, son arsenal a été complété par des œuvres d’artistes expressionnistes belges. Enfin, à partir de 1980, la banque BACOB a assemblé sa propre collection qui se concentrait initialement sur l’art contemporain. Les collections des trois anciennes banques forment aujourd’hui un tout. »

Dominique van Hove : Il faut voir notre patrimoine artistique comme le reflet de notre histoire. BNP Paribas Fortis est le résultat de la fusion, entre autres, de la Générale de banque, de la Caisse générale d’épargne et de retraite et de la Société nationale de crédit à l’industrie. Pendant des décennies, toutes ces institutions financières ont accumulé un important patrimoine d’œuvres d’art dont certaines datent du seizième siècle. »

Quelles pièces comptent parmi les chefs-d’œuvre de ces collections ?

Bénédicte Bouton : En ce qui concerne la Belfius Art Collection, ce sont deux esquisses à l’huile de Pierre Paul Rubens. Il les a créées en 1640, l’année de sa mort. Une peinture de Jan Brueghel fait également partie de nos chefs-d’œuvre. Toutes trois sont enregistrées dans la Liste des chefs-d’œuvre (« Topstukkenlijst ») du Décret sur les arts de la Communauté flamande. Autres grands artistes peintres : Jacob Jordaens, Roelandt Savery, David Vinckboons, Daniel Seghers et Jacob Savery. Notre banque donne également un coup de pouce aux jeunes artistes belges talentueux. Ainsi, l’an passé, elle a déniché trois œuvres de Thomas Lerooy, Meggy Rustamova et Rinus Van de Velde. Belfius gère sa collection d’art de manière professionnelle, à la façon d’un musée, et allie ‘l’ancien’ et ‘le nouveau’. »

Dominique van Hove : « Je pense à nos chefs-d’œuvre de maîtres anciens tels que David Teniers, Abraham Govaerts et Jan Fyt, mais nous possédons également des œuvres de grands noms du vingtième siècle : Rik Wouters, Constant Permeke, Marcel Broodthaers et Panamarenko. De plus, BNP Paribas Fortis soutient activement de jeunes artistes belges, dont Hana Miletic, Jean-Baptiste Bernadet et Benoît Chattaway. En effet, ces artistes étaient les lauréats des différents concours du Young Artistic Talent Award, une initiative de BNP Paribas pour encourager les arts plastiques aussi bien que les arts visuels. »

Rôle social

La collection d’art va-t-elle de pair avec un engagement clair ?

Bénédicte Bouton : « Notre collection d’art doit explicitement jouer un rôle social. Pour ce faire, nous tenons une exposition qui change tous les ans dans la Belfius Art Gallery, où nous exposons une soixantaine d’œuvres pour le grand public. Cet espace d’exposition se trouve à 118 mètres de haut, au trente-deuxième étage de la Tour Belfius de la place Rogier au cœur de Bruxelles. L’espace est ouvert aux visiteurs deux samedis par mois. Nous rendons les collections accessibles à tout le monde, en organisant, par exemple, des visites guidées adaptées aux aveugles et aux malvoyants. Nous demandons à chaque visiteur une petite contribution en faveur des actions ‘Nez rouges’ et ‘Viva For Life’. Par ailleurs, les œuvres d’art ne se trouvent pas toutes dans notre galerie bruxelloise. Nous amenons la culture près des gens, et prêtons en permanence plus de 100 œuvres à des musées nationaux ou locaux pour des expositions temporaires. Enfin, les amateurs d’art peuvent découvrir les œuvres exposées sur notre site internet. »

Dominique van Hove : « Pour nous, l’art appartient au pilier social. Nous voulons soutenir et encourager l’art dans le sens large du terme, mais aussi valoriser le patrimoine artistique pour la communauté. Voilà pourquoi nous ouvrons les portes de notre bâtiment rue Royale, 20 au grand public pendant les journées du patrimoine. En collaboration avec la BNP Paribas Fortis Foundation, nous organisons également des visites guidées éducatives, par exemple, pour les jeunes défavorisés. Enfin, nous prêtons des œuvres d’art pour des expositions en Belgique ou à l’étranger. »

Les deux banques ne considèrent pas leurs collections d’art comme un investissement, même en période de crise. En 2015, après une interruption des acquisitions de huit ans, Belfius a acheté de manière réfléchie de nouvelles œuvres de jeunes artistes. Chez BNP Paribas Fortis, les dernières acquisitions ne concernaient, elles aussi, que des talents exceptionnels. Il n’est cependant pas question de vendre une partie du patrimoine artistique. En tant que banques locales, elles tiennent avant tout à conserver le cœur de leurs collections artistiques en Belgique. L’idée est de créer une valeur sociale.