Les yeux, les oreilles et la voix de la marque

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On recherche : community managers. Description du poste : customer care, rédaction, blogging, communication d’entreprise, communication de crise, plan média… Différentes compétences qui se complètent. Nos cinq interlocuteurs témoignent de ce qui se passe dans la pratique lors d’une table ronde chez Bisnode. Petit détail intéressant : parmi les personnes présentes, aucune ne porte officiellement le titre de ‘community manager’.

Entrons directement dans le vif du sujet : qu’est-ce exactement que le community management ? Et quelles sont les qualités nécessaires ?

Désiré Dupas : Il faut être curieux et disposé à apprendre de ses expériences. Dans de nombreux cas, le customer care est au centre. Ce n’est pas la communication ‘top-down’ classique d’une entreprise ou d’une marque. Mais il ne faut pas généraliser. Pour une marque connue, telle que Chez Léon, il y a un trafic automatique. Il ne s’agit pas de faire connaître la marque, mais plutôt d’animer la page Facebook, de répondre aux questions des visiteurs, de lancer les promotions… Alors que pour une marque moins connue, il s’agit de faire connaître la marque par le biais des réseaux sociaux. Le community management s’apparente alors davantage à du plan média, avec, par exemple, deux posts pertinents par semaine. Vous développez une stratégie média que vous suivez et adaptez. Grâce à cela, vous parvenez à atteindre le bon groupe cible au bon moment avec le bon message.

Jim Deschepper : Il faut avoir une bonne connaissance technique des réseaux sociaux, ainsi que du secteur dans lequel le client est actif, afin de lui proposer un contenu pertinent. Avec BeerTourism.com, nous promouvons la Belgique, le tourisme de la bière et de la gastronomie. Nous travaillons avec des experts en fabrication de bière, en réseaux numériques et sociaux et avec des experts de terrain pour le tourisme, l’évènementiel et l’horeca. Nous communiquons aussi bien au niveau générique, que sur demande des clients. L’approche varie chaque fois énormément.

Jan Schraeyen : Nous avons commencé dans un vide. Dans le même temps, nous avons découvert des besoins spécifiques auxquels nous pouvons désormais répondre grâce à différentes compétences. Les réseaux sociaux ont ‘explosé’ dans toutes sortes de directions. Le community management requiert aujourd’hui une palette de compétences.

Jim Deschepper : Je le compare souvent au management d’événements. Par le passé il n’y avait pas de formation pour cela. Il faut avoir un sens de la communication, parler plusieurs langues, être doué pour l’organisation et être résistant au stress…

Florence Manente : Pour mon poste, une bonne capacité d’empathie, un sens de la communication et de l’humour sont des atouts.

Jan Schraeyen : Il faut pouvoir saisir les opportunités rapidement, avoir la volonté d’apprendre, adapter sa stratégie, tester de nouvelles plateformes. Dans ce job, on n’a jamais fini d’apprendre.

Alicia Van Coillie : Ne sous-estimons pas l’importance de la connaissance des langues. Il faut pouvoir anticiper les sensibilités culturelles. Par exemple, l’humour francophone est différent de l’humour néerlandophone. Ce qui fonctionne bien dans le nord ne fonctionne souvent pas du tout dans le sud du pays, et inversement. Chez Cool Blue, nous l’avons vite compris. Pour le moment, nous ne faisons pas de communautés francophones, parce que nous ne maîtrisons pas tout à fait cette culture.

Désiré Dupas : Il faut également pouvoir jouer avec les chiffres, dans notre domaine. C’est là que le marketing pointe le bout de son nez. Il faut pouvoir démontrer les retours sur investissements, grâce aux mesures adéquates et pouvoir mesurer les bonnes choses.

Jan Schraeyen : Chez BBDO, une équipe multidisciplinaire travaille avec les stratèges, les online marketeers et les créatifs sur les réseaux sociaux. Les créatifs doivent aussi tenir compte de la stratégie, car, en fin de compte, il s’agit de création appliquée.

Faut-il avoir soi-même des affinités avec le produit ou la marque ? Devez-vous croire vous-même au produit pour diriger la communauté ?

Alicia Van Coillie : C’est beaucoup plus facile si vous êtes vous-même 100% convaincu.

