Ma voix pour un tweet

Articles traduits

Jesse Klaver
Les tweets de Donald J. Trump et Theo Francken sont légendaires. Aujourd’hui, les personnalités et partis politiques exploitent largement les réseaux sociaux. Ils offrent en effet une bonne alternative aux sondages d’opinion classiques, tout en servant d’outil de recrutement efficace. - Erik Verdonck
Reinout Van Zandycke, le fondateur d’Exposure, une agence de conseils en communication, a étudié l’utilisation des réseaux sociaux dans la communication politique aux États-Unis, en France et aux Pays-Bas. Il a compilé ses conclusions dans un livre intitulé « Het Nieuwe Campagne Voeren » (« La nouvelle façon de faire campagne », ndt) et publié par Academic & Scientific Publishers. « Tout est une question de persuasion, » souligne Reinout Van Zandycke. « Le résultat des votes n’est visible qu’à plus long terme. Il faut donc continuer à convaincre les électeurs. »
Dans cette optique, le communicateur préconise un recours à la science et à la psychologie plutôt qu’à l’intuition. La communication en ligne se professionnalise de plus en plus, et les réseaux sociaux sont incontournables pour la jeune génération de digital natives à laquelle il appartient.
Reinout Van Zandycke a créé son agence alors qu’il était encore étudiant en communication politique à l’université d’Anvers. Il conseille aujourd’hui plusieurs personnalités et partis politiques flamands. « Aujourd’hui, nous pouvons faire campagne autrement, » estime-t-il. « Les candidats doivent se rapprocher le plus possible du public en diffusant un message aussi pertinent que possible. Dans les grandes lignes, il est possible de distinguer trois groupes d'électeurs : vos propres adhérents, les militants des autres partis et les indécis. Nous conseillons de miser au maximum sur vos propres adhérents et sur les indécis. Si vous êtes relativement peu connu, concentrez-vous sur vos sympathisants. Les personnalités politiques connues pourront davantage se focaliser sur les électeurs qui hésitent. » Les électeurs ne votent généralement pas pour des partis (votes de liste), mais pour des personnes (votes préférentiels). Les réseaux sociaux amplifient l’impact du personal branding. Qui plus est, Facebook a récemment annoncé qu’il mettrait encore plus en valeur les récits personnels. Les personnalités politiques comme Emmanuel Macron se profilent plutôt comme les porte-paroles d'un mouvement et non d'un parti. Une tendance qui concerne aussi notre pays.
emmanuel macron
Les données et la psychologie
La politique reste une affaire locale. Les formules à succès provenant des États-Unis, des Pays-Bas ou de France ne peuvent pas être copiées facilement. « Il faut toujours tenir compte du contexte, de la législation et des usages locaux, » affirme Reinout Van Zandycke. Une équipe néerlandaise a développé un outil pour l’analyse du big data en communication politique, nous explique-t-il : « Ils ont entrevu plus de potentiel en Israël qu’en Flandre, parce que notre système électoral est totalement différent. Il n’empêche que nos personnalités et partis politiques ont aussi intérêt à pratiquer le micro-ciblage à l’aide de données en temps réel. Cela leur permettra de communiquer le plus pertinemment possible, d’évaluer et d’adapter leur stratégie au besoin. » Les médias de masse sont rattrapés par le micro-ciblage. Cette technique repose sur le traitement des profils personnels de micro groupes cibles se composant, par exemple, de quelques milliers de ménages ou des habitants d’un seul immeuble. Vous connaissez vos sympathisants, vous savez où ils habitent, et vous misez sur ces données. Pourquoi continuer à distribuer des tracts dans des rues sans électeurs potentiels ? Tout repose sur l’analyse de données. « Il s’agit de coupler des données intelligentes et des perspectives psychologiques, » estime Reinout Van Zandycke. « Où se trouvent vos adhérents ? Qui sont ces personnes ? Que font-elles ? Quelles sont leurs motivations ? »
Variations sur thèmes connus
Les partis communiquent sur des thèmes importants comme la sécurité, la mobilité et la migration. Ils cherchent le visage qui convient le mieux à ces thèmes. Reinout Van Zandycke : « Définissez vos points forts, trouvez quelqu’un qui incarne le thème en question, et répétez votre message. » Si vous parlez de sécurité à de jeunes familles, concentrez-vous sur la sécurité routière pour les enfants. Si vous vous adressez à des personnes de cinquante ans ou plus, mettez plutôt l’accent sur les soins aux personnes âgées. Vous adapterez ainsi un thème vaste à des groupes cibles spécifiques. Les personnalités politiques choisissent le canal adéquat, par exemple Twitter, pour atteindre leurs sympathisants ou recruter de nouveaux membres et volontaires. « Je compare Twitter à un café bondé, dans lequel tout le monde se connaît, » s’amuse Reinout Van Zandycke. « Facebook est un canal très large. Vous y trouverez davantage la confirmation de vos convictions que des informations. » (Note de la rédaction : nous vous suggérons de relire les phrases ci-dessus. Vous reconnaîtrez inévitablement dans ce type de comportement les utilisateurs de Twitter notoires et parfois décriés de la politique belge : des personnes comme Charles Michel, Theo Francken et Elio Di Rupo, mais ils ne sont certainement pas les seuls.)
Elio Di Rupo
Contexte local
Enfin, le contexte local joue aussi un rôle primordial, notamment dans le cadre des élections communales qui approchent. Les contacts personnels sont cruciaux dans les villages, tandis qu’en ville, les contacts sont plus anonymes, et les habitants consultent plus rapidement Internet. Les réseaux sociaux aident les candidats à préparer leurs visites locales. Ils ne sont plus de parfaits inconnus, car leur visage est sur Facebook. Il est aussi possible d’analyser la concurrence à l’aide des réseaux sociaux. Les candidats qui souhaitent atteindre les entrepreneurs locaux pourront, par exemple, consulter les pages spécifiques de l’Union Wallonne des Entreprises pour déterminer les thèmes qui leur tiennent à cœur et le style de communication qui fonctionne.
(encadré)
Trucs & astuces

  • Choisissez un « porte-image », plutôt qu'un porte-parole : il incarnera le message diffusé et paraîtra authentique ;
  • Construisez votre image de marque personnelle : qui êtes-vous, quelle impression voulez-vous donner ?
  • Informez, communiquez et appliquez les règles de la psychologie de persuasion ;
  • Adressez-vous de la manière la plus pertinente possible à votre groupe cible ;
  • Favorisez les interactions avec votre groupe cible, posez des questions, réagissez ;
  • Parlez avec votre groupe cible, et non à votre groupe cible ;
  • Diffusez un message transparent et fédérateur ;
  • Construisez votre communication politique à partir des données et de la psychologie.

 
 
(Légendes photos)
Reinout Van Zandycke (Exposure) : « Il s’agit de coupler des données intelligentes et des perspectives psychologiques. Où se trouvent vos adhérents ? Qui sont ces personnes ? Que font-elles ? Quelles sont leurs motivations ? »
Emmanuel Macron et Elio Di Rupo sont très actifs sur Instagram.
L’homme politique néerlandais Jesse Klaver exploite parfaitement le pouvoir des vidéos sur Facebook.
(Bandeau)
« Les réseaux sociaux amplifient l’impact du personal branding » - Reinout Van Zandycke