Les médias locaux à notre table

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Un jour avant l'annonce du lockdown, PUB a rencontré des représentants de quelques éditeurs de magazines belges. Un éditeur de magazines (principalement) grand public, un éditeur de magazines publics thématiques et un éditeur d'un média b2b. Les questions et réponses échangées sont encore plus d’actualité après avoir levé toutes les mesures sanitaires mises en place à la mi-mars… - Wim De Mont, photos : Luc Hilderson

Le hashtag #achetezlocal résonne plus fort que jamais. Acheter et faire de la publicité en Belgique est un peu protectionniste, mais cela se justifie par l’idée que l’argent va aux gens et aux entreprises qui vous font vivre en tant que consommateurs. Cela n’est pas incompatible avec le libre-échange international, s’il est avantageux pour tous les pays concernés. Nous aimons vendre du chocolat à l'étranger et avec les recettes nous pouvons importer des vélos et ... des masques, d'autres pays. Est-ce aussi le point de vue des éditeurs de presse belges ? PUB a réuni Philippe Belpaire (general manager de Roularta Media), Thierry Hottat (head of marketing & sales administration de Produpress) et Christophe Sancy (editor de Gondola) pour une interview. La première question est la suivante : est-ce que tout va bien avec le positionnement des éditeurs de presse belges ?

Thierry Hottat : "Nous sommes spécialisés dans les secteurs de l'automobile (en tant qu'éditeur et régie) et de l'immobilier (en tant que régie). Nous donnons des conseils à nos lecteurs et, en fait, nous ne souffrons pas trop de la concurrence des magazines automobiles néerlandais ou français, par exemple. Cela s’est confirmé par la recherche. N'oubliez pas que nous publions également des articles sur les assurances et les aspects fiscaux, ce qui est important pour nos lecteurs".

Philippe Belpaire: "Nous avons mis l'accent sur les médias magazines, et nous avons renforcé cette orientation avec l'acquisition de certains titres de Sanoma. Nous voulons offrir un support pour chaque groupe cible, de Flair à Datanews. Dans le cadre de ces activités, nous avons également développé des événements et des communautés. Le caractère local est important pour nous, en partie parce que nous sommes une entreprise familiale, même si nous sommes cotés en bourse. Les lignes de décision sont donc courtes, l'engagement est grand, tout comme la passion pour les médias. Je pense que l'ancrage local est un réel avantage, grâce au contenu local, à la qualité et à l'innovation".

Christophe Sancy: "En tant qu'éditeur belge, nous sommes protégés parce qu'il n'y a pas de débordement de médias d'autres pays sur le marché B2B. Pourtant, un danger guette : combien de temps le "marché belge" sera-t-il encore belge ? Il se peut qu'à un moment donné, toutes les décisions soient prises à Paris, Amsterdam ou Breda. Cela fait maintenant 14 ans que je travaille pour Gondola et pendant cette période, Gondola s'est réinventé. Nous avons construit une véritable communauté, il n'y a pas que le magazine. Nous travaillons avec trois piliers : le média (sur papier et en ligne), les événements et aussi l'éducation & l'expertise. Tout cela crée une communauté, cela génère beaucoup de contacts avec les professionnels. Bien que nous ne soyons pas les seuls, il y a de la concurrence".

Thierry Hottat: "Les événements sont en effet importants, nous en faisons depuis trois ans. Par exemple, il y a les Experience Days, qui sont nés des magazines. Avec les pages de publicité et les online displays, ça ne fonctionne plus, car votre portée n'est plus unique. Les événements, en revanche, sont toujours uniques. Et nos marques ont beaucoup de crédibilité.”

In local media we trust

Les décisions d'achat de publicité dans vos médias sont-elles encore principalement prises en Belgique, ou l'importance des centres de décision étrangers augmente-t-elle ?

Thierry Hottat: "Surtout en Belgique. Avec les trading desks, c'est une histoire plus difficile, en tant que régie belge, vous avez moins de contrôle sur cela".

Christophe Sancy: "90 % des publicités que nous diffusons proviennent d'entreprises belges ou de filiales d'acteurs internationaux. Il y a un nombre limité d'annonceurs internationaux, mais nous sommes peut-être trop sur la défensive dans ce domaine".

