Les médias locaux vivent avec leur temps

Vlan

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Bien qu’elles n’agissent qu’à plus petite échelle, les chaînes locales régionales et autres médias locaux sont confrontés aux mêmes défis que la presse nationale. Nous avons demandé à quelques-uns de leurs représentants comment ils réagissaient.

Par définition, les médias locaux sont différents des médias nationaux. Leur portée est plus petite, ils se spécialisent dans l’actualité locale de leur province et s’adressent à des annonceurs locaux. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas confrontés aux mêmes défis que les médias nationaux. Les publications et chaînes locales doivent en effet trouver une réponse à l’émergence des médias numériques et à l’affaiblissement du marché publicitaire. Ils le font notamment en modernisant leurs marques d’informations. Figure de proue de ce mouvement, Bruzz, le nouveau nom qui rassemble tous les médias bruxellois néerlandophones depuis avril. « FM Brussel, TV Brussel, Brussel Deze Week, Agenda et brusselnieuws.be ne forment désormais plus qu’une seule marque d’actualité, » explique le rédacteur en chef général Jeroen Roppe. Le changement de nom indique le changement de cap survenu suite à l’évolution de l’utilisation des médias. « Nous avons maintenant une seule rédaction centrale, mais une philosophie ‘digital first’. Nous publions l’actualité en ligne d’abord, avant de la diffuser sur les autres canaux, qui ont chacun leur propre angle d’attaque. Nous entendons nous positionner comme une marque cross-media, » expose Jeroen Roppe. La chaîne francophone Télé Bruxelles a elle aussi changé de nom cette année pour être rebaptisée BX1, un clin d’œil à l’abréviation populaire de Bruxelles (BXL) et au fait que la première chaîne locale était celle de la capitale. Ici aussi, le changement de nom cache un changement de stratégie. La nouvelle stratégie misera davantage sur le online.

Jeroen Roppe (Bruzz)

Jeroen Roppe (Bruzz) : « Tous les médias néerlandophones de Bruxelles sont devenus une seule marque, avec une rédaction centrale et une philosophie ‘digital first’. »

Unir ses forces

Un vent de changement souffle aussi chez les chaînes du groupe Concentra, TV Oost (est et Flandre orientale), TVL (Limbourg) et ATV (Anvers), même si les noms restent inchangés. Les trois chaînes sont rassemblées sous De Buren, une nouvelle société au sein de Concentra qui regroupe les chaînes de télévision régionales. « Nous travaillons plus étroitement ensemble pour mieux faire face aux problèmes auxquels sont confrontés les chaînes régionales aujourd’hui. En effet, le marché de la publicité est en baisse et c’est donc difficile de rester rentable. De plus, le nouveau décret média nous demande de réaliser des économies d’échelles par le biais de collaborations, » explique Stavros Van Halewyck (rédacteur en chef de TV Oost). « Nous partageons par exemple un studio d’enregistrement et une équipe technique avec nos collègues d’ATV. Cela nous permet de faire des économies que l’on peut ensuite investir dans nos rédactions. Pour le nouveau design de nos chaînes, nous avons aussi fait appel à une seule agence de graphisme pour les trois marques. Les logos, les sites, les journaux télévisés, etc. utilisent tous les mêmes visuels, mais dans des couleurs différentes. »

Stavros Van Halewyck – TV Oost

Stavros Van Halewyck (TV Oost) : « Nous devons utiliser le numérique pour atteindre la génération plus jeune. »

Réseaux sociaux

A l’heure actuelle, les marques locales d’informations ne peuvent pas se permettre de négliger les réseaux sociaux. « La popularité des médias numériques nous oblige à jouer un rôle important en ligne. Nous comprenons que nos téléspectateurs sont majoritairement des personnes plus âgées. Si nous ne misons pas sur le numérique maintenant, nous allons avoir du mal à atteindre la génération plus jeune par la suite, » explique Stavros Van Halewyck. « C’est pourquoi, au sein de de Buren, nous avons une rédaction online de trois personnes qui travaillent sur la présence en ligne de nos chaînes. Nous voulons surtout que nos clips vidéos puissent être mieux partagés et plus rapidement. » Bruzz aussi a une équipe spéciale qui s’occupe exclusivement des réseaux sociaux. En outre, on attend en principe des rédacteurs et des journalistes qu’ils y soient actifs. « C’est devenu une exigence normale, ajoute Stavros Van Halewyck. Pour nous, le but c’est de diffuser l’information le plus rapidement possible en tant que journaliste de TV Oost, même si vous êtes freelance. Nous avons la chance de travailler avec de nombreux jeunes rédacteurs, qui, de toute façon, maîtrisent très bien tout cela, » dit-il encore. Chez Bruzz aussi, les journalistes doivent tweeter. « Le but est de profiter de leur expertise et de nous positionner de cette façon. Doivent-ils le faire en plus de leur travail habituel ? Oui, mais c’est une évolution générale dans les médias, » précise Jeroen Roppe. Chez BX1, la gestion des réseaux sociaux est en partie aux mains d’un media manager mais cela ne suffit pas, explique le directeur général, Marc De Haan : « Nous allons bientôt nous mettre en quête de deux web journalists/ community managers supplémentaires, car même si les journalistes sont actifs sur les réseaux sociaux, il faut une équipe spécifique si l’on veut aller au delà d’une simple vitrine pour les émissions. » Stavros Van Halewyck est d’avis que le online doit rester complémentaire : « Si tout le contenu est disponible en ligne, plus personne ne va regarder les émissions. Le online et la télévision doivent se renforcer mutuellement. Alors que si notre rédaction en ligne poste une photo d’un reporter sur le terrain, cela va attiser la curiosité des gens, qui vont ensuite regarder le journal. »

