Les journaux : une histoire (in)finie ?

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Les journaux en Flandre, un sujet indissociable de DPG Media et Mediahuis. Bien sûr, Metro (Mass Transit Media) et De Tijd (Mediafin) s'en sortent eux aussi très bien. La particularité de DPG Media et Mediahuis : ils sont également actifs à l'étranger. Tous deux sont présents aux Pays-Bas, DPG Media s'est étendu au Danemark, et Mediahuis à l'Irlande. - Wim De Mont

DPG Media

News City, le nouveau quartier général de DPG Media à Anvers. L'extérieur est encore en pleine construction, tandis que l'intérieur accueille autant de cartons que de personnes. Une bonne raison pour nous demander aimablement de ne pas prendre de photos. Ce ne sont de toute façon pas les cartons qui nous intéressent, mais bien Dieter Van den Brande, le managing director de News City, fraîchement nommé par DPG Media.

Les journaux de 2019 sont-ils toujours des journaux, ou plutôt des marques d'information ?

Dieter Van den Brande : « On parle de marques d'information, mais dans les faits, en Belgique, ce sont des journaux. Chez tous les éditeurs belges de journaux, la part de journaux imprimés reste très importante. Nous nous efforçons de miser sur la numérisation, mais nous souhaitons conserver les journaux papier aussi longtemps que possible dans notre portefeuille. »

Les revues telles que Knack, pour n'en nommer qu'une, sont des marques d'information...

« La version numérique des journaux sera plus proche des autres marques d'information en raison de la rapidité de ce média. Derrière ce produit se cache une marque, et les journaux sont censés toujours être d'actualité. Cette attente est peut-être un peu moins forte pour un hebdomadaire numérique. L'urgence et les nouvelles nous classent dans la catégorie des journaux, et les journaux numériques sont un média incroyablement rapide. Les gens veulent des faits. Chaque fait joue un rôle précis pour chacune de nos marques. Les nouvelles gratuites sur des faits arrivent souvent rapidement. Et quelques heures plus tard, de plus amples explications sont fournies, parfois dans un format payant, et peuvent paraître le lendemain dans le journal. Ensuite, les hebdomadaires peuvent réaliser un travail plus approfondi, avec des photos, un récit secondaire... Les gens s'attendent-ils à un tel déroulement des choses ? Ils n'y réfléchissent pas de cette façon. Mais les attentes concernant l'étendue des informations en ligne sont fortes. »

VRT est également un média d'actualités, et est par définition gratuit. Comment gérez-vous cela ?

« Il s'agit d'une donnée qui crée des attentes chez le consommateur. Le défi consiste donc à faire en sorte que plus de monde soit prêt à payer grâce à l'élargissement de nos produits numériques. Cet objectif est difficile à atteindre avec des faits d'actualité. Les opinions et les analyses sont un meilleur moyen d’y parvenir. Nous essayons de nous différencier en fournissant des informations de fond et en nous étendant à divers domaines, y compris régionaux. »

Comment déterminez-vous ce qui est gratuit et ce qui est payant ?

« Nous avons tous eu notre part de responsabilité dans l'attente de gratuité de la part du consommateur pour tout ce qui est publié en ligne. Il s'agit d'une évolution permanente, nous osons de plus en plus demander de l'argent pour les contenus de qualité. Il s'agit là également de l'essence de notre survie sur le long terme, car les volumes des journaux imprimés ne vont pas continuer à croître au cours des 20 années à venir. »

Le recul des volumes de papier est-il strictement lié à la tranche d'âge ?

« Il est lié à la tranche d'âge, mais pas seulement. Les plus jeunes s'orientent plutôt vers les formats en ligne, mais les plus âgés compensent. Pourtant, je prédis que le papier va reprendre de l'importance chez les jeunes, mais plutôt dans le cadre d'abonnements hybrides, avec du contenu numérique pendant la semaine et un beau journal bien épais le week-end. Le papier, et cela vaut également pour les hebdomadaires, est un média différent, surtout en comparaison avec les smartphones. »

Les abonnements hybrides se retrouvent-ils surtout chez De Morgen ?