Philippe Belpaire: "Nous faisons partie d'un réseau international et ce réseau est important pour les annonceurs lifestyle - mode, déco - et pour la technologie. Nous constatons que les possibilités sont plus nombreuses si les decision makers se trouvent directement en Belgique. Les marques de mode internationales ont des "guidelines" strictes et il est difficile de s'en écarter. Le travail sur mesure ou les projets spéciaux peuvent être plus efficaces pour les annonceurs, mais cela nécessite des gens. Donc : des entreprises ou des succursales belges disposant d'une marge de décision suffisante".

Thierry Hottat: "Des labels tels que DAT (Digital Ad Trust) aident les entreprises à faire de la publicité dans les médias locaux, c'est-à-dire belges. Nous voyons que l'appel 'trust' commence à fonctionner".

Philippe Belpaire:La Brand safety sert les KPI de l'annonceur, nous devons jouer cet atout encore mieux. ÇA c'est vraiment un pas dans la bonne direction. Le seuil d'entrée est une bonne chose, mais les coûts augmenteront bien sûr si vous avez beaucoup de sites web en interne".

Thierry Hottat:Nos marges sont sous pression, tous ces tools et certificats coûtent de l'argent".

Quid du label "C'est du belge" ?

Philippe Belpaire:Nous le faisons sur le plan éditorial, pour la mode. Deux fois par an ! Et Trends et Trends Tendances se concentrent sur les start-ups et les entreprises belges, par le biais de cases, de reportages, etc. Ces magazines ont bien sûr pour mission de regarder également au-delà de leurs frontières nationales".

Thierry Hottat: Il n'y a pas de marques automobiles belges, donc cela n'a pas vraiment d'importance pour nous".

Christope Sancy:Nous ne travaillons pas avec ce label, mais bien sûr les entreprises belges sont importantes pour nous. Nous essayons de jouer cela de manière subtile. Le local est important, car il s'inscrit dans des tendances telles que le bio, le vegan et le durable. Nous avons beaucoup d'empathie pour les produits locaux, en mettant l'accent sur les meilleures pratiques. Mais ces produits doivent avoir une valeur ajoutée, le label "belge" n'est pas suffisant pour nous. En France, on observe un fort chauvinisme, avec la demande d'ingrédients 100% français. Ce n'est pas bon. Une marque comme Danone a des usines dans toute l'Europe. Doivent-ils vendre des yaourts en France avec des ingrédients français, en Belgique avec des ingrédients belges, etc? Ce n'est pas possible... Donc local c'est bien, mais de manière positive".
Philippe Belpaire: “Il est frappant de constater que nos représentants internationaux doivent d'abord vendre la "Belgique" et ensuite seulement nos médias. Les annonceurs internationaux décident d'abord dans quels pays ils veulent investir, puis seulement après, ils examinent la portée des médias disponibles. Donc, dans l'ensemble, ils ne choisissent pas toujours la bonne portée".

De la fraîcheur dans les idées

Les médias "locaux" belges ne sont-ils pas désavantagés parce que le petit marché est moins favorable pour investir pleinement dans les datas ?

Thierry Hottat:En tant qu'éditeur, nous nous concentrons sur la Belgique et, surtout pour les événements et les services, nous développons de nouveaux modèles commerciaux dans lesquels les données sont également importantes. Nous développons également des partenariats avec les constructeurs automobiles".

Philippe Belpaire: La base de tout, c’est une marque forte. Nous avons acheté une plateforme de données pour en savoir encore plus sur nos lecteurs. Afin de susciter un plus grand engagement dans les bonnes actions".
Christophe Sancy:Nous nous concentrons également sur la Belgique et nous avons beaucoup investi dans les données, bien que notre groupe cible soit déjà sélectif. Cela coûte beaucoup d'argent et nous commençons à comprendre comment tout cela fonctionne, surtout en ligne. Je crois aussi à la fraîcheur des idées et à la sensibilité. D'après votre intuition, vous pouvez aussi être perturbateur, regardez comment Studio 100 s'y prend. En ce moment, tout le monde est un concurrent, surtout avec tout ce commerce électronique. La part de l'alimentation dans les dépenses des ménages est passée de 18 à 12 %. Cet argent "économisé" est allé à Netflix, à Ryanair, etc. Comment continuer à progresser sur le marché en tant que marque ? Voilà le défi".