« Nous voulons abolir la distance »

Geert Joris et Alex Thoré

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En réalité, il n’aime pas les interviews dont il ne connaît pas les questions à l’avance, annonce Alex Thoré, director branding & communication chez Proximus. Encore moins quand il ne sait pas à qui il aura affaire. Il a pourtant accepté cette interview pour PUB, et c’est Geert Joris, directeur du Centre Tour de Flandre qui lui pose des questions.

 

Geert Joris et Alex Thoré

Geert Joris et Alex Thoré
© Luc Hilderson

Geert Joris en avait très envie. A la fin du siècle précédent, il était aux commandes d’entreprises internet et graphiques, avant de plonger dans le e-learning, de devenir directeur de Boek.be et de diriger la Nederlandse Taalunie jusque 2016. A la fin de l’année passée, on lui a demandé de succéder à Rik Vanwalleghem à la tête du Centre Tour de Flandre à Oudenaarde. Il n’a pas dû réfléchir à deux fois avant d’accepter d’interviewer le directeur branding & communication de Proximus. Lorsqu’il se présente à Alex Thoré – nous sommes au centre flamand de cyclisme Eddy Merckx à Gand – ce dernier est immédiatement enthousiaste. Il a, quant à lui, un parcours complètement différent. Il a occupé des postes dans le marketing, la vente, le branding, la communication pour des fabricants de biens de consommation courante tels que P&G, Pernod-Ricard, Danone et Coca-Cola jusqu’à recevoir un coup de téléphone (!) en 2013 de ce qui était alors Belgacom. Il a ensuite accompagné la mutation de Belgacom en Proximus et le repositionnement de la marque, en a dirigé le CRM, le branding, la communication, les médias, le sponsoring et la communication one-to-one. Une fois les présentations effectuées (voir encadré), la première (double) question est posée.

Qu’est-ce qui te motive ? Quel est ton moteur ?

Alex Thoré : « La passion ! Je suis très orienté sur les résultats, j’en deviens presque compétitif. Le marketing est un jeu où on est presque toujours face à un concurrent ou un adversaire. J’essaie cependant de garder un équilibre avec ma vie familiale, j’ai une femme et deux filles alors quand je fais le Tour de Flandre en amateur, j’opte pour le circuit de 90km au lieu de celui de 265km. »

A ce propos, que penses-tu de ‘We Ride Flanders’, la collaboration de Golazo et Flanders Classics ?

« C’est une belle opportunité. La force de Golazo réside dans l’activation. Ajoutez à cela le beau circuit de la Flanders Classics et vous faites mouche auprès des amateurs de sport. »

Quels critères entrent en ligne de compte dans le sponsoring d’activités cyclistes ? En êtes-vous au sponsoring 3.0 ? Le 1.0 étant le logo sur l’affiche, le 2.0 étant l’organisation d’une réception et 3.0 étant une expérience de la marque supplémentaire et la brand loyalty.

« Nous avons trois raisons d’investir dans le sport. Le renforcement de la marque, la promotion des ventes et le développement de partenariats. Dans le football nous avons quelque chose à vendre : Proximus 11. Pour nous la vie est belle, mais elle l’est encore plus lorsque vous partagez une expérience tous ensemble. Le football est donc un sponsoring incontournable pour nous. Dans la course cycliste, l’effet est moins direct : les gens prennent des photos et les envoient par leur smartphone, ce qui renforce certes la marque mais nous pouvons faire davantage encore, surtout en numérique. Nous voulons développer tout un écosystème avec les clients et les partenaires. C’est ça le sponsoring 4.0. »

Il me semble que Proximus n’a pas d’approche sur les réseaux sociaux pour ces activités.

« Nous y travaillons ! Nous voulons augmenter notre share of engagement, par le biais de Facebook notamment. Fin 2015, notre part de réseaux sociaux était de 20%, contre 60% chez Telenet. Nous avons beaucoup communiqué et fin 2016, nous dominions sur le numérique, grâce à des promoted posts et de la conversation management. Je l’admets néanmoins, nous devons travailler davantage sur notre CRM des réseaux sociaux, en faisant appel, entre autres, à la data intelligence. Nous sommes encore trop peu présents sur YouTube et dans le monde des applis. »

En général, la Belgique est à la traîne en matière de social storytelling.

« Notre maître-mot c’est la proximité. Nous voulons miser sur tout ce qui permet d’entrer en contact avec ceux que vous appréciez. En d’autres termes, nous voulons abolir la distance et permettre d’interagir à n’importe quel moment. »

Geert Joris et Alex Thoré © Luc Hilderson

© Luc Hilderson

Massive one-to-one

 Comment mesurez-vous les résultats du sponsoring sportif ?

