LES PLATEFORMES INTERNET DANS LE SECTEUR AUDIOVISUEL : QUEL RÉGIME RÉGULATOIRE ?

Bernardo Herman
Depuis 2013, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel plaide pour la reconnaissance d’une responsabilité des plateformes internet vis-à-vis du contenu audiovisuel qu’elles diffusent. Au travers de moult contributions au niveau national et européen, le régulateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles a défendu une approche égalitaire de la régulation afin de soumettre à des règles identiques les entreprises significatives fournissant des services similaires dans le cadre d’une même zone géographique. En ce sens, le CSA proposait, dans une étude parue en mars 2016, de créer une nouvelle catégorie de sujets de droit, couvrant les plateformes audiovisuelles voire plus généralement les agrégateurs de contenus audiovisuels. Inspirée du statut des distributeurs de SMA en Belgique, cette catégorie devait permettre d’appliquer à ces acteurs un ensemble de règles en matière d’accès, de « trouvabilité » et de promotion d’œuvres européennes notamment.
La directive 2018/1808 adoptée par le Parlement européen et le Conseil en date du 14 novembre 2018 introduit le concept de fournisseur de plateforme de partage de vidéo qui, en lien avec les services fournis par ces plateformes, présente de forte convergence avec la nouvelle catégorie générique espérée. On retrouve en effet dans la définition des services proposés sur ces plateformes de partage de vidéo l’exigence que ces services doivent correspondre à la fourniture au grand public soit de programmes – c’est-à-dire de productions professionnelles - soit de vidéos amateurs créées par les utilisateurs, soit les deux. Ainsi l’un ou l’autre type de contenu audiovisuel, voire les deux sont englobés dans cette définition. Si des débats subsistent sur d’autres critères du texte à clarifier dans les prochains mois, relevons qu’il n’est plus possible d’affirmer que les géants de l’internet, y compris les réseaux sociaux, sont exclus de la régulation. Au contraire, nombre de dispositions les visent clairement comme lorsque l'organisation des services à l'aide notamment de moyens automatiques ou d'algorithmes est mise en exergue. Si cette évolution est a priori réjouissante dans une perspective d’amélioration de l’égalité de traitement des acteurs actifs sur un même marché, les obligations que la directive permet d’imposer à ces géants restent toutefois limitées à la protection des mineurs, à l’interdiction d’incitation à la haine, à la violence,  ou à la discrimination voire à certaines obligations en matière de communications commerciales.