« Chez De Morgen, 50 % des abonnés ont un abonnement complet, et l'autre moitié a soit un abonnement purement numérique, soit un hybride. Chez Het Laatste Nieuws, toutefois, la proportion d'abonnements numériques ou hybrides s'élève déjà à 14 %. Ce sont surtout des articles “guides” sur la santé, le sexe et les relations, l'argent et la finance, qui attirent de nouveaux abonnés. Quels vins sont intéressants ? Quels sont les bons restaurants sur la côte ? Ce n'est pas un hasard si ces articles paraissent dans le journal du week-end et contribuent à sa valeur. » 

Dans la nouvelle structure de DPG Media, qui prend en charge les relations commerciales et celles avec les lecteurs ?

« Nous disposons désormais de deux maisons de contenu, une ici à Anvers (News City), et une à Vilvoorde consacrée au divertissement. La rédaction, les marques, le développement de produits et les technologies sont associés aux maisons de contenu avec des équipes de marketing au sein de la rédaction. Seuls les revenus sont centralisés pour les deux maisons de contenu. Chez News City, 75 % proviennent des lecteurs et 25 % des publicités. Ils sont gérés respectivement par les équipes de Bart de Groote et Ben Jansen. »  

Comment veillez-vous à la qualité ? Y a-t-il un afflux suffisant de jeunes journalistes pouvant assurer la qualité sur le long terme ?

« L'afflux n'est pas mal, nous sommes assez attrayants (rires). Les jeunes sont bien formés dans le domaine du numérique. Sur le plan journalistique, ils apprennent beaucoup au cours de leur première année ici, et nous disposons de nos propres formations, intitulées “De Campus”. » 

Pour conclure : que possède-t-on en Flandre qui manquait dans des pays tels que les Pays-Bas ou le Danemark ?

« Fondamentalement, nous ne sommes pas meilleurs ou pires (rires). Mais l'urgence qui a frappé les autres pays était présente ici depuis longtemps en raison de la petite taille du marché. Il faut être vraiment compétitif et garantir la qualité à petite échelle. Nous avons donc pu mettre sur pied certains processus et assurer une véritable efficacité. Par ailleurs, nous avons toujours été très proches du lecteur, qui ne nous a par conséquent pas tourné le dos aussi vite. »

Mediahuis

Les différents journaux de Mediahuis sont répartis entre Anvers (Gazet van Antwerpen et Het Nieuwsblad), Hasselt (Het Belang van Limburg) et Grand-Bigard, et bientôt Bruxelles (De Standaard). Et Gert Ysebaert ? Fait-il constamment la navette entre Anvers, Amsterdam et Dublin ? « Cela dépend, » rit le CEO de Mediahuis. « Le numérique permet de réaliser beaucoup de choses à distance. Je ne dois pas toujours être présent, et à Dublin, nous disposons de personnes compétentes telles que Marc Vangeel et Peter Vandermeersch. »

En interne, parlez-vous de journaux, ou de marques d'informations ?

Gert Ysebaert :« De marques d'informations ou de médias d'actualités, mais en même temps, le terme de “journal” dit bien de quoi il s'agit. Le journal papier continue de faire partie de nos activités actuelles, mais la transformation vers un environnement entièrement numérique où on ne parle plus de produit, mais de service, a lieu à une vitesse vertigineuse. Tant qu'on parle de journaux et que cela inclut également l'environnement numérique et les services, je trouve que le terme est tout à fait approprié. »

Au sein de l'organisation, quel est le poids d'Internet ?

