MDB 2012: La crise, c’est maintenant

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Media investments / Pas de surprises

A la même époque, voici tout juste un an, nous avions qualifié le bilan des investissements publicitaires de peu "euphorisant". La nouvelle cuvée confirme la précédente. Le tableau peut paraître rassurant: il est stable. En constant, on peut même parler d’une hausse. Mais il s’agit évidemment d’un baromètre de la valeur brute tarif définie d’une manière extrêmement large. L’indicateur des agences médias sanctionne lui un recul indiscutable des chiffres nets du marché belge des médias.

Pour le baromètre MDB, concocté sur base des données Mediaxim,  les médias gagnants de 2012 sont Internet, le cinéma, la radio et l’affichage. Recul de la télévision, malgré une croissance du nombre d’acteurs présents. Le média reste toutefois de loin le plus fréquemment utilisé par les annonceurs et le volume de publicité qu’il a diffusé est en hausse par rapport à 2011.
En termes constants, c’est une surprise, Internet ne progresse pratiquement pas en 2012. Mais le périmètre MDB n’est pas exhaustif par rapport à l’ensemble de la communication digitale.
Finances, distribution et énergie sont les secteurs les plus en vue du point de vue de la croissance faciale. Les produits de grande consommation (FMCG) sont généralement mal orientés.
Le sommet du top des annonceurs reste inchangé, avec le trio P&G, Unilever et d’Ieteren.

Le marché média en recul
Pour l’évolution nette du marché média en Belgique, la réponse est assez facile: selon l’UMA (United Media Agencies), le chiffre d’affaires consolidé des agences médias a reculé de 5% en 2012 par rapport à 2011. Comme l’UMA représente une majorité du marché, il y a peu de chances que le volume d’affaires qui ne lui est pas dévolu évolue dans un sens contraire. On peut donc considérer une contraction de 5% comme une représentation correcte de la réalité.
En termes économiques, c.à.d. en prenant en compte la dépréciation mécanique due à l’inflation, le tableau est même encore plus sombre. Les dernières prévisions du Bureau du Plan annoncent en effet une inflation de 2.9% en Belgique en 2012. Ce qui signifie qu’en termes constants, le marché belge des médias a perdu pratiquement 8% en 2012 par rapport à l’année précédente. On a connu année plus faste!
Evidemment, les courbes de conjoncture et de confiance du consommateur publiés par la Banque Nationale ne pouvaient pas laisser d’illusions: la crise est bien là, et le secteur de la communication la subit au même titre que d’autres.

Cité par le magazine Stratégies (10/01/2012), Maurice Lévy, le patron de Publicis résume d’ailleurs bien la tendance: « Le marché de la publicité ne se porte pas bien bien, et le ralentissement auquel nous assistons depuis l’été dernier s’est encore accentué. » On verra en effet plus loin que le 2e semestre 2012 n’a pas été bon.

Les paradoxes de la crise

Ce recul en chiffres nets contraste avec l’ évolution du baromètre MDB.  Mesure de volume publicitaire, avec une valorisation tarifaire qui ne tient pas compte des remises ni même de l’application simple des conditions générales de vente des médias, la base de données MediaXim-MDB affiche en facial une relative stabilité du total. Valorisé globalement à 3.6 milliards en 2012, le marché média belge vu sous la loupe MDB a stagné. Mais preuve du découplage entre valorisation « façon MDB » et évolution comptable réelle, une estimation «MDB en termes constants » nous donne même une surprenante évolution positive, à +3.6%! Etonnant? A priori oui, mais d’autre part symptomatique d’une crise où les tarifs sont sous pression et où le volume diffusé augmente sous l’effet des remises tarifaires.