Jim Deschepper : Il y a une différence entre être passionné par un produit et être rationnellement convaincu par sa qualité. La bière déclenche de nombreuses émotions positives. C’est un beau produit, le fruit d’une grande expertise. Personnellement, je suis plus enthousiasmé par de la bière que par, disons, du carrelage. La passion de nos brasseurs est contagieuse.

Jan Schraeyen : L’empathie est nécessaire. Il faut pouvoir évoluer dans le monde de la marque et dans la bulle de la communauté. Cela aide pour la création. Qui sont les fans ? Qu’est-ce qui les intéresse ? Quel rôle joue la marque dans leur vie ?

Alicia Van Coillie : On développe une compréhension du groupe cible et de sa sphère d’influence. Il faut chercher les bons triggers, consolider le lien avec la marque par le biais d’un bon contenu présenté dans le bon ‘tone of voice’.

Désiré Dupas : Nous entrons dans le monde du groupe cible et regardons plus loin que l’agence pour laquelle nous travaillons. Quel est le profil socio-démographique de ces gens ? Comment entrer en contact avec eux ? Il n’est pas nécessaire d’être soi-même passionné par le produit, mais il faut croire réellement en sa valeur ajoutée.

Faut-il faire preuve d’une grande patience pour construire et gérer une bonne communauté ? Comment gérez-vous les réactions négatives ?

Florence Manente : À la STIB, nous sommes dans l’œil du cyclone. Nous sommes sans cesse critiqués, même pour des choses pour lesquelles nous ne sommes pas responsables. La direction nous considère comme une antenne extérieure. Nous prenons note des critiques et la direction écoute ces griefs. Les gens se plaignent parce qu’ils ne supportent pas le bruit des portes du métro, parce qu’un arrêt est difficilement accessible, parce que le chauffeur est impoli… Nous filtrons les critiques et nous examinons la façon dont nous pourrions améliorer nos services. Notre critique le plus acharné rassemblait même tous les griefs sur un blog ‘STIB fail’. Nous avons réfléchi avec lui, expliqué notre approche et nous avons ‘enterré’ son blog ensemble. Cet influencer est désormais l’un de nos plus grands ambassadeurs.

Alicia Van Coillie : Vous devez pouvoir prendre de la distance, car les réactions sont souvent émotionnelles. Il faut montrer de la compréhension, mais ne pas tout prendre pour argent comptant.

Jim Deschepper : La règle d’or, c’est de rester courtois. Nous ne publions pas d’échanges d’insultes. Ce n’est pas une question de censure, mais sur les réseaux sociaux, nous assistons à la grande bataille de l’égocentrisme. Certains abusent des réseaux sociaux pour chercher de l’attention.

Jan Schraeyen : Lorsque nous constatons que la communauté réagit négativement à notre contenu, c’est que nous avons mal joué.

Désiré Dupas : Nous voyons un changement, les gens envoient désormais leurs critiques par messages privés sur Facebook et autres. Les marketeurs doivent s’efforcer de garder les pieds sur terre. Ne faites jamais de promesse que vous ne pourrez pas tenir, car vous vous recevriez une volée de bois vert.

Suivez-vous ce que fait la concurrence ?

Florence Manente : Nous gardons un œil sur les initiatives de De Lijn, de la SNCB et de la TEC.

Alicia Van Coillie : Nous suivons d’autres marques et comparons notre image sur les réseaux sociaux, tout en tenant compte de la personnalité spécifique des marques.

Jan Schraeyen : Chez BBDO, les competitive reviews sont une procédure standard. Cela ne signifie pas que nous suivons tout. On peut apprendre beaucoup de ses concurrents. S’ils sont considérés comme étant trop chers, c’est une porte qui s’ouvre pour leurs challengers. Un prix attractif pourrait alors séduire ceux qui hésitaient à changer de marque.

Qu’apporte vraiment le community management ? Quels sont ses grands avantages ?

Florence Manente : Vous prenez le pouls du consommateur final, vous surfez tout de suite sur les tendances émergentes. Regardez le coup du STIB Fail.

Désiré Dupas : En tant que marketeur, vous avez accès à un canal ‘one to many’ à fort impact. Vous pouvez ouvrir le débat. Et surtout, vous pouvez faire des économies dans le customer care, car un message bien ciblé remplace une pléthore de mails individuels.

