Non le consommateur post-covid ne sera pas plus vert

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Y aura-t-il une révolution verte après la crise du corona ? Certains le pensent, mais Olivier Tjon de Beyond Reason a des doutes. Beyond Reason est une start-up belgo-britannique, spécialisée dans le neuro-marketing et le profiling psychologique avancé. Elle soutient les performances d'entreprises telles qu'Unilever, Volkswagen, Pepsico, L'Oréal, EDF, etc.
Parfois active en Belgique, la start-up travaille principalement au niveau européen et mondial.

Qu’avez-vous observé sur l’écologie durant la crise du Coronavirus ?

L’impact de l’écologie, de l’éco-responsable et du développement durable sur les préférences et les décisions d’achat des consommateurs s’est affaibli comparativement aux niveaux constatés avant la pandémie ; ceux qui croyaient en un monde d’après plus vert en sont pour leurs frais. Ce n’est pas un message que je veux que mes enfants entendent, mais 3 millions de mesures implicites durant la crise ne peuvent pas mentir.

La plupart des directeurs Marketing continuent-ils à croire que l’écologie prend de l’importance ?

C’est l’amour vache entre l’écologie et les comportements d’achat. Presque toutes les catégories sont confrontées à un hiatus entre les intentions déclarées ‘oui, je vais consommer plus responsable’ et les actes ‘je ne vais pas acheter plus vert’. Seuls des outils d'étude innovants - comme la méthode Beyond Reason - sont à même de capturer les motivations réelles qui sont à l’oeuvre dans le comportement d’achat.

Cet nouvelles données nous apprennent que seul un petit groupe de 7 à 8% de la population étaient motivés par l’écologie et adaptaient leurs comportements avant la crise du coronavirus. Le reste de la population ne tenait pas compte de l’écologie dans ses habitudes de consommation. Cela était vrai pour le transport aérien, l’au- tomobile et la consommation de viande, mais aussi pour les cosmétiques, l’alimen- tation, les boissons, les produits d’entretien, la téléphonie, les assurances, etc.

Pendant la crise, les motivations écologiques du groupe des 7 à 8% ont connu une petite augmentation, mais la taille du groupe en lui-même n’a pas évolué. L’intérêt du reste de la population pour l’écologie a, lui, baissé de 20 à 30%, ce qui met en év- idence qu’une écrasante majorité ne va pas modifier ses habitudes en faveur d’un monde plus vert.

Cela va à l’encontre de la tendance vers davantage d’alternatives bio et durables

Les gouvernements et le secteur privé continuent à développer des initiatives écologiques, par exemple la relance de l’économie en mode « donut » à Amsterdam (en référence à l’économiste Kate Raworth), ou encore le géant de la mode H&M et les magasin IKEA qui joignent leurs forces à une alliance pour une stratégie de re- lance durable après la pandémie. Ce type d’actions est noble et pleine de bonnes intentions, mais ne suffira pas à changer les motivations des consommateurs... tout simplement parce que le cerveau humain ne fonctionne pas comme cela.

La majorité silencieuse éprouve de la sympathie pour le groupe de 7 à 8% de défenseurs de l’environnement. Les remontées des réseaux sociaux montrent qu’ils vont juste qu’à publier des posts favorables à l’écologie. Et certains d’entre eux se voient évoluer en pensée vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Mais la pensée n’est pas ce qui contrôle nos actes : ce sont les processus im- plicites du cerveau qui sont à l’oeuvre, et ils tirent dans la direction opposée.

Beyond Reason, © Wim Vandersleyen

Comment les marques et les responsables marketing Belges devraient-ils s’adapter à ce nouveau contexte ?

Faire évoluer un portefeuille de marques et sauvegarder leur profitabilité devient encore plus difficile qu’avant. Parier sur l’écologie a peu de probabilité de rapporter un sentiment - sauf si votre coeur de cible est les 8% d’éco-acteurs. Plus les gens réaliseront qu’ils vont prendre la crise économique de plein fouet - dont des économistes visionnaires comme Nouriel Roubini ont prédit qu’elle sera pire‘La Grande Dépression' de 1929 - plus ils tourneront le dos à un mode de vie plus vert, jugé ‘frivole’. Désolant mais compréhensible. Mettez-vous à la place de quelqu’un qui ne sait pas comment régler son loyer du mois : est-ce que vous achèteriez des carottes bio ?

Les marques qui s’adapteront à la réalité de consommateurs anxieux et incertains en cherchant à leur procurer de la certitude, de la stabilité, de la fiabilité sous toutes leurs formes augmenteront leurs chances de succès..C’est probablement le meilleur conseil que nous pouvons leur donner.

En conclusion?

La grande majorité de la population se fait du souci pour son avenir. Ils veulent s’en sortir avant de sauver la planète. Et l’érosion des revenus des familles va décupler cet effet.
La triste réalité est que le consommateur post-COVID ne sera pas vert.