Les trois Duval
C’est par une météo hésitant entre hiver et été que nous retrouvons André, Flavie et Valérie Duval chez Broodnatie, un très bel endroit pour manger le midi, à un jet de pierre du prestigieux restaurant de Sergio Herman, The Jane. Mais le café est chaud, et l’ambiance chaleureuse : André, Flavie et Valérie parlent de leur amour pour leur secteur – et de l’un pour l’autre.
On ne présente plus André Duval, l’un des publicitaires les plus influents du siècle passé, CEO de TBWA, qui avait fondé et dirigé l’agence publicitaire légendaire Duval Guillaume, avec son comparse Guillaume Van der Stighelen, avant de changer radicalement de cap et de s’offrir une pause carrière. Mais on ne chasse pas le naturel si facilement. En septembre 2011, il créa l’agence de marketing et de consultance en communication Ataraxia. Et en janvier 2013, il donna à nouveau son nom à une entreprise, Duval Union, une société d’investissement spécialisée dans la publicité, le marketing et la technologie. Ce qui fut déterminant dans le choix du lieu de l’interview. En effet, Broodnatie se situe tout près de De Stookplaats, où Duval Union posera ses valises en automne. Les sœurs Duval partagent l’amour de leur père pour la créativité et la communication. Jusqu’à il y a peu, Flavie était project manager chez Story. Valérie est, entre autres, manager en communication chez Saisons, une entreprise dédiée exclusivement aux spécialistes de la beauté et aux centres de bien-être.
La musique et les affaires
La créativité est-elle une caractéristique partagée par tous les Duval ?
André : « C’est à dire que mon père était chanteur d’opéra (rires). C’était un authentique Anversois du sud, plus précisément de la place Lambermont. Et son père à lui était pianiste. Il avait d’ailleurs joué pour des films muets, mais il était aussi chausseur, bottier et bourrelier. Outre mon père, il y avait quatre frères qui étaient musiciens. Ils chantaient et jouaient toutes sortes d’instruments. Une dame juive a un jour reconnu le talent de mon père et l’a soutenu pour qu’il puisse devenir ténor à l’opéra. Pour joindre les deux bouts, il faisait aussi des petits boulots dans le domaine immobilier, mais il a fini par abandonner l’opéra pour devenir agent immobilier, ce qui lui a permis de bien gagner sa vie. Ce que je veux dire, c’est que j’ai grandi dans un monde rempli d’art, d’opéra et de créativité grâce à mon père. Mais d’autre part, mon père voulait gagner de l’argent. Réussir dans la vie, c’était ce qu’il y avait de plus important pour mes parents. Et pour moi aussi. L’art et les affaires ont toujours été importants, c’est pourquoi j’ai choisi une formation en publicité dès l’école secondaire. »
La famille Duval fait-elle encore de la musique ?
Valérie : « Bon sang ne saurait mentir. Mon père nous a transmis l’amour de son père pour la musique. Nous avons non seulement la créativité, mais aussi l’esprit d’entreprise dans le sang. Nous savons savourer pleinement la musique. »
Flavie : « Notre père nous a toujours parlé de musique avec passion et énergie. Ca a piqué notre curiosité. »
Et vous avez tous atterri dans le même secteur.
Flavie : « Je n’ai fait que tenter ma chance. J’ai rencontré de nombreuses personnes passionnantes dans notre domaine et vécu de beaux moments. »
Valérie : « Nous avons la chance d’être dans un secteur aux multiples facettes. »
À votre service
Flavie, tu as toujours été account manager, qu’est-ce qui t’attire dans ce poste ?
Flavie : « Je suis très structurée et je peux très bien exécuter un plan de a à z. Ensuite, je m’entends bien avec les gens et j’aime travailler en équipe. Je me mets avec enthousiasme au service des clients. On peut le voir dans tous les aspects de ma carrière. Mon tout premier emploi était chez KPN Orange, mais honnêtement, c’était surtout pour leur salle de gym (rires). J’ai ensuite été chez All That Jazz, TBWA et CreAdvice. Jusqu’à récemment, je travaillais pour le Persgroep. »
Valérie, pourquoi as-tu décidé de travailler dans cette branche ?
Valérie : « Mon point fort c’est la créativité. Mais j’ai déjà travaillé comme account manager. J’aime rassembler différentes personnes. En tant que account manager, je jouais par exemple les intermédiaires entre les clients et les créatifs, par ailleurs j’organisais aussi souvent des événements. J’ai commencé ma carrière chez UPS. Ensuite, je suis arrivée dans le monde de la publicité, et plus précisément chez LDV United. Je l’ai quitté par la suite pour partir faire le tour du monde, et je suis ensuite revenue pour commencer ma carrière dans le monde de l’événementiel, chez Mergits-Van Hecke. Après quoi je suis passée chez Choco, avant de commencer à organiser moi-même des événements. »
André : « Le fil rouge n’est pas tellement la publicité… »
Valérie : « C’est l’organisation et le multitasking – ce que les femmes font naturellement super bien, n’est-ce pas ? (rires). »
Flavie : « Quant à moi, j’ai toujours été une pleaser. Cela aide naturellement beaucoup auprès des clients. »
D’une façon ou d’une autre, vous vous êtes tous retrouvés dans la même branche. Est-ce l’héritage familial ?