Source: CIM MDB – Adstat Mediaxim. Constant indexes = Space estimates

Facialement, c’est la presse, surtout la magazine, qui encaisse le coup le plus dur. A l’exception de la presse régionale gratuite qui affiche un faible +1%, aussi bien les journaux que les magazines accusent un recul en courant et en constant.
Pour la presse magazine, la neutralisation des titres qui ne trouvent pas dans les deux éditions MDB aggrave un peu (à -4.4%) le ratio d’évolution. Mais la prise en compte d’un recul tarifaire (-2.3%) amène la vue « constante » à -1.8%.
Corrigée des adaptations tarifaires (+1.4% en 2012 par rapport à 2011 pour le ¼ de page, format proche de la moyenne du marché), la presse quotidienne affiche alors une baisse de -3.5%, soit le recul le plus sévère enregistré.
En out of home, le +4.8% en « courant » peut être corrigé d’une inflation tarifaire estimé à +0.7%, soit une quasi stabilité.
Pour la radio, une évolution tarifaire légèrement négative (-1.4%, coût moyen de spot) vient encore embellir la progression en courant, à près de 6%.
Pour le cinéma, la progression du prix des espaces (+3.1% en 2012) limite l’évolution faciale du média à +3.5%.
En Internet, à périmètre de sites constants, le marché progresse de 6.2%. La prise en compte de la hausse du prix des espaces (méthode utilisée dans le document UMA sur les prix et coûts de la publicité) « déflate » ce ratio de 5.8%, ramenant le média Internet à un très modeste +0.4% dans le périmètre MDB, qui –pour rappel- ne couvre pas l’ensemble du spectre de la communication digitale.
Le paradoxe le plus important vient de la télévision. Celle-ci a connu en 2012 l’arrivée de plus nouveaux acteurs: la régie Transfer (Njam!, National Geographic, Acht, ainsi que Cartoon Network), les chaînes Disney (Nord et Sud), Discovery et Nick Junior (SBS). En les retirant de la base de comparaison, on obtient une valorisation faciale en baisse de 1.7%. Mais la prise en compte de l’évolution tarifaire et uniquement tarifaire, suivant la méthode UMA, donne un ratio d’évolution annuelle de -10% en 2012 par rapport à l’année précédente… Soit une très surprenante évolution à +8%. Impossible? Rappelons que l’on ne parle ici que de valorisation, pas de revenus réels. On notera également que la durée publicitaire diffusée en 2012 est, à chaînes constantes, en hausse de 10% par rapport à 2011. Le volume de publicité présent sur les chaînes TV belges a donc bien augmenté en 2012, parallèlement à une baisse de leurs tarifs publicitaires.
La télévision, toujours premier média belge
En « courant », les parts de marché des médias ne sont pas fondamentalement modifiées. On note une progression de la radio, d’Internet, mais aussi de l’affichage. Mais la télévision garde –et de loin- son statut de média le plus souvent utilisé par les annonceurs en Belgique.

Vu de manière large (en absolu, sur trois ans), on constate que la ventilation mensuelle la plus régulière est celle de la télévision. La radio suit une courbe moins régulière avec un premier semestre 2012 en hausse par rapport aux deux années précédentes puis une évolution moins favorable au cours de la 2e moitié de 2012. L’affichage est en 2012 systématiquement en meilleure position que l’année précédente, tandis que la presse magazine et quotidienne décroche clairement au cours des derniers mois de 2012. Mais les évolutions les plus erratiques concernent Internet, où aucune saisonnalité précise ne semble se manifester sur les trois années étudiées.

Finance et distribution en pointe

En 2012, les « macro-secteurs » qui ont le plus progressé sont l’énergie, les services (surtout les annonceurs financiers, voir plus loin et les pouvoirs publics) et la distribution. La communication corporate affiche la plus forte progression relative, mais il faut bien dire que ce segment est très petit dans la totalité: avec une hausse de 25% d’une année à l’autre, il ne contribue que pour 7% à la croissance globale du marché.
Les secteurs de produits de grande consommation affichent un recul global de 4% par rapport à 2011: avec un recul du volume diffusé de plus de 32 millions d’euros, les annonceurs de cette catégorie plombent l’évolution annuelle du marché. Les trajectoires contrastées des fabricants (les produits de grande consommation, visibilité en baisse) et des distributeurs (valeur média en hausse) est assez symptomatique des pressions qui s’exercent sur les FMCG: grande distribution exigeant des prix très maîtrisés d’une part, et coûts de revient en hausse de l’autre, l’un et l’autre pressant sur les marges. Résultat: la communication en souffre avec une réduction de l’investissement dans les médias.

