Lors de la deuxième édition de la conférence ORBIT By PUB, dont le thème était "Change is Now", nos invités sont venus parler du développement durable dans l'industrie de la communication et du marketing.
Parmi les participants, Caroline Vermeersch, Conscious influencer - Social media consultant - Art director, The lemon spoon. Nous vous livrons ici son intervention in extenso. À lire
"Je m’appelle Caroline, j’ai 29 ans, j’ai grandi dans une famille ou on ne se posait pas la question de savoir si le Coca était bon pour la santé. Alors heureusement pour moi je n’ai jamais aimé les sodas pétillants. Et malgré avoir vécu à la campagne et proche de la nature, l’alimentation industrielle était dans mon assiette chaque jour. Je ne résistais bien sur pas au steak frites béarnaise, qui était, je l’avoue, un de mes plats préférés.
Mon rêve de jeune fille ? Devenir riche. L’abondance matérielle était l’objectif de ma vie ! Et ce, malgré la chance d’être née dans un milieu très privilégié où je n’ai absolument jamais manqué de rien. J’étais d’ailleurs plutôt gâtée car j’étais enfant unique.
Et puis, en juin 2007, mon monde s’est effondré.
Le divorce de mes parents, aussi douloureux fut-il, a marqué le début d’une grande aventure avec moi-même. Evidemment à l’époque, je n’avais pas conscience qu’une telle souffrance allait m’amener à la personne que je suis aujourd’hui. J’étais loin de penser que j’allais pouvoir tirer du positif d’une telle situation. J’étais dépressive. Je broyais du noir.
Après un bachelor en marketing, je suis partie apprendre l’espagnol à Barcelone. Enfin une bouffée d’air, un nouveau départ, une nouvelle vie ! J’ai fini par y rester plus longtemps, pour réaliser un master en design d’intérieur et un autre en beaux arts.
À 25 ans, après 3 ans de fêtes intenses dans la capitale catalane, mon foie à commencé à tirer la gueule. Le pauvre avec toute cette tequila que je lui imposais. Jusque là, je ne m’étais jamais réellement posée la question de la conséquence de mes actes quotidiens sur ma santé ou mon environnement. Zara et H&M étaient mes anti-dépresseurs préférés. J’y passais d’ailleurs 3 jours par semaine à activer ma dopamine pour un semblant de bonheur. J’étais une jeune fille comme beaucoup d’autres. Mouton à la mode et esclave de la société de consommation.
Et puis, il y a eu un premier déclic. Suite à la lecture du livre de Deliciously Ella. Une Londonienne qui a soigné une maladie soi disant incurable par la médecine traditionnelle, grâce à un changement d’alimentation radical. En tant que bonne épicurienne et artiste culinaire, j’ai donc commencé à mettre un peu de conscience dans mon assiette et j’ai crée un compte Instagram pour partager mes recettes healthy et vegan avec mon entourage. Entre nous, j’adore les valeurs de ces mots mais aujourd’hui je ne peux plus les entendre tant ils font l’objet d’une tendance. C’est vrai que continuer en mode patatas bravas n’était pas vraiment envisageable si je ne voulais pas revenir de Barcelone par cargo.
Et puis une deuxième prise de conscience est survenue, le jour où j’ai du ramener la tonne de fringues accumulée, à Bruxelles lorsque j’ai quitté l’Espagne.
C’est là que tout a commencé. Je n’ai plus mis un pied dans les enseignes de fast fashion depuis lors, et très naturellement à mon grand étonnement pour une accro du shopping. Je suis donc passée de Tapas-Zara-Sangria à un mode de vie plus Slow-Vintage-Vin sans sulfites.
Dès mon retour au pays de la frite, j’ai créé une plateforme qui rassemblait toutes les initiatives et marques durables que je découvrais au fur et à mesure de mon changement de mode de vie. The Lemon Spoon est né, pour vous faire prendre conscience que chaque dépense que vous faite est un vote qui créera le monde de demain.
