Paroles de banques

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Quand on est une marque, l’image, ça importe. Et c’est principalement à ce niveau que s’activent les départements communication et marketing des entreprises. Un travail plus compliqué lorsqu’on ne peut pas compter sur la connotation émotionnelle de ses produits, comme les institutions bancaires. Et lorsque l’actualité s’en mêle? Le point sur la perception de deux banques depuis la crise financière.

Walter Torfs (BNP Paribas Fortis): "C'est la proximité entre le client et son
conseiller d'agence qui nourrit la fidélité et la confiance. Et c'est elle qui peut
véritablement sortir la banque de la crise."

L’enquête que PUB a commandé à InSites Consulting le reflète: la confiance dans les banques a clairement chuté, principalement en ce qui concerne les « Big Four » (-61%), à savoir Belfius, KBC, ING et BNP Paribas Fortis. « Il est clair qu’une perception négative règne vis-à-vis du secteur financier, » reconnaît Walter Torfs, Head Branding, Communications & Quality chez BNP Paribas Fortis Belgique. « Et ce problème, conjugué à un populisme de plus en plus marqué, touche davantage les grandes banques traditionnelles, souvent considérées comme le symbole du secteur dans son ensemble. » La banque dite universelle, comme BNP Paribas Fortis, est un métier complexe parce qu’il s’adresse à des clients dans tous les segments de la société. « Il est de toute façon moins évident pour ces derniers de s’identifier à une banque généraliste, plutôt qu’à un challenger ou à une banque de niche qui ne dispose que de quelques produits à mettre en avant. » Fragilité sur laquelle les concurrents n’hésitent pas à attaquer de front, « et c’est de bonne guerre » admet Walter Torfs, comme BKCP qui signe ses spots de: « Heureusement, pas la plus grande ».
Pourtant, et malgré que ces banques soient au centre des reproches, leur clientèle est restée relativement stable. Du moins jusqu’à présent puisque, mi-avril, une étude d’Accenture a révélé qu’en 2012, 25% des consommateurs se disaient loyaux envers leur fournisseur bancaire. Contre 44% en 2011… C’est que les clients deviennent de plus en plus exigeants: de part la montée des nouvelles technologies notamment, qui leur permettent d’être mieux informés et donc plus critiques. Et sur ce point, c’est moins la stratégie de comm’ qui opère. « La fidélité d’un client dépend essentiellement de la relation qu’il entretient avec son conseiller d’agence. C’est cette proximité qui nourrit la confiance. C’est donc elle qui a permis de remonter la pente après la crise et qui constitue un atout important pour notre réussite future, » défend Walter Torfs.

Le long-terme, inévitable
Notre étude démontre également que le public n’a généralement pas l’impression que ses besoins sont pris en considération. Une image que Walter Torfs ne dément pas, mais qu’il explique: « Par le passé, le monde bancaire avait une communication très inside-out. Pour caricaturer, nous exposions à la clientèle ce dont elle avait besoin, sans vraiment lui demander son avis. Désormais – tant en ce qui concerne notre positionnement général que nos produits – nous partons toujours d’insights clients, à partir d’une situation réelle de leur vie. » Changement de cap donc, vers des messages plus authentiques, avec assurance mais sans arrogance. L’empathie serait devenue le mot-clé. Cependant, « ce changement de ton ne peut porter ses fruits qu’à très long terme, car il faut s’attaquer à des idées reçues bien ancrées dans les esprits depuis plusieurs générations. »
Parmi ces aprioris, l’analyse relève entre autres pour BNP Paribas Fortis, en vrac: « peu innovante », « pas prête pour le futur », « chère », « ne se différencie positivement des autres », « moins fiable », « peu transparente »,… « Nos propres recherches confirment ces résultats. Mais il existe un véritable écart entre la réalité et les impressions de la clientèle. Si les grandes banques ne sont globalement pas perçues comme les sociétés les plus innovantes au monde, nous avons été les premiers à lancer des outils en ligne comme, récemment, le ‘Belgian Mobile Wallet’. Je pense que seul le temps pourra y changer quelque chose. »

Le Sex, la seule issue
Qui plus est, « il nous est impossible d’accélérer ce processus en faisant appel aux codes les plus efficaces du marketing, c’est-à-dire le trio gagnant pour capter l’attention des consommateurs: le’ Win-Free-Sex’. Pour une banque, le ‘Win’, c’est offrir une rémunération plus élevées que la moyenne, sur les comptes d’épargne notamment. Le ‘Free’, c’est la gratuité. Celle des comptes courants par exemple. Or, pour une banque généraliste qui doit financer son réseau et une offre diversifiée dans un contexte de marges extrêmement réduites, vu la faiblesse des taux d’intérêts, le ‘Win’ et le ‘Free’ sont moins accessibles. » Pas d’autre choix que de se concentrer sur le troisième critère, le ‘Sex’. Autrement dit, rendre la marque attirante, soigner son image. Toutefois, nous l’avons vu, le rétablissement de l’image d’une banque aujourd’hui est intimement lié à l’amélioration de la réputation globale du monde financier. Et représente de ce fait un projet à moyen, voire long, terme.
Et alors même que la communication devrait aider à redorer le blason de la marque bancaire, seuls 28% de notre échantillon trouvent les campagnes de BNP Paribas Fortis crédibles. « Notre histoire, marquée par une croissance sur une quinzaine d’années et le regroupement de plusieurs marques – CGER, SNCI, Générale de Banque, MeesPierson, Fortis, BNP Paribas Fortis – ne nous facilite pas la tâche, » justifie Walter Torfs. « Au moins deux des trois autres ‘Big 4’ se présentent sous la même enseigne depuis de nombreuses années et peuvent donc se montrer beaucoup plus consistants dans leur positionnement. » Et d’avancer comme programme: « Désormais, nous devons impérativement miser sur la cohérence de tous nos messages. Etre dans le concret, l’humain, la proximité et rompre définitivement avec le discours émetteur du passé. »

