L'homme qui apprit à guider son peuple : formation médiatique pour les politiques

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De man die... Jeroen Vershakelen PUB 4

L'homme qui apprit à guider son peuple : formation médiatique pour les politiques - Jeroen Verschakelen

En cette époque où la politique entretient des rapports tendus avec la presse, la demande d'une formation médiatique de qualité se fait entendre de plus en plus fort, même à la rue de la Loi. Selon certains, tout le monde aurait à gagner d'une communication plus claire sur les thèmes politiques, même si certains sont alarmés par le revers de la médaille. D'après Evert van Wijk de MediaTraining Benelux, les politiques veulent souvent en raconter trop, ce qui embrouille souvent les esprits. « Nous aidons nos clients à faire passer de manière précise l'essentiel de leur message, et nous leur apprenons à faire preuve d'une certaine habileté, par exemple pour contourner les questions pièges. De manière plus générale, l'idée consiste à rester maître de son propre récit. Il faut veiller à renvoyer une image positive, trouver un bon équilibre entre son côté assertif et empathique, et faire en sorte qu'on vous trouve sympathique sans risquer d'ensevelir votre message. »

Evert van Wijk (MediaTraining Benelux) : « Il est important de trouver un bon équilibre entre son côté assertif et empathique. »

Rester positif

« Geert Wilders emploie par exemple trop souvent un ton négatif, par exemple au sujet de l'impôt sur le port du voile, qu'il a baptisé “ kopvoddentaks ”, ou taxe sur les chiffons de tête. Il faut toujours parler du sujet et non de la personne, et toujours respecter l'adversaire. Tom Van Grieken, avec qui nous avons d'ailleurs travaillé en amont des dernières élections, l'a par exemple bien mieux compris. Pouvoir s'exprimer plus clairement en tant que politique donne lieu à une situation gagnant-gagnant, car cela facilite la tâche de l'électeur. Mais il reste tout de même important que les journalistes continuent de poser les bonnes questions. »

Jeroen Wils (Bepublic) : « Les politiques doivent également faire preuve d'une certaine authenticité. »

Pour l'agence de RP Bepublic aussi, les politiques doivent pouvoir maîtriser eux-mêmes leur communication : « Il faut être capable de retrouver ce qu'on veut raconter dans l'article qui sera publié », explique Jeroen Wils, managing director. « Nous conseillons donc aux politiques de résumer leur récit en un maximum de trois messages clés, et de répéter ces points le plus souvent possible. Avec une communication plus claire et plus précise, vous évitez qu'un journaliste fasse de vos propos sa propre version. Nous affirmons aussi toujours qu'il faut parler le langage d'un jeune de quatorze ans afin de s'adresser à un public large. »

Jo De Poorter (SuccesCoaching) : « On ne peut jamais complètement dissocier la forme du contenu. »

Besoin d'authenticité

« Pour autant, je ne suis pas insensible aux dangers du politique “ trop entraîné ”, » ajoute Jeroen Wils : « Il faut toujours rester authentique, car les gens n'admettent pas qu'un politique se contente de faire de beaux discours. Nombre de décideurs politiques tentent par ailleurs de se profiler selon le jeu politique, mais les gens sont las de ces querelles. Ils ont l'impression de payer beaucoup d'impôts et veulent que des solutions concrètes soient proposées pour les problèmes de mobilité, de sécurité sociale, etc. »

« Il revient aux journalistes de continuer à poser les bonnes questions » - Evert van Wijk

L'ancien présentateur de télévision Jo De Poorter, actuellement formateur et stratège en communication chez SuccesCoaching.com, estime par ailleurs que le public d'aujourd'hui est beaucoup plus critique. « Dans le temps, il était plus facile de masquer ses erreurs, alors qu'aujourd'hui, les dérapages prennent rapidement de l'ampleur. Il suffit de voir Kris Peeters, qui a confondu le Steen d'Anvers et la Maison des Bouchers pendant une visite guidée, une gaffe impardonnable pour sa campagne à Anvers. »

« Les gens en ont assez que l'argent de leurs impôts revienne à des chamailleurs » - Jeroen Wils

La pratique aboutit à l'art

« L'erreur la plus grave que commettent les politiques est qu'ils ne se préparent pas suffisamment. Ils connaissent le même sort que les sportifs ou les artistes. J'aime prendre l'exemple des Beatles, qui ont répété pendant des dizaines de milliers d'heures avant de connaître le succès. » Il passe d'ailleurs lui-même une heure et demie à deux heures par jour à étudier la spécialité des clients qu'il conseille. « On ne peut bien entendu jamais dissocier la forme du contenu. La plupart du temps, les politiques viennent chez moi avec une question spécifique­, mais souvent, l'enjeu est tout autre. Lorsque, par exemple, ils n'arrivent pas à faire passer un message à cause de considérations liées à la durabilité, cela signifie que leur point de vue n'est tout simplement pas suffisamment durable. »

«  Dans le temps, il était plus facile de masquer ses erreurs » - Jo De Poorter

La formation médiatique ne se contente donc pas de s'occuper de l'emballage, mais influence également le message lui-même. Une affaire délicate. Et si d'un côté, l'électeur doit oser regarder au-delà des belles promesses et des slogans bien trouvés, les politiques ne doivent pas, de leur côté, sous-estimer l'intelligence du public. Autrement, le gouvernement risque d'être perçu comme réellement condescendant.