Jan Schraeyen : Une meilleure segmentation est un bon point pour toute marque. Vous nuancez votre message selon un groupe ciblé qui peut avoir un âge ou des intérêts différents… De cette façon, votre communication est plus percutante. Vous essayez de trouver la meilleure façon d’entrer en contact et vous vous adaptez. Certaines marques misent tout sur les réseaux sociaux, d’autres s’en servent pour soutenir leurs campagnes. En investissant un peu moins dans le above the line et en investissant cet argent dans les réseaux sociaux, vous faites vivre vos campagnes plus longtemps au sein des communautés.

Jim Deschepper : Cela fait longtemps que le nombre de « likes » ne veut plus rien dire. C’est l’engagement qui compte et il n’est pas à vendre. Regardez le degré d’interaction au sein de la communauté. A quel point la marque ou le produit vivent-ils vraiment ?

Désiré Dupas : Cela s’inscrit dans la vie de la génération ‘second screen’. Les gens regardent de plus en plus souvent la télévision avec une tablette ou un smartphone à la main. On peut les atteindre avec un message personnalisé, envoyé par le bon média au bon moment. De plus, vous connaissez la portée, le nombre de clics, vous savez combien de fois des liens sont ouverts.

Comment faites-vous pour convaincre les annonceurs ? Et comment prouvez-vous le retour sur investissement (ROI) ?

Jan Schraeyen : Nous pouvons donner des indications sur la portée que crée un certain comportement. Une telle estimation n’est jamais absolue, mais les conversions récoltées après une campagne télévisée ne le sont pas non plus. Chez BBDO, nous travaillons dans une perspective à 360°. Nous accordons le bouquet médiatique à la stratégie. Les réseaux sociaux ont le grand avantage que l’on peut réagir très vite.

Jim Deschepper : Nous ne faisons pas de promesses vides, nous ne garantissons pas qu’un certain budget aura une certaine portée. Nombreux sont ceux qui profitent de la crédulité ou du manque de connaissances de leurs clients. Comment peut-on garantir une portée sur Twitter alors que ce média ne divulgue aucun chiffre ?

Désiré Dupas : Comme dans les médias au sens large, il ne s’agit pas de ‘1 pour 1’. Il faut prendre du recul. Par exemple, vous faites des économies de temps et d’argent en ne devant pas répondre à chaque e-mail individuellement.

On augmente le ROI en attirant plus de clients, en augmentant les dépenses par client, en les conservant plus longtemps ou en récoltant davantage de résultats avec moins de moyens. Cela vaut-il aussi pour le community management ?

Florence Manente : Auprès de la STIB, le ROI se traduit surtout par une image positive. Nous récoltons beaucoup de sympathie en réagissant rapidement. Les gens apprécient l’effort, nous l’avons remarqué dans notre communication de crise après les attentats de Bruxelles. Nous étions toujours disponibles pour mettre à jour les informations pratiques.

Désiré Dupas : Chez Léon mise plutôt sur des promotions pour attirer plus de clients. Le résultat ? Une forte augmentation du chiffre d’affaire.

Jim Deschepper : Vous créez une demande qui n’existait pas avant, il faut pouvoir assumer cette demande. Un autre avantage, c’est la mine d’or de données des consommateurs que vous pouvez exploiter. Par exemple, nous savons quel type de bière se vend bien (ou pas du tout) dans le sud-ouest de l’Angleterre et où sont les points fors, pour un brasseur, dans une région donnée.

Jan Schraeyen : Nous nous assurons que les marques restent en ‘top of mind’. Nous mesurons l’évolution de la reconnaissance de la marque, le nombre de clics et d’inscriptions. Dans le marketing inbound, nous lions désormais ensemble, la totalité du parcours sur les réseaux sociaux et les médias en ligne. Nous travaillons à un marketing cohérent sur tous les différents touch points, qu’ils soient online ou offline.

Le community management fonctionne-t-il de la même façon pour les petits annonceurs locaux que pour les grands ?

Désiré Dupas : On peut exploiter le contexte local et l’actualité locale encore mieux pour des acteurs locaux tels que Chez Léon ou les centres de shopping bruxellois. Cela ouvre une légion de possibilités pour du contenu pertinent, même avec un budget limité.