« Nous étions une entreprise de médias imprimés qui se consacrait également au numérique. Nous nous concentrons sur une transformation vers une entreprise numérique qui produit également des contenus imprimés. Cela se voit également à la manière dont nous organisons notre rédaction. Elle fonctionne selon le principe du “numérique d'abord”, nous regardons à chaque fois la façon dont nous voulons raconter l'histoire, que ce soit en ligne ou dans le journal. Cela ne veut pas dire que le journal a perdu en importance. En revanche, nous travaillons moins avec la pression des délais,et nous vérifions ce que nous voulons raconter sur quelles plates-formes. Il y a le journal papier, mais aussi le journal numérique et le site Internet, où nous proposons une combinaison de contenus gratuits et de plus en plus de nouvelles payantes. Mais les vidéos et les podcasts deviennent également des plates-formes importantes. Nous traversons une période incroyablement passionnante pour le journalisme. Nous avons connu beaucoup de changements. Et pourtant, pour nous, le journal reste le fondement à partir duquel nous entamons la transition numérique. Il ne faut pas jeter par la fenêtre ce qui a de la valeur pour les gens. Chez les nouveaux abonnés, nous observons que les abonnements hybrides, qui proposent du contenu numérique en semaine et imprimé le samedi, sont les plus populaires. Les abonnements purement numériques sont eux aussi toujours en hausse. »

La différence entre ce qui est payant ou non est-elle toujours claire ?

« Les approches évoluent. Nous disposons chez nous de différents modèles, et la partie payante ne cesse d'augmenter. Le principe est le suivant : tout ce qui est distinctif est payant. Le contenu générique reste gratuit, du moins pour le moment. L'actualité régionale implique un journalisme unique pour lequel les gens sont prêts à payer. »

Lorsque les gens paient, ils s'attendent à de la qualité. Comment la garantissez-vous ?

« Nous avons des rédactions compétentes, entre autres parce que nous avons toujours veillé à toucher le moins possible aux rédactions lors des restructurations. C'est justement grâce à un journalisme fort et de qualité que nous pouvons asseoir notre plus-value. Tout commence par des rédactions principales solides. Elles contrôlent la qualité et bénéficient de suffisamment de latitude pour bien effectuer leur travail. En outre, la qualité est étroitement liée à l'afflux d'excellents profils journalistiques.  Nous prévoyons également des formations en interne permettant aux journalistes nouveaux et existants d'améliorer leurs compétences en numérique. »

Est-il important que le lecteur reconnaisse le journal d'origine lorsqu'il lit la version en ligne, que ce soit sur le site ou sur une tablette ?

« La référence au journal est importante, mais une génération de personnes qui n'accordent que peu ou plus d'importance aux journaux est en train d'apparaître (ou existe déjà). Ainsi, cette référence est de plus en plus floue, mais nous sentons bien encore l'importance du support physique, qui amplifie l'impact de ce que nous faisons. Celle-ci va diminuer, mais nous constatons que peu de nouveaux médias purement consacrés à l'actualité voient le jour, surtout s'ils misent sur un modèle fondé sur la publicité. Ce sont les marques centenaires qui dirigent actuellement le marché, en tout cas en Belgique. »

La VRT devient une marque d'informations également active sur Internet, et gratuite, par-dessus le marché.

« C'est une éternelle discussion. Nous demandons à ce que la VRT s'en tienne à son rôle et ne fasse pas de journal numérique, une tendance qu'elle suit parfois. Il en va de l'intérêt de tout le monde, y compris de la VRT, car elle peut se distinguer des acteurs privés en restant dans le prolongement de ses activités audiovisuelles. »

Pour conclure : pourquoi les Pays-Bas ou l'Irlande avaient-ils besoin de vous ?

« Le recul du journal papier a été plus rapide aux Pays-Bas que chez nous, il n'y avait donc plus beaucoup d'espoir aux Pays-Bas. Nous avons toujours fermement cru en ce que nous faisons, en notre journalisme et en nos médias d'information. Nous avons une vision claire avec des actionnaires qui visent le long terme. De la sorte, cette intervention a créé des défis et des possibilités. L'économie irlandaise est sur une pente ascendante, la population est assez jeune, et la numérisation importante. En reprenant Independent News & Media, nous sommes devenus leaders du marché, même si nos ventes reposent en grande partie sur la vente au détail. Nos systèmes et le savoir-faire combiné aux compétences locales permettent d'accélérer à court terme la transformation numérique de nos titres irlandais. Les premières expériences sont déjà positives. »