ÉMOTIONS INTERDITES

Denis de Groote
Je vais enfoncer une porte ouverte : la pression du résultat immédiat s’est imposée et a fait basculer nos marketeurs vers le marketing à la performance, havre de paix du ROAS (Return On Ad Spend) et système anti-dérapage budgétaire.
Quoi de plus facile que d’arrêter tout net une campagne search qui ne délivre pas de conversions rapides, de rebriefer son agence pour optimiser le stopping power d’une vidéo (je vous conseille l’Audience Retention Tracker de YouTube, merveille de la technologie digitale) ou encore de démoyenniser une campagne display programmatique sur des cibles mutantes et aux attentes différenciées? Moins de dépenses, plus de return. Bingo.
Les marketeurs sont enfin pris au sérieux par les financiers. La publicité est devenue lucrative à défaut d’être créative. Et moi, consommateur, de m’assoupir devant des écrans insipides, des influenceurs influencés et des promos démultipliées par un remarketing aussi irritant que stérile. Et d’oublier qu’une marque peut aussi être un choix irrationnel.
Finalement cela m’arrange, professionnellement. Mais si ce n’était pas une agence digitale que je dirigeais, j’inviterais les annonceurs à se ressaisir, juste un moment. Un moment pour partager de vraies émotions, un moment pour nous proposer une communication inspirante autour de marques vivantes, touchantes, authentiques et sincères. Quitte à lâcher un peu le contrôle, à briser les nouveaux interdits et à retrouver la joie de l’échange spontané.
Comme de vraies relations à nouer, entre les marques et nous. C’est illusoire?
Je referme la porte.