Le positif de la crise
Bien différente, la situation de la Banque Triodos. La banque de niche, a vu ses taux d’ouverture de comptes multipliés par quatre aux temps forts de la crise. Et enregistre dorénavant une croissance continue de 15 à 20% par an. Dans notre enquête, les principales critiques sont d’ordre structurels: « offre de produits limitée » ou « difficilement joignable ». « Nous proposons uniquement des produits (épargne, sicav, crédits, etc.) qui contribuent au développement durable, c’est inscrit dans les statuts qui fondent notre banque, » explique Lieve Schreurs, Head of Marketing & Communication pour la Banque Triodos. « La question du compte à vue est envisagée, nous y travaillons avec 2015 pour horizon. » Quant au contact, « il est vrai que nous ne possédons pas d’agences à tous les coins de rue. Mais ce n’est pas parce que nous sommes une banque à distance que nous sommes une banque distante. Nos clients le savent parfaitement: nous sommes très accessibles. Via les réseaux sociaux entre autres, où notre public se positionne volontiers en ambassadeur. »

Lieve Schreurs (Banque Triodos): "C'est le terme de 'durable' qui  nous définit le mieux.
Nous n'allons pas en inventer un autre pour nous démarquer. Mais bien continuer à
démontrer en quoi nous sommes durables et ce que cela implique véritablement".
Paul Gérard (Banque Triodos): "Nous bénéficions d'une visibilité médiatique bien plus grande que ce que nous autoriserait notre part de marché."

Il semblerait donc que les reproches soient particulièrement dus à une méconnaissance de l’institution. Toutefois, c’est particulièrement sur le plan de la notoriété que la crise a été profitable à la Banque Triodos. « Nous n’avons changé ni le contenu ni les arguments de notre communication depuis la crise, » précise Lieve Schreurs. « Mais avant 2008, nos clients nous choisissaient principalement sur base de leurs valeurs, leur préférence pour des actions respectueuses de la société ou de l’environnement. Aujourd’hui, nous touchons également des personnes qui cherchent le choix de bon sens, l’équilibre entre l’éthique et le rendement. » D’une certaine façon, le contexte a concouru à renforcer le bien-fondé du message de la banque, qui mise énormément sur la transparence. Et plus que la seule crise financière, c’est toute la mutation sociétale en marche qui a spontanément donné un coup d’accélérateur à la Banque Triodos. Des changements auxquels s’intéresse aussi la presse, ce qui contribue à faire connaître la marque. « Nous bénéficions d’une visibilité médiatique bien plus grande que ce que nous autoriserait notre part de marché, » reconnaît Paul Gérard, Communication Manager pour la Banque Triodos. Des articles de surcroît (très) majoritairement élogieux, excepté peut-être le dernier article de Marianne Belgique, paru après notre étude. Le magazine épinglait alors que la banque avait recouru à des paradis fiscaux pour réaliser certains investissements. Faits qui ont très rapidement été éclaircis par la Banque Triodos.

Protéger son capital
Disposant d’un modeste budget communicationnel, la banque n’a toutefois pas hésité à s’exprimer au cœur même de la crise. Des annonces sont parues à ce moment-là pour rappeler les caractéristiques de l’institution bancaire. Les qualificatifs « à taille humaine », « transparente », « orientée long terme »,… étaient explicités sous une titraille, discrète mais bien présente, « crise bancaire ». « Le défi était d’abord de montrer qu’une banque n’est pas l’autre, de nous distinguer, » analyse Paul Gérard. « Nos outils de comm’ nous servent surtout à expliquer ce que nous sommes, une banque durable, et qu’il n’y a pas que la rentabilité qui compte. »
La banque a effectivement une différence à faire valoir. Mais depuis la crise, elle est confrontée à la reprise de son message par d’autres institutions bancaires. « Le risque, c’est que le terme ‘durable’ tombe dans le greenwashing, » soupire Live Schreurs. « Mais c’est bien ce terme qui nous définit le mieux. Nous n’allons pas en inventer un autre pour nous démarquer. Par contre, nous allons continuer à démontrer en quoi nous sommes durables et ce que cela implique véritablement. » La signature de la banque est d’ailleurs « La banque durable » et c’est clair, « nous ne laisserons personne d’autre la dénaturer! »
Le but de la Banque Triodos est donc bien de grandir en notoriété. Et pour ce faire, la ligne de conduite est claire: rester consistant, en respectant leurs valeurs et leurs engagements. A ce sujet, Paul Gérard conclut: « Nous avons la chance de jouir d’un fort capital sympathie. Les taux de satisfaction de notre clientèle sont colossaux et nos clients le font savoir d’eux-mêmes. C’est quelque chose qu’il faut choyer, et certainement pas galvauder en se lançant dans de grandes phrases qui ne veulent rien dire! »