Le community management se limite-t-il aux réseaux sociaux ?

Jim Deschepper : Non. L’année dernière, fin août, nous avons lancé notre premier North Sea Beer Festival au parc Léopold à Oostende. Nous avons eu plus de 5.000 visiteurs, parmi lesquels beaucoup d’Américains, de Britanniques et de Brésiliens. Nous avons rencontré notre communauté internationale en chaire et en os pour la première fois. Tous ces gens étaient venus à Oostende par BeerTourism.com. Nos clients aussi – qui tenaient les stands – ont aussi pu rencontrer notre communauté. Notre histoire est immédiatement devenue beaucoup plus tangible.

Les agents de conversation de type Chatbot peuvent-ils changer le community management ?

Désiré Dupas : J’y vois surtout des avantages. On peut développer des scénarii pour les questions fréquentes, par exemple sur les heures d’ouverture et l’accessibilité. Cela libère du temps que l’on peut consacrer aux questions plus complexes. De tels outils facilitent et viennent en renfort au community management.

Le community management belge est-il mûr ou peut-il encore grandir ?

Jan Schraeyen : Il y a encore de la place pour une croissance en stratégie et création, chez le client aussi. Les annonceurs internationaux peuvent prévoir davantage de marge pour le contenu local. Le community management va continuer d’évoluer, avec de nouveaux canaux et outils. C’est important de déterminer les objectifs à l’avance et de savoir par où commencer. Selon moi, le potentiel du marketing et de la communication est encore sous-exploité. On investit trop peu dans les bons outils. En tant que marketeur, vous avez la possibilité de suivre les conversations, de les orienter à votre guise, de réagir avec le bon ‘tone of voice’, de promouvoir les valeurs de votre marque et de rendre votre marque pertinente. Vous pouvez suivre les choses en continu et réagir aux questions en temps réel. De plus, vous pouvez faire un benchmarking au delà de vos plateformes habituelles et générer des leads en segmentant de près un groupe cible de personnes intéressées.

Jim Deschepper : Le marché évolue vite, mais on peut faire mieux et voir plus grand. Pensez aux possibilités d’activation. Mais il faut convaincre le client, il doit se sentir activement concerné par la communauté et y participer lui-même.

Alicia Van Coillie : Personnellement, j’opte pour un scénario ‘always on’. Je construis des relations avec des influenceurs, des bloggeurs et des journalistes. De cette façon, vous avez des ambassadeurs de la marque. 50 fans enthousiastes de la marque valent mieux qu’un soutien large mais passif.

Désiré Dupas : Cela évolue dans la bonne direction. Nous devons maintenant apprendre à mieux maîtriser les mesures. Pensez aux opportunités des études de marché. Avec des outils d’écoute des réseaux sociaux, vous pouvez savoir à quoi réagit la communauté, ce qui se dit spontanément. Vous pouvez aussi faire une analyse de la concurrence. Avec suffisamment d’avantage d’échelle, vous pouvez atteindre le bon groupe cible au bon moment et sans dépenser beaucoup. C’est une courbe d’apprentissage constante. Regardez l’approche de Cool Blue où tout tourne autour de la satisfaction du client. Chaque contact avec les clients est intégré dans une stratégie visant à construire des relations durables. Chaque fois, le client est reconnu et remercié pour sa fidélité. Tout est également fait pour constamment améliorer le service. Le community management s’intègre parfaitement dans leur stratégie.

 


Qui est qui ?

Florent Diverchy, digital consultant chez Bisnode et modérateur de cette table ronde ;

Florence Manente, social media editor chez MIVB-STIB

Alicia Van Coillie, community manager chez Mediabrands Publishing Belgium (Fanta, Sprite et Quick)

Jim Deschepper, co-fondateur et propriétaire de la plateforme en ligne BeerTourism.com

Jan Schraeyen, social content producer chez BBDO Belgium (William Lawson’s, Eristoff, Martini, Douwe Egberts, Vier, Decathlon, JCDecaux, Nescafé, LIDL, Bellewaerde, Walibi...)

Désiré Dupas, social media & digital project manager chez Mission-systole (Alcatel, Chez Léon, Les carrières du Hainaut, Les Galeries de la Toison d'Or)