Flavie : « C’est l’évolution naturelle. »
Valérie : « Il s’agit de ce que nous avons vu et entendu. Nous avons appris de nouvelles choses, essayé de nouveaux produits, fait connaissance avec l’envers du décor. Il ne s’agit pas seulement d’un bel objet ou d’un beau logo, mais aussi de savoir qui est l’entreprise derrière. Quelle est son histoire et quelle est sa culture ? »
André : « Le fil conducteur est très certainement la créativité. Mais cette créativité se retrouve surtout dans la façon de communiquer avec les gens. »
S’agit-il d’une performance ? De savoir parler en public ?
André : « C’est justement ce qui m’a longtemps fait peur. J’ai cru mourir de trac avant ma première intervention en public, mais finalement ça s’est bien passé. Et je n’aime toujours pas ça. »
Valérie : « Lorsque nous avons dû commencer à faire des présentations en public, nous avons pu puiser dans tes histoires. Tu nous as appris comment raconter une histoire avec nos propres mots et à ne pas juste meubler. »
André : « Ce sont des techniques de présentation, des pitches, des formules qui marchent pour raconter une bonne histoire. »
Valérie : « Au fil des années, nous nous sommes rendu compte que nous avions appris à la maison ce que nous aurions dû apprendre à l’école. »
André : « Les compétences sociales, tout d’abord. Et les langues. Flavie et Valérie sont toutes deux trilingues. Manifestement, j’ai réussi à leur communiquer mon enthousiasme. »
Flavie : « Nous avons choisi une formation en communication, car c’est très vaste. »
André : « En tout cas, mon ambition n’a jamais été de vous entraîner dans le monde de la publicité. »
Une autre époque
Depuis vos débuts, le secteur a énormément changé. Il est devenu beaucoup plus dur, non ?
André : « À vous entendre, on dirait qu’il était facile avant (rires). »
Mais il est devenu plus difficile ?
André : « Oui, vous avez raison. Le secteur est devenu plus complexe et plus compliqué. Et surtout, il est devenu mesurable. C’était différent avant. Avant, la mesurabilité c’était surtout de l’interprétation. Pourquoi une campagne n’avait-elle pas marché ? On pouvait trouver des dizaines d’hypothèses. Une campagne était-elle suffisamment bonne d’un point de vue créatif ? Cela donnait lieu à tout un débat. C’est ça qui rendait le secteur si passionnant. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Avec la numérisation, tout peut être suivi et mesuré dans les moindres détails. »
Valérie : « Le consommateur a aussi beaucoup plus sont mot à dire. »
André : « Par le passé, c’était beaucoup plus facile d’influencer les gens. C’est pourquoi je dis souvent ‘soyez les gens intelligents’. Nous ne voulons pas des gens qui sont pétris par la publicité. Mettez les choses en perspective. Ne prenez pas tout pour argent comptant. Soyez résistants. Cela ne veut pas dire que la publicité est forcément mensongère, mais une histoire a toujours plusieurs vérités. »
Valérie : « Avant, on vendait des produits ; aujourd’hui, on vend des expériences. »
André : « Avant, on pouvait encore vendre un produit parce qu’il était différent, mais aujourd’hui, les gens connaissent les produits. Il ne s’agit plus de leur image, mais de toute une expérience. »
L’époque de Mad Men est révolue. Sommes-nous à l’époque de Math Men ?
André : « Ah, pas mal ! Oui, tout à fait. C’est ça qui est passionnant. Je voulais sortir du secteur, mais il est devenu tellement intéressant ! On peut faire un nombre incroyable de choses. Je suis surtout fasciné par les nouvelles technologies, pas parce qu’elles rendent les publicités plus efficaces, mais parce qu’elles changent nos vies déjà maintenant et les changeront encore davantage dans un avenir proche. »
Participez-vous à l’évolution des technologies ?
Flavie : « Au début de ma carrière, les technologies ne connaissaient pas encore de boom. »
Valérie : « Mon travail de fin d’étude portait sur les premières heures du www. C’était dans les années nonante. »
Avez-vous vécu tous ces changements ?
Valérie : « Absolument, mais cela s’est fait naturellement. »
Flavie : « Je n’ai jamais été passionnée par le monde numérique, mais j’ai participé. Par exemple, j’ai développé des intégrations hors ligne et en ligne. Mais ce n’est pas ce qui me motive. »
Valérie : « Je suis beaucoup plus active. J’ai eu un blog, j’ai créé des sites et je suis active sur Instagram. »
Flavie : « J’utilise plutôt cela dans ma vie privée. »
André : « Nous vivons une phase de transition. Nous ne sommes pas des millennials, nous venons de la génération précédente. Vous voyez aujourd’hui que les gens de plus de 35 ans sont moins digital-savvy que les nouvelles générations. »
Vous suivez tout de même ce qu’il se passe ?
André : « Tout à fait. Nous sommes tous les trois à la page. »