« Remettons le sponsoring sportif dans son contexte : nous faisons ça comme une entreprise commerciale normale – Dominique Leroy dirige Proximus de façon autonome, même si l’actionnaire principal soit l’état belge. Nous évaluons le sponsoring sur base de trois indicateurs : le potentiel de la marque, le potentiel de vente et le potentiel de stakeholder. La moitié des gens aiment le football, et la moitié de cette moitié sont des hommes. Pour la musique, on peut supposer que 90% des gens aiment la musique, mais c’est un marché beaucoup plus fragmenté. C’est ainsi que nous déterminons quantitativement le potentiel réel de chaque forme de sponsoring. »

Est-ce qu’en fin de compte, il s’agit de résultats concrets ?

« Nous partons du principe que toutes les activités doivent croître, donc nous les suivons toutes. Pour le Proximus Challenge, par exemple, nous réfléchissons à l’étape suivante. Quel message pertinent pourrions-nous envoyer après l’événement ? Nous voulons rassembler encore mieux toutes les données pour identifier ‘the next best offer’. »

S’agit-il alors de micro-communication, le secret du chef de campagne de Barack Obama, qu’emploie maintenant Theresa May ?

« Nous faisons ça aussi ! C’est un massive one-to-one qui nécessite une IT-roadmap géante. »

C’est notre course

Lorsque je suis à moto sur le Tour de Flandre et que je vois tout ce qu’il se passe en marge de la course, je rêve de second screens pour que les gens puissent montrer leurs propres images. Les gens me prennent pour un fou quand je dis ça.

« Génial ! C’est innovant et réaliste, je trouve. Mais comment pourrait-on faire ? Il y a tout ce débat autour de la protection du signal télévisé. Bien que parfois, la technologie permette de faire évoluer les lois. Le respect des données privées est bien évidemment très important pour nous, nous n’avons aucune intention d’enfreindre ces règles, bien au contraire. Même si parfois le respect de la vie privée devient un tabou exagéré. »

150 millions de personnes regardent le Tour de Flandre et vous atteignez trois millions de Flamands, entre dix minutes et la durée de la course. Pourquoi le sponsoriser alors que vous n’atteignez qu’une toute petite partie du public ? Pourquoi Proximus ne fait rien pour les autres 147 millions de spectateurs ?

« Il faut dire que nous ne regardons nos retours sur investissements que par rapport au marché belge. Nous n’avons pas (encore) de produits pour les 147 millions restant. »

Que pensez-vous d’actions comme De koers is van ons (ndt : action promotionnelle pour le cyclocross axée sur les points communs entre la Belgique et ce sport, et que l’on pourrait traduire par ‘c’est notre course’)? Regarder une course gratuitement le long du parcours ne s’inscrit pas dans un business model.

« Les courses cyclistes sont désormais financées par les sponsors et un peu par les droits télévisés, alors qu’ici, il s’agit de cyclocross, où les fans paient une entrée.  Si l’on voulait un modèle payant pour les courses sur route, il faudrait pouvoir proposer une meilleure expérience. »

Le cyclocross a perdu 30 pourcent de ses spectateurs après l’arrêt de Sven Nys. En tire-t-on des enseignements ?

« J’espère bien ! Naturellement, on a toujours besoin de héros. Or, Proximus ne crée pas de héros, comme Red Bull peut le faire. Nous créons une expérience basée sur des moments de passion. »

La rencontre touche à sa fin, mais on aimerait tout de même savoir comment Proximus organise sa collaboration avec ses partenaires de communication. « Nous essayons de créer une équipe de Champions League, mais avec le moins de joueurs possible, plaisante Alex Thoré. Un seul joueur ne suffit pas, même si tout le monde veut faire du 360 degrés. » BBDO est le partenaire pour la stratégie et le concept. Pour tout ce qui est numérique, c’est JUSt. Agency qui intervient. Pour le marketing experiental, ce sont les agences Demonstr8 et Sportizon. Pour l’activation en magasin, on fait appel Altavia Act* et enfin, l’agence média n’est autre que Space. Voilà, la feuille de match de Proximus…


Questions rapides

Cyclisme ou football ? (courte hésitation) « Cyclisme ! »

Bob Verbeeck (Golazo) ou Wouter Vandenhaute (Flanders Classics) ? « Pour moi, c’est un peu pareil, après tout ils vont collaborer… »

Tour de France ou Tour de Flandre ? « Tour de Flandre. »

Qui va gagner le Tour de France cette année ? « Peut-être Alberto Contador ? »

Y a-t-il du dopage dans le cyclisme ? « On est souvent à la limite… Mais ce n’est pas la raison pour laquelle nous ne sponsorisons pas d’équipe et soutenons d’autres initiatives cyclistes comme le Proximus Challenge. »

Orange ou Base ? « La troisième option ! » (rires)