"J'enlève le haut" au fil des pages

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j'enlève-le-hauutPierre Berville est incontestablement une grande figure de la publicité en France. D'abord créatif et concepteur rédacteur (1977-1982) , ensuite Président du Club des Directeurs Artistiques (1980) pour finalement fonder et diriger son agence Callegari Berville (1982) , Pierre Berville a beaucoup à partager de sa riche et longue carrière de publicitaire. A l'occasion de la sortie de son dernier livre "J'enlève le haut", un savoureux témoignage sur l'âge d'or de la Publicité  aussi impertinent que regorgeant d'anecdotes , PUB s'est entretenu avec l'auteur de la campagne Myriam. Il nous donne son éclairage sur les enjeux de la publicité. Un regard mûr à apprécier.
enleve le haut
Qu’est ce qui vous a poussé à écrire votre livre, est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur ?
“J’enlève de haut a d’abord été un ego-trip. Je voulais raconter à mes enfants ( j’en ai 5 !), sous forme autobiographique, ma vie de golden boy  créatif couronné  par une réussite miraculeuse dans les années 70 et 80. Ces années furent ce que beaucoup considèrent comme l’âge d’or de la publicité en France.  J’ ai bien connu, de l’intérieur, les principaux protagonistes, célèbres ou inconnus, et aussi les rouages et les petits secrets;  Puis, comme j’ai créé et dirigé par la suite une agence qui a bien marché  (Callegari Berville), ma position de patron d’agence m’a placé à un poste privilégié pour analyser et comprendre les évolutions du métier. Peu à peu, tout en restant divertissant et impertinent- on ne se refait pas- le projet est devenu une vaste somme de portraits, d’anecdotes, de synthèses diverses; en fait un ouvrage de pédagogie très documenté, avec un abécédaire assez rigolo." Sorti fin 2018, “J’enlève le haut” a vite rencontré un succès qui me ravit. Il semble qu’au delà des nostalgiques qui se replongent avec délice dans cette époque bénie, les jeunes publicitaires -et tous les étudiants que je rencontre régulièrement aujourd’hui, y voient les clés d’une joie d’exercer ce métier qui ne demande qu’à renaitre. Et mes enfants connaissent maintenant un peu mieux la jeunesse joyeuse de leur papa.”
Quand vous avez créé la campagne Myriam à quoi vous attendiez-vous comme réaction de la part du ‘public’ ?
“La campagne Myriam, fameux “teasing” sorti en 81, dont le titre de la première affiche a donné son titre au livre, a été un succès inattendu, à commencer pour ses auteurs Joël Le Berre et moi-même. J’en raconte les dessous et la genèse pendant une vingtaine de pages, sur les 424 que comporte le livre. Elle dut peut-être sa célébrité à la gaité, l’impertinence, le style et la couleur qui caractérisaient les grandes créations de l’époque. Une sorte de synthèse, sexy sans être vulgaire , et hélas impossible à reproduire dans le monde hyper réglementé d’aujourd’hui.”
avenir
Pensez-vous que la pub était mieux avant ou maintenant ?
“Bien sûr que c’était mieux avant!  C’était d’ailleurs une phénomène de société largement plébiscité dans tous les sondages auprès des consommateurs.  Il y avait un engouement extraordinaire pour cette activité de la part des artistes, des réalisateurs, des comédiens, des compositeurs, des photographes les plus talentueux du monde, tout comme du public. On était naturellement publiphiles car la Pub était considéré d’abord et avant tout comme un divertissement qui générait une grande sympathie, ce qui rejaillissait sur les marques. Aujourd’hui, la RSE, le politiquement correct, la peur du bad buzz et l’auto-censure ont sclérosé beaucoup de choses.  Et le public, qui n’aime plus beaucoup la pub, fait un large usage des Ad-Blockers. Le grand défaut de beaucoup de messages d’aujourd’hui est qu’ils sont devenus soit criards, soit ennuyeux. Je suis sincèrement admiratifs des professionnels d’aujourd’hui, dont le talent est intact, qui arrivent à se faufiler dans toute cette jungle d’interdits.”
 
Comment pensez-vous que la publicité va évoluer dans les 5-10 ans à venir ?
“Je n’ai pas de boule de cristal, mais on peut raisonnablement espérer que l’ excitation autour de la data, et dans une certaine mesure ce que le web a suscité de plus mécanique et de plus immédiat au détriment de la constructions des marques, vont marquer le pas. On pourra enfin revenir au contenu. Les discours oscillent trop souvent entre l’intrusif et la leçon de morale Les marques repenseront un peu plus au public qui en a assez d’être soit bousculé soit culpabilisé par les communications actuelles. Et ce sera tant mieux pour la créativité. Les recettes du passé seront bien utiles pour éclairer l’avenir. Comme le disait le grand Karl L. : “On n’invente jamais que ce que l’on a oublié”. Tout le monde y gagnera : les métiers de la communication, les annonceurs et les consommateurs.”
pierre berville
 
J’imagine qu’on vous associe beaucoup à la campagne Myriam, mais est-ce qu’il y a d’autres projets, campagnes dont vous êtes fier ?
“Oui, des tas. Et heureusement pour moi, j’ai oublié toutes les mauvaises! Si, si, je vous assure, il y en a eu.”
 
Vous avez été rédacteur et patron d’agence, ce sont deux jobs différents, lequel l'emporte et pourquoi ?
“Très difficile de trancher. Les deux sont passionnants. Concepteur rédacteur, surtout à l’époque c’était extrêmement joyeux et créatif. Patron, ça permet de construire plus large et plus durable. Ce que j’ai le moins aimé, c’est la position intermédiaire : directeur de la création. Toutes les emmerdes du patron, sans la liberté de décision qui va avec. Comme je dis dans le livre : “l’écorce et l’arbre coincés entre le marteau et l’enclume. Heureusement qu’il y avait la paye!”
 
Pourquoi avez-vous décidé de quitter le monde de la publicité ?
“Je ne voyais plus ce qu’il pouvait m’apporter comme autre bonheur. Il me les avait tous donnés. Et aujourd’hui, en prime, celui de retrouver ce monde grâce à ce livre.”
 
Si vous deviez nous parler d’un concept ou d’un passage de votre livre, lequel serait-ce ?
“Il  y a un thème récurrent dans “J’enlève le haut”, c’est celui de la liberté. D’imaginer, d’explorer, d’oser, de s’enthousiasmer, de provoquer, de savoir dire non. De Bleustein-Blanchet à Philippe Michel,  de Bill Bernbach à John Hegarty, la plupart des grandes figures de l’âge d’Or avaient ce don qui permet de créer les grandes campagnes et les belles entreprises. Savoir désobéir à bon escient c’est une grâce. Il faut la cultiver. Ainsi, pour sortir ce livre, j’ai tourné le dos à l’édition classique qui était hier encore un passage obligé. Et, grâce à Amazon, entre autres, j’ai découvert des solutions d’édition, de promotion et de distributions formidablement innovantes et efficaces. Ça a fait grincer certaines dents, mais le pari a été réussi. Comme dans une des plus belles chansons du monde : “I did it my way”.”
 
“J’enlève le haut, les dessous de l’âge d’or de la pub." Récit par Pierre Berville. Disponible sur Amazon.
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