Alors quand on découvre quelque chose de nouveau, on peut passer par cette phase extrême. On a l’impression d’avoir tout compris à la vie, du moins c’était mon cas. Il y a 4 ans, l’écologie n’était pas encore une évidence comme aujourd’hui. Mon entourage ne me donnait d’ailleurs pas beaucoup de crédibilité, j’ai même entendu « qu’est ce qu’elle est perchée ». j’étais tout d’un coup passée de fashionista à Barcelona à écolo bobo des champs bios. Les grandes entreprises, il ne fallait plus m’en parler. Mon objectif était de donner de la visibilité aux petites marques locales, artisanales et dans une vraie démarche écologique.
En 4 ans, j’ai construit une communauté de 20 000 personnes sur les réseaux sociaux qui ne cesse de grandir aujourd’hui. Mon asbl a jusqu’ici compté plus de 50 bénévoles, que je n’ai pas du recruter. Ils sont venus à moi parce que, je pense, ça donnait du sens à leur vie de faire partie d’un tel projet.
J’ai refusé plus d’une cinquantaine de contrats rémunérés de grandes entreprises qui voulaient qu’on donne de la visibilité pour leur nouveau produits « green ».
Ce qui à l’époque était encore une niche est aujourd’hui devenu une tendance mondiale. Mais moi je parlerais plutôt d’urgence mondiale.
On entend partout « save the planet ». Mais c’est pas la planète qu’il faut sauver, c’est l’humanité. La planète elle, continuera à se porter bien mieux sans nous, elle nous éjectera tel un parasite lorsque nous lui aurons sucé ses dernières ressources jusqu’à la moelle. Il y a urgence, et aujourd’hui même si j’aimerais continuer à ne travailler qu’avec des petits, je n’ai plus le choix que de tenir compte du système dans son ensemble. On ne sauvera pas l’humanité grâce à une niche, on doit emmener la masse avec nous et ce n’est pas en étant fondamentalement contre le système que j’arriverai à convaincre ceux qui ont besoin d'être convaincus. J’ai fini par trouver mon équilibre entre les deux extrêmes par lesquelles j’étais passée.
Tant pour les gens que pour les entreprises, aujourd’hui j’identifie trois niveaux de conscience écologique. Des étapes par lesquelles je suis passée moi-même et par lesquelles je passe encore maintenant, parfois.
Le profil linéaire ne laisse pas vraiment place à l’écologie.
J’espère que vous n’êtes pas trop nombreux dans cette salle à vous identifier à ce bel animal qu’est l’autruche. Ceux-là, c’est ceux qui se disent que c’est très bien le changement mais que ça doit venir des autres. C’était encore mon cas il y a quelques années, vous vous souvenez, mon rêve, devenir riche!
Bon, vous l’aurez compris, tant pour l’entreprise que pour l’individu, le but c’est de créer de la valeur et du sens, pas seulement du profit, sinon vous êtes déjà morts.
Aux autruches d’aujourd’hui, j’aimerais leur dire de sortir la tête du sable, car votre argent ne se mangera pas lorsqu’il n’y aura plus rien dans les supermarchés. Il reste deux choix : agir pour vous, pour vos enfants, pour la nature… Ou dans 2, 5, 10 ans, regretter de n’avoir rien fait, en constatant que la fête est finie.
Le profil qui se donne bonne conscience.
C’est ceux dont le niveau de conscience se mesure à leur image. Ils se disent que pour être acceptés et continuer à faire de l’argent, il faut bien faire un peu semblant de se sentir concernés. J’appelle ça le greenwashing où 1 collection sur 100 faite en plastique recyclé de la mer #thereisnoplanetb by H&M. Honnêtement je vous le dis, ces pubs me filent la nausée. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons. Par exemple, j’ai été invitée à une conférence de presse d’une marque de café internationale, qui était fiers de recycler ses capsules pour en faire des bics et des brols. What else ?
Quant à moi, cette phase se traduisait encore il y a un an par le fait d’être végétarienne, mais de prendre encore ma voiture tous les jours et l’avion pour des city-trips en veux-tu en voilà. Je ne me blâme pas, c’est juste pour démontrer que le changement est un long processus. Sortant d’un léger burn-out après 2 ans de travail bénévole intense pour The Lemon Spoon, j’ai aussi appris à me foutre la paix. Me mettre la pression était le meilleur moyen de me dégouter de ce processus de changement. Et puis j’ai compris que si je ne prenais pas soin de moi avant tout, il n’y y aurait plus de projets, ni de possibilité de montrer l’exemple pour aider les autres à changer à leur tour.
