Nathan Axford: "Notre inconscient appuie sur le bouton "acheter""

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Une grande partie des décisions qui nous conduisent à acheter un produit déterminé sont prises de manière totalement inconsciente, c’est-à-dire sans même que nous nous en rendions compte. Les consultants en marketing de Beyond Reason conseillent les entreprises sur la façon de tirer quand même parti de ce processus. Au BAM Marketing Congress, le cofondateur Nathan Axford lèvera un coin du voile sur ces mécanismes.

Nos cerveaux sont constamment bombardés de stimuli, mais environ 85-90 % d’entre eux sont filtrés par ce qu’Axford appelle le « cerveau implicite ». Celui-ci opère une première sélection des informations à transmettre à notre « cerveau explicite ». « Ce mécanisme évite que nous ayons à faire à une quantité trop importante de données, impossibles à traiter, explique-t-il. Le cerveau sélectionne les données qu’il juge pertinentes et les fait en quelque sorte émerger dans notre conscience. Pour le marketing, où tout tourne autour de la pertinence et du captage de l’attention, l’exploitation de ce processus peut s’avérer très utile. Quels sont les facteurs qui expliquent la décision d’une personne d’acheter telle paire de chaussures et non pas une autre ? »

La bonne nouvelle est que ce processus décisionnel est assez facile à comprendre. « Les gens paient pour obtenir des produits qui satisfont à la fois des besoins fonctionnels et psychologiques, indique Axford. C’est une mise en balance des coûts et des avantages. Nous avons créé un modèle qui permet de déterminer les fins fonctionnelles et psychologiques de n’importe quel produit. Les objectifs fonctionnels sont les mêmes pour presque toutes les marques : j’achète une boisson rafraichissante parce que je veux étancher ma soif. Je souscris à une assurance donnée parce que je peux facilement entrer en contact avec les courtiers de cette compagnie. C’est la même chose pour chaque soda ou police d’assurance. C’est donc surtout sur le plan psychologique que l’on peut développer une marque, créer de la valeur et ainsi se démarquer de la concurrence. Le modèle en soi est simple, mais les mécanismes qui le sous-tendent le sont beaucoup moins. Et c’est la raison pour laquelle le cerveau implicite s’en charge. »

Les mères et leurs enfants

Le marketer donne un exemple concret. « Nous avons notamment travaillé pour une fabrique de biscuits au chocolat. C’est une entreprise assez grande, mais elle a perdu des parts de marché et avait du mal à attirer de nouveaux clients. Nos recherches ont montré que c’étaient surtout les mères qui achetaient ces biscuits, la motivation psychologique la plus importante étant le lien affectif (bonding) entre une mère et ses enfants. Le ressort psychologique qui arrive en deuxième place est l’appréciation. Le motif pour ces mères d’acheter ces biscuits plutôt chers était d’obtenir l’appréciation de leurs enfants, mais aussi d’autres mères. Or, cet aspect était totalement absent des campagnes publicitaires. Dans les publicités télévisées, par exemple, on ne percevait absolument pas ce lien entre mère et enfant. Le simple fait d’y accorder de l’attention a permis à l’entreprise d’accroître à la fois ses ventes et sa part de marché. »

En plus de faire des recommandations concernant les campagnes télévisées, Beyond Reason s’est également attaqué aux promotions de la marque de biscuits. Axford commente : « Toute interaction avec le client doit viser à satisfaire ses besoins psychologiques. Par exemple, la société de biscuits a régulièrement mené des actions permettant aux acheteurs de collecter des points et de les échanger contre un jouet. Mais il s’agissait toujours d’un jouet avec lequel l’enfant pouvait s’amuser tout seul. Nous avons recommandé d’offrir à la place des jeux de société, qui favorisent les interactions entre les membres de la famille. Cette suggestion a également eu un impact direct sur les ventes. »

Les atouts de l’iPhone

Axford considère qu’il est beaucoup plus important de satisfaire les aspirations psychologiques que les besoins fonctionnels.  « On peut faire le même trajet avec n’importe quelle voiture, mais tous les modèles ne sont pas pour autant premium. C’est aussi la différence entre Apple et les autres fabricants de smartphones. Apple parvient à satisfaire au mieux les besoins psychologiques des utilisateurs. On se sent bien quand on vient d’acheter un iPhone. Pourquoi exactement, c’est difficile à dire, mais le fait est là. Être capable de susciter une telle sensation vaut de l’or. »

Axford estime que le caractère inconscient de ce mécanisme est une bonne chose. « Supposons que chaque fois que nous achetions un tube de dentifrice, nous nous posions la question de savoir si ce choix nous rend originaux ou plus appréciés des autres. On deviendrait fous (rires). »

Ce mode de fonctionnement du cerveau du consommateur a été mis au jour par des études scientifiques récentes menées par des économistes comportementaux et des psychologues tels que Daniel Kahneman. Cependant, de nombreux marketers n’en ont encore jamais entendu parler. « J’ai moi-même travaillé comme marketer pendant dix-sept ans dans de grandes entreprises comme ABInbev et DHL et je dois admettre que je n’en avais aucune idée, confesse Axford. Il existe encore un large fossé entre le marketing et la science. On se demande depuis longtemps si le marketing est un art ou une science. Je pense que c’est un peu les deux, mais le point de départ est quand même scientifique. En découvrant ce qui motive les gens et comment fonctionnent leurs mécanismes décisionnels, on obtient un énorme avantage concurrentiel. Et ce, que vous vendiez du dentifrice, des polices d’assurance, des sacs Louis Vuitton ou de simples chips. »

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