Source: CIM MDB – Adstat Mediaxim. Current data

Le graphique ci-dessous illustre les plus fortes contributions à l’évolution annuelle 2012 par rapport à l’année précédente, par secteur. Avec une progression de l’ensemble de la valeur des plans médias de 22 millions d’euros, il se situe bien au-dessus des quelque 15 millions de progression globale du marché belge des médias. Suivent les fournisseurs d’énergie et les annonceurs actifs dans les jeux d’argent, ainsi que les pouvoirs publics (après tout, 2012 était année d’élections).

Les secteurs qui, à l’inverse, tirent vers le bas le marché des médias appartiennent pour la plupart aux produits de grande consommation. Mais on y trouve aussi les médias et l’édition, des catégories qui jusqu’à présent avaient bien contribué à la croissance des indicateurs MDB.

Quant au classement des annonceurs, il est inchangé dans le tiercé de tête: malgré un recul de leur visibilité média, aussi bien P&G que Unilever et d’Ieteren se maintiennent. Autrefois n°1, Belgacom cède encore une place à Peugeot Citroën. Si P&G et Unilever reflètent bien la tendance qui prévaut dans les produits de grande consommation (hausse limitée à Reckitt Benckiser et Bacardi-Martini), Belgacom, en baisse, est en évolution contraire à beaucoup d’acteurs de son marché (KPN –Base- à +15%, France Telecom-Mobistar- à +4%, Tecteo à +1%). Les annonceurs bancaires sont bien orientés, avec la nouveauté Belfius, mais surtout les progressions de BNP (+20%), ING (+7%) ou encore KBC (+4%). La distribution est en forme: (Lidl +42%, Colruyt: +22%, Carrefour +15%, seule exception, Delhaize à -14%. Grosses progressions également pour Samsung et Sony, et Daimler Benz. Quant aux annonceurs automobiles, on remarque d’assez grands contrastes: généralement à la baisse, parfois forte (Ford Group, BMW), il recèle également des évolutions très positives, comme celles de Daimler, General Motors ou Toyota.

Comme nous l’avons fait précédemment, l’annonceur MDB « Communautés et régions »a été réparti entre les différentes entités fédérées belges qui le compose: la Communauté Flamande, la Communauté Française, la (nouvelle) Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région Bruxelles Capitale et la Région Wallonne. Sans cette opération, ce regroupement peu pertinent serait à la 16e place du classement des annonceurs.

Source: CIM MDB – Adstat Mediaxim. Current data.

Se concentrer sur la valeur
2012, année à oubier au plus vite? On le voudrait bien! Malheureusement, le contexte économique global ne semble pas avoir beaucoup évolué en ces premières semaines de 2013. Beaucoup de spécialistes tablaient il y a six mois sur une reprise des investissements médias cette année. Mais c’était il y a 6 mois! En attendant, il faudra plus que jamais prouver que la communication, ça paie. En 2008 en tous cas, en pleine tempête des subprimes, le professeur Byron Sharp écrivait pour le WARC ces trois recommandations (« What to do in a recession: key actions) aux annnonceurs:
« Lower your growth targets but maintain your marketing support […]
Discounting is more likely to damage profits, particularly If competitors follow, rather than maintain sales […]
Be wary of newspaper stories […] Bad news sells papers […] Ignore over-the-top market research reports claiming large changes in consumer behavior”.
Pour les médias aussi, le focus en cette année de crise devrait encore plus se porter sur la valeur: quelle est leur contribution à l’efficacité de la communication marketing? Ce n’est qu’en apportant des réponses pragmatiques et crédibles à cette question qu’ils peuvent espérer une année 2013 meilleure –ou moins pire- que celle qu’ils viennent de connaître en 2012.