Le profil idéal.
Et pour finir, il y a ceux qui se font encore trop rares selon moi en vue de l’urgence. Ceux qui passent d’un modèle linéaire à un modèle circulaire. Ceux qui se réinventent. Ceux qui partagent. Ceux qui utilisent l’intelligence collective pour aller plus loin. Vous connaissez Ecosia - le Google qui plante des arbres ?
Ecosia c’est 1,7 millions de chiffre d’affaire le mois dernier et 850 000 € réinvestis dans la plantation d’arbres. Prenez en de la graine !
Posez-vous la question.
Est-ce que vous avez le sentiment d’être en accord avec vous même ? Est-ce que votre offre aujourd'hui répond aux enjeux du monde de demain ? Est-ce que votre croissance est destructrice ?
La réalité c’est qu’on a besoin de gens courageux. De gens qui se libèrent de leurs peurs et de leurs croyances limitantes. Ceux qui comprennent qu’il n'y a rien à perdre et tout à gagner. Ça ne dépend que de nous de créer le monde de demain, et ce qui est incroyable, c’est de se dire qu’on peut le créer comme on veut et que les possibilités sont multiples. Gardez en tête qu’il n’est pas possible de faire de la croissance illimitée sur une Terre où les ressources elles, sont limitées.
La nature est notre meilleur exemple. Elle n’est pas croissante, elle ne cherche pas la performance. Elle n’est pas en décroissance non plus. Elle est en équilibre. Et c’est cet exemple là que l’on doit suivre pour nos modes de vie et notre société.
Un autre bon exemple, vous en avez un devant vous. Je partais, à priori, perdante avec mon mode de vie il y a quelques années encore. C’est en ayant le courage de me remettre en question, et de me mettre en phase avec moi même, que mon projet s’est mis en phase avec la société. Ma croissance n’est pas mesurée en terme d’argent mais en terme de valeur. J’ai 20 000 suiveurs et dans 6 mois j’en aurai 100 000. Demain, ma génération et la suivante, on ne sera pas clients de ceux qui font semblants, on ira chez ceux qui sont transparents.
Bon j’avoue, je suis un peu dure avec les grandes entreprises. Au final mon rêve, quel est-il ? Travailler ensemble pour relever le défi le plus grand que l’humanité n’ait jamais connu. Se voir comme des alliés et non des adversaires. Nous avons besoin de vous, autant que vous avez besoin de nous.
Moi-même je ne suis pas parfaite. L’autruche est toujours en moi certains jours et dans certains de mes actes. L’incohérence fait partie de nos vies car nous sommes juste des humains que je qualifierais de parfaitement imparfaits.
Et il y a cette phrase qui dit : we don’t need a handfull of poeple doing things perfectly, we need millions of people doing it imperfectly. En effet, l’important c’est le progrès.
Demain, posez-vous les bonnes questions à chaque routine que vous entreprenez dans votre vie, que ce soit au boulot ou à la maison. Même les plus petites. Comment puis-je faire ça, mais le faire différemment ? Est-ce qu'en faisant cette chose, je fais partie de la solution ou du problème ?
Je suis intimement convaincue que le changement global passe par un changement intérieur individuel, et pour les entreprises ça veut dire repenser votre business modèle.
Et puis la cerise sur le gâteau, enfin dans mon cas ce sera plutôt le citron : ce qui pour moi a été un changement de vie radical, me rend beaucoup plus heureuse aujourd’hui. Je me sens libre d’être moi. J’ai arrêté de vouloir me coller une étiquette et de rentrer dans une case toute faite pour me rassurer et rassurer les autres. Même celle d’écolo, je n’en veux pas. Ecolo, ce n’est pas une mode, un parti politique ou une catégorie de personnes. L’écologie c’est ce qu’on a tous en nous depuis notre naissance. C’est là d’où on vient, c’est la nature. Celle dont l’évolution de notre société et la technologie nous a déconnecté. La solution miracle pour survivre sur cette planète, je ne l’ai pas. Le seul conseil que je puisse vous donner : reconnectez-vous à la nature, à vous-même. Balayez d’abord devant votre porte. Vous ferez partie de la solution et vous gagnerez sur tous les tableaux."