Marc De Haan (BX1)

Marc De Haan (BX1) : « La force des informations locales, c’est leur pertinence. »

Chez Vlan, qui publie chaque semaine environ deux millions d’exemplaires papier de 49 titres régionaux à Bruxelles et en Wallonie, la numérisation n’en est pas encore là. « Sur les réseaux sociaux, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir mais nous allons le faire dans les trois prochaines années. Nous avons déjà une application qui permet de lire le journal en format numérique mais elle n’est pas très utilisée. En tous cas, notre intention est d’obtenir un meilleur mix entre papier et numérique, dans les deux directions. Pour nos annonceurs aussi, » explique Pascal Van der Biest, administrateur délégué de Vlan. « Nous sommes encore en train d’explorer plusieurs pistes, mais je peux certainement vous dire que nous tenons à garder notre ADN – un mélange de publicité, de petites annonces, de ‘classified’ et de contenu – même en format numérique. »

Pascal Van der Biest (Vlan)

Pascal Van der Biest (Vlan) : « Nous allons commencer à numériser Vlan dans les prochaines années. »

Complètement local

Les publicités des villes et des administrations communales ont longtemps été une source importante de revenus pour les chaînes régionales. Cette source s’est pratiquement tarie, explique Stavros Van Halewyck. « Il y a huit ans, la collaboration avec les villes et les administrations communales était la poule aux œufs d’or pour les chaînes locales. Mais depuis la crise, elles ont beaucoup moins de budget à investir dans la publicité, » dit-il. Les chaînes régionales restent évidemment un canal où les autorités locales peuvent présenter leurs projets. « Pour cela, nous avons des émissions comme ‘Stadstelevisie’. Ce sont des émissions où les administrations communales participent activement au contenu, mais c’est bien séparé de notre actualité. » D’autres, comme BX1, ne font pas d’émissions sponsorisées. Vlan, pourtant résolument commercial, affirme que la rédaction choisit toujours si une histoire est publiée ou non.

Bien que l’utilisation des médias soit en pleine mutation, les informations locales prennent de l’importance, selon nos interlocuteurs. « Avec la numérisation, toute une variété de canaux est disponible pour l’utilisateur et celui-ci recherche la source d’information qui l’intéresse le plus de façon très ciblée, » explique Stavros Van Halewyck. Pascal Van der Biest confirme : « Aujourd’hui, nous sommes submergés de données. Les gens ont tendance à regarder ce qu’il se passe dans leur région, or nous en faisons une sélection claire dans nos journaux. » La force des informations locales, c’est leur pertinence, juge Marc de Haan : « Lorsque l’on fait des bulletins d’informations locaux, on fait particulièrement attention à la proximité de notre public et à aborder des sujets qui les concernent au quotidien. » Jeroen Roppe ajoute : « Les gens veulent savoir ce qu’il se passe dans leur ville ou leur village. On ne peut pas s’attendre à ce que les grands organismes d’informations aient des antennes de la même qualité partout. C’est là qu’interviennent les médias locaux. »

« En outre, les médias flamands ne parlent pas beaucoup des autorités bruxelloises, ce qui est justement notre spécialité. Cela nous donne une place importante dans le paysage médiatique flamand, » remarque Jeroen Roppe. Bruzz va encore un peu plus loin pour engager ses lecteurs, spectateurs et auditeurs. « Tout se base sur les habitants et utilisateurs de la ville. Ce n’est pas pour rien que notre slogan est ‘You are the city’. Nous essayons explicitement d’engager les utilisateurs avec des émissions comme ‘Big City’ où ils peuvent choisir les questions que doivent poser nos journalistes. Nous essayons aussi d’être une marque qui crée des liens en organisant des évènements. Par exemple, récemment, nous avions une émission spéciale anniversaire d’un an du piétonnier sur toutes nos chaînes, avec un événement live. »

Malgré tous ces défis, nos interlocuteurs restent convaincus de l’importance des médias locaux et sont persuadés qu’il y a encore un avenir pour la presse régionale. « Je suis convaincu que nous avons encore de beaux jours devant nous si nous continuons à nous réinventer. Tant que nous trouvons une façon d’attirer les spectateurs et les annonceurs, nous pouvons encore tenir des décennies, » conclut par exemple Stavros Van Halewyck.