Milad Doueihi "Nous vivons une crise de confiance"

Pour sa 3ème édition le Digital Banquet du 22 mai dernier, organisé par la BAM et le Digital Manager Club, avait invité Milad Doueihi, américain d’origine, titulaire de la chaire d'Humanisme Numérique à La Sorbonne, docteur honoris causa de l'UCL. Le banquet a donc pris de la hauteur à travers un thème cher à l'orateur: "How can Digital contribute to build a humanistic culture?"  Il va de soi que le sujet mérite d'être dans l'actualité, en regard des enjeux numériques et éthiques qui sont les nôtres.

Pour Milad Doueihi, "la technologie a un impact important sur notre vie sociétale. Il nous faut apprendre aux machines, comme on apprend à un enfant, ce qu'on peut faire et ne pas faire."  L'homme s'inquiète du devenir des contenus non digitaux dans les décennies à venir, tout comme il observe que la mise en place des GDPR nous ramène à des notions de territoires que nous avait fait oublier internet - et notamment les réseaux sociaux.
Quant à savoir si la soif d'humanisme digital, qu'on est en droit d'avoir, ne va pas se heurter aux dures réalités du monde économiques et à l’emprise des réseaux sociaux qui rythment notre vie, notre philosophe se dit  "d'accord sur l'idée". Et de poursuivre : "Mais il me semble que depuis quelques mois, avec les révélations concernant Facebook, il y a un retour des valeurs humaines. C'est peut-être idéaliste, car ils vont sans doute trouver des solutions pour rester dans leur modèle économique classique. Avec l'émergence de l’intelligence artificielle, il y a une vraie question qui se pose et qui est d'ordre éthique. Comment allons-nous gérer tout cela? Il ne faut pas négliger les aspects économiques et techniques.  Du point de vue économique, si nous vivons une crise aujourd’hui, elle est de confiance. Elle porte sur l'humain. La question des GDPR conforte cette dimension.  C'est amusant de voir Apple, dont le modèle économique est basé sur la vente de son matériel, qui semble se désintéresser de cette problématique des données."

Et de lui demander : un acteur comme Facebook est-il capable de revoir son mode de fonctionnement pour répondre à ces attentes humanistes?  "Son modèle économique est celui de la publicité. Ils ne peuvent pas modifier leur modèle en quelques mois. C'est un système économique pyramidal. La question importante est celle du statut des données. Comment on peut les utiliser, quel est le rôle du citoyen, des pouvoirs publics - des deux côtés de l'Atlantique ?  Facebook comme Google sont des machines à pub. C'est un modèle ancien qui fonctionne depuis très longtemps. Il faut que cela évolue, que certaines normes soient respectées. L'Europe a opéré certains choix, l'Amérique résiste.  Le problème se situe au niveau des pouvoirs publics qui ont beaucoup de mal à réagir. Ils sont partagés entre l'intérêt économique et la protection des citoyens.  Or ils ne comprennent pas toujours très bien les problématiques, ils ne sont pas souvent bien informés."
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Retrouvez Milad Doueihi, à l'occasion d'un entretien dans le cadre de la remise de son  titre de Docteur honoris causa en  février 2018 à l'Université Catholique de Louvain (UCL)